▪ Depuis quelques jours, nous citons de nombreux indicateurs fondamentaux pointant tous dans la même direction : un affaiblissement de l’économie mondiale.
Dans ce cas, pourquoi les actions — qui sont censées anticiper l’avenir — nous disent encore que la route est dégagée ?
Le Dow a perdu environ 2% l’an dernier. Et le S&P 500 a chuté d’un petit 1%.
Pas de quoi alarmer les foules.
Mais selon le Prix Nobel d’économie Robert Shiller, les actions américaines n’ont quasiment jamais été si chères.
Son PER ajusté aux cycles — ou CAPE ratio — examine la relation entre les cours des actions et les bénéfices moyens, ajustés à l’inflation, sur les 10 années précédentes. Cela permet de lisser les variations des bénéfices, qui peuvent être extrêmement volatils, d’une année à l’autre. Selon Shiller, on obtient ainsi une image plus précise de la valeur offerte par l’action.
Le CAPE ratio du S&P 500 est de 25,5. Il n’a jamais été plus élevé ces 135 dernières années, à part à trois dates : 1929, 2000, 2007 |
Actuellement, le CAPE ratio du S&P 500 est de 25,5. Il n’a jamais été plus élevé ces 135 dernières années, à part à trois dates : 1929, 2000, 2007. Aucune d’entre elles ne s’est révélée très positive pour améliorer votre portefeuille boursier.
Mais attendez… L’histoire est un peu plus compliquée.
Le Dow et le S&P 500 ont été portés par la performance de quelques entreprises qui ont connu de très beaux parcours.
Le Nasdaq, riche en technos, doit lui aussi ses chiffres à une poignée de valeurs : Facebook, Amazon, Netflix et Google (désormais appelé Alphabet).
Ces quatre chouchous de la technologie connaissent une ascension fulgurante — nous rappelant la folie dot.com de la fin des années 90. Et toutes (sauf Alphabet) s’échangent à des PER de plus de 100.
Mais si l’on regarde au-delà des grands indices, on voit que les actions ne s’en donnent pas à coeur joie ; au contraire… elles semblent plutôt se mettre à l’abri.
▪ Un marché baissier "furtif"
En fait, on dirait qu’un marché baissier "furtif" a déjà commencé.
Par exemple, la valeur médiane au sein du Russell 3000 — une mesure large du marché boursier US — a chuté de 20% depuis son sommet de 52 semaines.
Une chute de 20% par rapport à un sommet de 52 semaines, c’est la définition standard d’un marché baissier |
Voilà qui devrait faire résonner quelques sonnettes d’alarme. Une chute de 20% par rapport à un sommet de 52 semaines, c’est la définition standard d’un marché baissier.
Que se passe-t-il ?
Dr. John Hussman, du Hussman Funds, parle pour nous :
"Je reste convaincu que les marchés financiers US, en particulier les actions et les obligations à bas rendement, sont dans les dernières étapes de formation du sommet de la troisième bulle spéculative en 15 ans.
Sur la base des mesures de valorisation les plus fortement corrélées aux rendements boursiers (et ayant conservé cette corrélation même durant les récents cycles boursiers), les extrêmes actuels indiquent des pertes potentielles de 40-55% sur la fin du cycle de marché, avec des rendements réels et nominaux de zéro, voire négatifs, pour le S&P 500 sur un horizon de 10 à 12 ans.
Ce ne sont pas là les pires scénarios, mais des prévisions ordinaires".
Nous reprenons la parole : nous nous rappelons qu’en 2000 — l’année même où nous avons suggéré de sortir des marchés actions –, Warren Buffett avait porté son regard sur l’avenir. Et il voyait venir une "Décennie perdue" pour le marché boursier américain.
Les cours étaient devenus si élevés par rapport au PIB, que selon lui, un rendement positif était peu probable sur les 10 années qui suivaient.
Les actions ont grimpé jusqu’en 2007… avant de se réeffondrer, terminant la décennie plus bas qu’elles ne l’avaient commencé |
Il avait raison. Les actions ont grimpé jusqu’en 2007… avant de se réeffondrer, terminant la décennie plus bas qu’elles ne l’avaient commencé. Les investisseurs ont perdu de l’argent.
Et maintenant ? Hussman continue :
"Le cycle de risque s’est déjà retourné, et le canari dans la mine de charbon — les chiffres internes aux marchés et les spreads de crédit — se détériorent de manière constante, de la même manière que la détérioration des chiffres internes et les défauts sur les subprime furent les premiers signes annonciateurs à émerger en 2007… Les conséquences d’années de déformation des flux de capitaux et de recherche de rendement se développent déjà".
Notre indicateur boursier interne, basé sur les recherches de Stephen Jones, ancien analyste chez ValueLine, montre à peu près la même chose : des marchés US dans le rouge à perte de vue.
A moins bien entendu que vous puissiez vous projeter plus loin que 10 ans en avance.
