Par Léo Golovine (*)
S’il est des concepts bien intéressants en analyse boursière, celui de force relative en est un. Popularisé notamment par Stan Weinstein, il exprime en somme le comportement d’un actif par rapport à celui d’un autre (il est d’ailleurs aisé de constater que le momentum exprime la même idée, mais en reprenant le même actif à deux moments différents — autrement dit, cela revient à regarder la force relative de l’actif par rapport à lui-même, mais N séances auparavant).
Si cette notion est extrêmement intéressante, c’est surtout parce qu’elle permet, à l’instar des moyennes mobiles, de filtrer un cours donné. On regarde, par exemple, le comportement d’un titre par rapport à la tendance générale (en étudiant sa force relative par rapport à un indice de marché tel que le CAC 40), ou encore par rapport à son secteur. On peut aussi comparer les secteurs entre eux, de même que des marchés entiers, etc.
On peut appeler cela du "benchmarking boursier" : on considère ce que fait une référence (un leader, ou un marché…), et comment se comporte l’actif étudié par rapport à cette référence. Ainsi, si sur une année le CAC 40 chute de mois en mois de 5% en moyenne, et un titre défensif ne lâche que 2% en moyenne, il est clair qu’il est potentiellement intéressant : on peut parfois en jouer le rebond (encore que je ne le conseille pas, la poursuite d’une tendance étant statistiquement prépondérante par rapport à une cassure, plus rare), le surveiller en vue d’un achat massif dès que le marché en général se retourne, et en tout état de cause, de telles valeurs ne devraient pas être "shortées" (vendues à découvert). De même, si une valeur piétine ou augmente peu, tandis que le marché grimpe bien, cela est de très mauvais augure.
En ce moment, on observe quelque chose d’assez curieux. Regardons de près les graphiques des principaux indices occidentaux. Le DAX 30 a marqué en juillet dernier son plus haut historique, et reste encore proche de ce sommet à 8 151 points (même si l’échec très récent à marquer un nouveau plus haut est potentiellement un mauvais présage !). Le parcours de l’indice allemand depuis un an est néanmoins de toute beauté. Le Dow Jones américain a marqué son sommet historique il y a 10 jours ; là aussi, on demeure proche des sommets (en dépit des quelques difficultés récentes), et la courbe sur un an est enviable. Quant au britannique Footsie, déjà les choses se gâtent : le plus haut historique date de décembre 1999 (mais on n’en est pas bien loin certes). On voit en tout cas sur la courbe un niveau de résistance assez marqué, et le marché londonien semble avoir du mal à aller de l’avant au-delà des 6 750 points.
Et quand on se penche sur le cas du CAC 40, voici que le concept de force relative montre toute sa splendeur. Celle du CAC par rapport à ses confrères occidentaux est tout simplement médiocre ! Le plus haut historique marqué en septembre 2000 (six mois après celui du Nasdaq, qui était alors le principal moteur des Bourses mondiales) reste hors d’atteinte (puisque sept années plus tard, on est pratiquement 20% en dessous !). La courbe du CAC, si on la compare à celles des autres marchés, est fort peu reluisante.
Que faire en de telles circonstances ? D’aucuns choisissent de jouer le rattrapage (en partant d’un faux présupposé, selon lequel la très forte corrélation entre les principaux indices occidentaux signifie ipso facto l’obligation pour le CAC d’aller chercher ses plus hauts historiques quasiment en parallèle). Pourtant, si la force relative est mauvaise (ce qu’on ne voit hélas qu’après coup !), cela traduit une certaine faiblesse structurelle, qu’il est bon d’analyser avant de se lancer à l’achat (puisque de telles situations généralement ont tendance à perdurer). L’économie française ne va pas très bien ; plusieurs réformes structurelles sont davantage évoquées que réellement conduites ; et la crise budgétaire n’est pas traitée pour le moment de manière vraiment draconienne. Même s’il est très exagéré de parler d’une récession, la situation économique est assez mauvaise, et la Bourse ne fait qu’amplifier les doutes, les interrogations, les craintes et les angoisses des agents économiques…
Cela n’exclut évidemment pas la possibilité de se positionner à l’achat sur tel ou tel titre donné, si sa situation particulière le permet (et notamment… si sa force relative est bonne !). Mais le constat ci-dessus doit amener à une prudence accrue, et fait pencher la balance plutôt du côté de la baisse que du côté de la hausse, pour la sortie de la zone de congestion actuelle.
Nous parlons là évidemment des probabilités, puisque le trading boursier n’est jamais qu’une affaire de probabilités ! On peut fort bien miser sur le scénario le plus probable, et néanmoins perdre 10 fois d’affilée ! L’essentiel étant donc de bien maîtriser les risques (à l’aide d’un système de money management sans failles, et nous en parlerons prochainement), afin de toujours être là pour profiter des opportunités de demain. Car il est bien frustrant d’avoir eu raison trop tôt, ou bien, pis encore, de bien "sentir" le marché, et ne plus avoir le capital nécessaire pour jouer en fonction de ses anticipations ou intuitions, aussi géniales et précises qu’elles puissent être !
Meilleures salutations,
Léo Golovine
Pour la Chronique Agora
(*) Investisseur de talent, Léo Golovine est trader depuis 14 ans. Au fil des années, il a élaboré une méthode fondée sur une approche méthodique et rigoureuse de l’analyse technique. Les résultats sont là, puisque son système de sélection surperforme largement les marchés depuis 2002 — grâce notamment à une approche inédite de suivi de tendance et de gestion des positions.
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