** En l’espace d’une demi-séance, les marchés asiatiques ont effacé les pertes impressionnantes subies lundi matin : la bourse de Hong Kong a repris presque instantanément plus de 1 000 points (+3,54%) après une chute de 1 090 points (-3,7%) sous les 29 500 points.
Tout s’est passé comme si l’indice Hang Seng avait toussé et recraché dans la même seconde une cacahuète avalée de travers !
Il ne reste plus aux investisseurs chinois qu’à avaler ganbei (cul sec) une bonne rasade de baijiu (alcool de riz), afin de s’éclaircir la voix pour se remettre à crier à pleins poumons « j’achète ! ».
Leurs homologues européens entonnaient le même refrain à l’unisson lors de l’ouverture des places sur le Vieux Continent — quoique de manière un peu moins enthousiaste, les gains initiaux avoisinant 0,4%.
** A Paris, le mouvement de reprise technique n’a cessé de s’amplifier en matinée. Le CAC 40 a progressé jusque vers 5 728,85 points. L’indice a refermé avec une précision stupéfiante (de l’ordre du dixième de pourcent près) le gap des 5 728,3 resté béant depuis lundi.
Et il en a ouvert un second au-dessus des 5 669 points, de telle sorte que l’évolution des cours, depuis vendredi, fait émerger une sorte d’îlot au bout d’une péninsule baissière en formation depuis les 11 et12 octobre.
Plus troublant encore, la séance de mardi constitue, elle aussi, une sorte d’îlot qui semble relier à marée basse l’île principale qui s’est constituée avec l’ouverture du gap haussier (toujours béant) du 18 septembre entre 5 557 et 5 650 points.
Si le CAC 40 est parvenu à clôturer au-dessus des 5 700 points mardi — au prix d’un ultime coup de reins –, le dégonflement de 10% des volumes par rapport à la veille semble indiquer que le sursaut actuel relève d’avantage d’une stratégie de stock-picking (chasse aux opportunités) que d’un retour en force des gérants pratiquant un ramassage indiciel à grande échelle.
Il faut avouer que cette séance de mardi, pauvre en chiffres macro-économiques, ne fut guère palpitante, à moins de se passionner pour l’analyse des hauts de bilans qui foisonnent depuis une quinzaine de jours. Nous avons du mal à discerner une véritable tendance à la lumière des dernières parutions de résultats trimestriels. Des profits plutôt flatteurs sont souvent éclipsés par des prévisions prudentes concernant le dernier trimestre 2007.
Mieux vaut observer les réactions du marché que se fier à sa propre expertise. Les consensus sont souvent biaisés et les manipulations de cours fréquentes, avant les communiqués officiels.
** Aucune statistique n’était inscrite au tableau mardi après-midi aux Etats-Unis. Les gérants se sont peu préoccupés des quelques chiffres publiés par Eurostat concernant l’activité industrielle en zone euro: les entrées de commandes ont rebondi de 0,3% en août 2007 après s’être fortement contracté (de 2,6%) en juillet.
A titre de comparaison, les dernières estimations (de la mi-octobre) concernant l’économie chinoise évaluent à +17% la croissance de la production industrielle en rythme annuel… Vertigineux !
Ce miracle tient pour une bonne part à la sous-évaluation chronique du yuan, que le G7 dénonce depuis trois ans sans jamais envisager la moindre sanction. Et que dire de l’arbitre suprême, l’OMC ? Il ne siffle jamais les hors-jeux et ne sort jamais un seul carton jaune (une couleur qui sied pourtant à merveille à la Chine, tandis que le rouge irait bien au déficit commercial américain !).
Mais tout le monde sait bien que si Pékin refuse de réévaluer sa devise, c’est parce que les Etats-Unis continuent de lui régler ses achats en monnaie de singe. Seul l’arrimage du yuan au dollar épargne aux consommateurs américains une flambée de l’inflation.
**Les dindons de cette farce restent les Européens, qui peuvent s’enorgueillir de posséder une monnaie forte. La BCE espère toujours pouvoir démontrer que cette situation présente quelques avantages et nous lui concédons volontiers que notre pouvoir d’achat s’avère optimal — à condition d’aller passer ses vacances en Chine, aux Etats-Unis ou au Japon.
Nous lui rendons surtout grâce de nous permettre de continuer à accumuler de l’or à 17 000 euros le kilo tandis que les lingots deviennent intouchables pour les épargnants américains.
L’or est peut-être le plus stérile des investissements… mais ne s’avère-t-il pas incomparablement plus performant que les entreprises américaines depuis 2003, compte tenu d’un dollar ayant perdu 40% de sa valeur dans l’intervalle ?
** Cependant, si le métal précieux constitue un choix patrimonial de long terme, les actions permettent de tirer parti d’une thématique ponctuelle. Les gérants américains ont clairement démontré leur foi dans le potentiel des valeurs de croissance. La rotation sectorielle s’accélère au détriment des titres adossés à des marchés matures: la remontée des technologiques s’est avérée si vigoureuse que le Nasdaq (+1,65% mardi) efface en 48 heures la totalité des pertes subies vendredi.
Dans le même temps, le Dow Jones n’a repris que 1,15% (dont 0,8% mardi soir dans le sillage d’AMEX et d’AT&T), c’est-à-dire moitié moins que les 2,65% perdus vendredi.
Le Nasdaq Composite — qui a clôturé au plus haut du jour — retrace les 2 800 points avec une impressionnante série de rebonds explosifs, à l’image de Millicom (+24%), Appollo Group (+9,9%), UAL (+7%), Network Appliance (+6,6%), