Par Bill Bonner (*)
Nous vivons dans un monde de merveilles. De manière tout à fait improbable, même la devise irakienne — le dinar — grimpe par rapport au dollar US. En janvier 2004, il fallait 1 480 dinars pour acheter un dollar. A présent, les Irakiens prêts à faire la queue dans un lieu public peuvent en acheter pour seulement 1 240 dinars. Alors que le taux d’inflation atteignait récemment 30% par an, la banque centrale irakienne prête néanmoins de l’argent à 20%. Il y a quelques jours, lors d’une vente aux enchères au Texas, un libraire a apparemment payé 100 000 $ pour une boucle des cheveux de Che Guevara. Et en Argentine, en avril dernier, il a plu des araignées. Nous ne savons pas quoi déduire de tout cela. Nous tirerons donc la conclusion la plus évidente : impossible de dire ce que la nature — même sous forme humaine — peut faire.
Par le passé, on n’avait pas besoin d’avoir foi en la nature humain pour accumuler dollars, livres sterling, francs ou deutschmarks. Derrière chacune de ces devises, jusqu’à relativement récemment, on trouvait une quantité fixe d’une chose que l’homme ne fabriquait pas — pas plus qu’il ne pouvait l’imiter, la détruire ou la trafiquer — l’or. En fin de compte, quiconque détenait un franc ou un dollar pouvait compter sur le fait qu’il était possible de l’échanger contre de l’or. C’était uniquement dans les cas d’extrême urgence — comme la Première guerre mondiale — que les banques centrales manquaient à cette promesse. Et même alors, ce n’était que partiel… provisoire… et honteux.
Mais un homme parcourant les rues avec les poches pleines de monnaie papier aujourd’hui est un homme marchant sur de l’air. Les autorités peuvent lui dire que ses dollars sont "forts", mais qu’est-ce que cela signifie ? Contre les principales devises de la planète, le dollar a perdu près de 10% de sa valeur rien que cette année. En termes de pétrole, d’or ou de blé, les dommages sont pires encore. Parallèlement, la masse de dollars augmente de 15% par an — cinq fois plus rapidement que la production US des biens et services que le dollar est censé acheter. Et le Financial Times nous apprend que le marché mondial des dérivés du crédit, quasi-entièrement libellé en dollars, a augmenté de 32% au cours du premier semestre et grimpé de 75% sur l’année se terminant fin juin.
Un haussier sur le dollar n’a rien de solide sous les pieds. Il n’a que la foi. Il doit faire confiance aux économistes modernes. Il ne doit pas s’inquiéter de voir les politiciens trop dépenser. Lorsque le secrétaire au Trésor US déclare qu’il y aura "un dollar fort", il doit le croire. Il doit croire que le président américain agira avec modération et prudence. Et, plus important, il doit être persuadé que les gens de la Fed — les banquiers centraux américains — exerceront leur autorité avec prévoyance et intelligence.
Faut-il en rajouter ?
C’est bien ce que nous pensions.
Meilleures salutations,
Bill Bonner
Pour la Chronique Agora
(*) Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Publishing, maison-mère des Publications Agora aux Etats-Unis. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450 000 lecteurs), il intervient dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning. Il est également l’auteur des livres "L’inéluctable faillite de l’économie américaine" et "L’Empire des Dettes".