Depuis l’élection de Trump, le dollar progresse. Les marchés anticipent une hausse des taux directeurs de la Fed ainsi que des allégements fiscaux et des travaux de relance qui vont doper l’économie américaine. Mais un dollar plus cher et donc plus rare menace les emprunteurs des pays émergents.
Au 15 novembre, l’examen des Fed fund’s rates montrait une probabilité de 91% de hausse des taux en décembre. Résultat : un dollar à la hausse. Mais ce renforcement du dollar pourrait bien causer une tempête…
Beaucoup d’analystes craignent que le monde n’ait à faire face à une pénurie déstabilisante de dollars. En effet, une hausse du dollar pourrait déclencher une crise mondiale de liquidité.
Lu dans le Telegraph : « La crainte que la Réserve fédérale américaine relève les taux plus rapidement que prévu entraîne une grave pénurie de dollars, ce qui assècherait la liquidité mondiale. »
« L’idée d’une pénurie de dollars peut sembler étrange à certains », reconnaît Jim Rickards. « La Fed n’a-t-elle pas imprimé 3 400 milliards de nouveaux dollars entre 2008 et 2015 ? Comment alors pourrait-il bien y avoir une pénurie de dollars ? »
La réponse de Jim : le monde a créé de nouvelles dettes libellées en dollars vingt fois plus vite que la Fed n’a créé de l’argent. Chaque dollar imprimé par la Réserve fédérale a engendré 20 dollars de dettes.
3 400 milliards de dollars créés mais 60 000 milliards de dettes en plus
La machine monétaire a produit plus de 60 000 milliards de dollars de nouvelle dette libellée en dollars entre 2009 et 2015. La plus grande partie se trouve hors des Etats-Unis.
« Cette énorme montagne de dettes ne posait pas de problème », explique Jim, « tant que la croissance mondiale était solide et que les dollars quittaient les Etats-Unis vers les marchés émergents. »
Mais avec les conditions de marché actuelles — la crise de la croissance avec une menace de récession technique — payer le service de la dette (les intérêts) pourrait devenir une charge insupportable. Un dollar plus fort signifie que la dette libellée en dollars est plus chère. Or les débiteurs n’ont pas les dollars pour rembourser ces dettes. D’où une pénurie de dollars.
Cette dissonance entre toute cette dette libellée en dollars et les flux d’investissement nécessaires pour en servir les intérêts, mène tout droit l’économie mondiale vers la crise :
« Cela laisse apparaître la perspective d’une nouvelle crise de liquidité et d’une panique financière pire que celle de 2008… Il n’y a pas assez de dollars. Les pertes seront énormes… Nous sommes plus proches du stade (vu pour la dernière fois en septembre 2008) où ‘tout le monde veut récupérer son argent.’ Lorsque cela arrivera, il n’y aura jamais assez d’argent. »
Tout le monde voudra récupérer son argent en même temps alors qu’il n’y en aura plus. Tout le monde fera donc défaut sur ses propres dettes, etc.
La hausse des taux de la Fed le mois prochain pourrait bien être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Or la Fed est trop inconsciente pour s’en rendre compte, indique Jim :
« Ce qui est surprenant, c’est le commentaire de Fischer qui se dit ‘raisonnablement confiant’ que la hausse des taux par la Fed ne provoquera aucune réaction en chaîne sur les marchés émergents. Ceci est inquiétant et représente presque certainement un voeu pieux de la part de Fischer. En fait, il existe déjà une pénurie mondiale de dollars. Un dollar encore plus fort qui résulterait d’une hausse des taux par la Fed pourrait faire basculer les marchés émergents dans une véritable crise de liquidité. »
Mais Fischer a affirmé qu’il « est certainement trop tôt pour déclarer qu’une large baisse de la liquidité des marchés a eu lieu. » Qu’aurait-il pu dire d’autre ?
La Banque des règlements internationaux (BRI) est considérée comme la banque centrale des banquiers centraux. On ne peut pas faire plus establishment.
Que disent donc les initiés de la BRI selon un rapport, publié il y a deux semaines ?
« Lorsque beaucoup d’emprunteurs ont emprunté beaucoup de dollars… l’appréciation du dollar expose les emprunteurs et les prêteurs à des changements de valorisation ce qui se répercute sur leurs bilans… Si les banques réagissent à une hausse nette de la volatilité en réduisant leurs activités d’intermédiation, comme cela a été le cas pendant la crise de 2007 à 2009, le secteur bancaire pourrait devenir un amplificateur de chocs plutôt qu’un absorbeur de chocs. »
En jargon bureaucratique, la citation ci-dessus veut dire « crise globale de liquidité. » Cela signifie qu’un dollar trop fort pourrait assécher le lubrifiant de la machine de la croissance mondiale. Tout le mécanisme pourrait se gripper.
Selon Jim :
« Lorsque cette nouvelle crise éclatera, les investisseurs n’auront aucune confiance dans la capacité des banques centrales à limiter la panique. Contrairement à 1998 et 2008, la prochaine panique ne pourra être stoppée sans des mesures extrêmes — y compris l’impression de monnaie par le FMI, le confinement des banques et des fonds du marché monétaire et peut-être la loi martiale en réponse aux émeutes ».
Les élites rejetteront toute la faute sur Trump. « Regardez ce qu’a fait Trump, hurleront-ils. Lui et son anti-mondialisme, son protectionnisme, et ses vociférations ». Les « experts » seront alors appelés à la rescousse…