En modifiant une règle de spéculation monétaire, la Chine laisse aux hedge funds américains le soin de faire baisser le yuan.
Les ouragans sont arrivés juste à temps pour sauver la Réserve Fédérale.
Son comité de politique monétaire devait faire face au défi de resserrer la politique monétaire dans les prochains mois, comme cela avait été promis. Mais la présidente Janet Yellen y a peut-être bien échappé de justesse, une fois encore.
Auparavant, le Taper Tantrum et la manipulation monétaire par la Chine ont permis par deux fois à la Fed de remettre à plus tard le cycle de resserrement prévu. Cette fois-ci, ce sont les ouragans. Personne ne voudrait relever les taux sur le dos des victimes des inondations.
La facture laissée par les deux ouragans atteint des centaines de milliards de dollars US. Le PIB des Etats-Unis sera revu à la baisse mais pas de beaucoup : en effet, le PIB est une mesure de l’activité économique, pas des actifs. Or les ouragans détruisent les actifs.
D’un côté, ces actifs sont utilisés pour générer l’activité économique comptée dans le PIB. Mais reconstruire ces actifs est compris comme une hausse du PIB. Les économistes s’amusent bien à utiliser ces distinctions pour tromper les journalistes… ce qui conduit à des histoires aberrantes sur l’effet économique des ouragans.
Le pétrole n’a pas beaucoup réagi à la perturbation de l’offre. Il est en hausse de moins de 10% en Europe et le West Texas Intermediate stagne. Cependant, le Light Louisiana Sweet a enregistré une hausse de 34%. Mais il semble que la Fed n’ait pas à avoir peur des effets inflationnistes d’une réduction de l’offre de pétrole.
Peut-être Janet Yellen ne relèvera-t-elle jamais les taux. Elle est censée terminer sa mission à la Fed en janvier 2018. Elle laissera à son remplaçant la tâche de normaliser la politique monétaire.
Cette politique monétaire exceptionnelle dure depuis si longtemps qu’elle est devenue normale. Les marchés actions et obligations dépendent de son maintien. C’est pour cela que Yellen est ravie de quitter la scène avant que ne se révèle l’impossibilité d’un réel cycle de resserrement. Les ouragans sont son excuse pour sortir avant que la tempête monétaire n’éclate.
Ce qui soulève la question : combien de fois encore la Fed va-t-elle feinter ? Une feinte, c’est lorsqu’un sportif se tortille pour tromper son adversaire sur la direction de son prochain mouvement. Le problème est que si on feinte sans cesse, à la fin cela ne fonctionne plus.
La Fed ne cesse de promettre un retour à une politique normale mais ne le fait jamais. Lorsque le changement aura réellement lieu, la surprise sera rude.
Le risque chinois est toujours d’actualité mais c’est un piège
Par une curieuse ironie du sort, il semblerait que la Chine sous-traite sa manipulation monétaire. Début septembre, une nouvelle politique est devenue officielle. Selon Bloomberg :
« A partir du 11 septembre, la Banque populaire de Chine cessera de demander aux institutions financières de mettre en réserve du cash lorsqu’elles achètent des dollars pour leurs clients dans le cadre d’opérations de change à terme. »
Auparavant, les sociétés financières qui offraient des taux de change verrouillés pour leurs clients devaient bloquer à hauteur de 20% de la position du mois précédent, pour un an et sans intérêt. Comme un dépôt ou une marge. Du moins, c’est l’explication que donaient les médias financiers. Chaque explication différait des autres.
Désormais, il va devenir beaucoup moins cher pour les spéculateurs de parier contre la monnaie chinoise. Les entreprises peuvent faire des placements sur marges, en se servant de leurs flux de trésorerie. Les spéculateurs se servent de la dette et n’ont pas d’argent à placer sur marges – du moins pas au point de pouvoir bloquer 20%. Les spéculateurs bénéficient ainsi de manière disproportionnée de ces changements.
[NDLR : pour spéculer et gagner sur les devises, nul besoin d’être un hedge fund spéculant sur le Forex. Découvrez ici la méthode mise au point par mon collègue Jim Ricards et profitez vous aussi du « casse du siècle »]
Quoi qu’il en soit, encourager les spéculateurs n’est pas une bonne chose, en particulier si on est communiste. Pourquoi alors le gouvernement chinois a-t-il procédé à ce changement ? Il s’agit d’un mouvement stratégique – un piège pour les spéculateurs et une manière d’esquiver la pression des gouvernements étrangers.
Le renminbi a gagné près de 5% en trois mois
Le gouvernement chinois ne cesse de se plaindre de la pression sur ses entreprises partenaires qui exportent. Mais comme Donald Trump qualifie la Chine de manipulateur monétaire, le gouvernement ne souhaite pas intervenir directement.
Les spéculateurs sont présumés spéculer contre la monnaie chinoise. Cela signifie qu’ils la feront chuter lorsqu’ils prendront leurs positions sans la marge de 20%. Tout se déroule comme prévu. Le renminbi a perdu près de 1% à l’annonce du changement de politique.
Les Chinois utilisent les spéculateurs pour manipuler leur monnaie. Ils se servent des hedge funds américains, qui bénéficent de la chute de la monnaie tout en provoquant sa chute.
Cela signifie-t-il que les détracteurs de la Chine sont à nouveau en selle ? Le vendeur à découvert Kyle Bass avait publiquement fait connaître sa position en 2016 et en a fait la grande histoire de son fonds spéculatif. Depuis, il souffre avec la hausse de la monnaie chinoise. Mais ce n’est rien à côté du tout nouveau fan de la Chine, le gestionnaire de fond Mark Hart. Il a commencé à vendre à découvert la Chine il y a sept ans. Ce n’est que dernièrement qu’il a changé d’avis.
Le 19ème Congrès national du Parti communiste chinois étant prévu le 18 octobre prochain, je me méfie de cette nouvelle liberté de la monnaie.
Trump tient à qualifier la Chine de manipulateur de monnaie. Cela sera difficile pour lui d’y parvenir si les vendeurs à découvert texans sont ceux qui font bouger la monnaie. Cela permet également à la Chine de justifier une intervention si la situation devient incontrôlable. Les méchants spéculateurs doivent être vaincus.
Tout cela ressemble, à mon avis, à un piège.