Jusque-là, notre indicateur prédit une baisse des cours US, le marché actions s’adaptant à des prix élevés, une surrèglementation, des dettes écrasantes, une mauvaise allocation des ressources et une population vieillissante.
Jones et Hussman auront-ils raison ? Aurons-nous raison ? Qui sait ?
Mais si vous vérifiez votre compte-titres en 2025… et découvrez que vous n’avez que la moitié de richesse réelle par rapport à aujourd’hui… rappelez-vous : nous vous avions prévenu.
En revanche, si vous avez gagné beaucoup d’argent en ignorant nos conseils… s’il vous plaît, oubliez que nous avons dit quoi que ce soit !
3 commentaires
Vous citez Warren Buffett qui disait en 2000 que la prochaine décennie serait perdu. Vous êtes d’accord. Vous dîtes que les investisseurs ont perdu de l’argent.
J’ai préparé des tableaux pour mesurer le risque de titres canadiens. Je calcule quelles sont mes chances d’obtenir un rendement de 8 % à l’intérieur d’une période donnée.
Prenons par exemple la Banque royale du Canada. J’ai 1 chance sur 10 d’aller chercher 8 % en 10 jours; 1 sur 2 en 3 mois; 4 sur 5 en 1 an; 19 sur 20 en 5 ans ou plus. Par ailleurs, le rendement annuel cumulé (incluant les dividendes) était près de 16 % en octobre dernier. Je calcule ce rendement au jour le jour. Il n’a jamais été négatif. Un investisseur qui achète des actions de cette banque ou de quelqu’autre «Blue Chip» est malchanceux rare ou d’une maladresse incroyable s’il réussi à perdre de l’argent.
Je sais bien que tous les placements ne sont pas aussi sécuritaires. Il me semble quand même exagéré de parler de décennie perdue. J’aurais acheté des actions de la Banque royale en janvier 2000 et les aurais bêtement vendues au pire de la crise de 2008, mon rendement annuel cumulé aurait été modeste, mais quand même positif. Si j’avais attendu jusqu’à maintenant, j’aurais obtenu un excellent rendement malgré la morosité actuelle. Si cette morosité se transformait en crise, il suffirait de patienter pour récupérer les rendements perdus depuis quelques mois et les amener à de nouveaux sommets.
Vous croyez que la crise qui semble pointer sera pénible et longue. Vous pensez qu’on pourrait perdre la moitié de sa richesse d’ici 2025. Si cela devait arriver, on serait beaucoup plus proche de 1929 que de 2008.
Agora relaie des études macro-économiques et Monsieur Langlois donne un exemple de micro-économie. Il est donc possible que tout deux vous ayez raison.
Nous sommes manifestement à un tournant de l’histoire, aussi bien politico-économique, technologique, sociétal qu’ environnemental. Plus grave ses phénomènes semblent se conjuguer et avoir des dynamiques qui convergent, d’où ce stress ambiant.
En tant qu’investisseur il y a donc lieu d’être conscient que le monde qui nous entoure va être fortement perturbé, plein de risques mais aussi d’opportunités.
J’ai personnellement été trop influencé par le négativisme d’Agora qui a eu pour effet de trop limiter mes investissements boursiers ces deux dernières années, ou de limiter le risque en travaillant avec des ETF sensés le réduire. Actuellement, je recherche à investir dans des sociétés innovantes qui seront les gagnants de demain et qui laisseront probablement beaucoup de cadavres derrières elles.
Tous les processus quels qu’ils soient possèdent leur rétro-action, leur dynamique (inertie) et leur capacité à absorber plus ou moins bien des perturbations. Si il y a de gros chocs qui se produiront, nous convergerons probablement vers un autre état plus stable, plus démocratique(ou inverse), plus sain(ou inverse) et plus équilibré(ou inverse). La transition sera néanmoins toujours chahutée voire franchement chaotique si certains seuils sont atteints.
Manque maintenant les grands timoniers avec une vision mondiale et un système politique globalisé à l’échelle du monde et plus des pays.
PS: pourriez-vous m’indiquer comment acquérir de l’or physique à « bon prix » et comment procéder pour le faire avec un maximum de discrétion. Ceci faisant partie du plan B au cas où le transitoire serait particulièrement brutal.
Très cordialement,
Philippe (Waterloo Belgique)
Pierre Langlois, banque royale du canada comme beaucoup d’autre ont bénéficier du plus grand sauvetage par inflation de l’histoire.
D’ailleurs, les prévisions « alerte au Krach » de Bonner qui ne sont jamais arrivés depuis 2008 (hormis la période faillite Lehman) ne se sont pas produits faute/grâce à l’inflation monétaire venu gonfler la bulle.
Je suis du coup surpris que Bonner n’en parle pas ici.
On ne peut prévoir un effondrement des actions quand on sait que derrière la FED/BCE/BoJ veillent.
Et qui sait, peut être qu’à l’image de la BoJ, la FED se mettra à acheter des action sur le S&P500
Tout est possible au 21e Siècle !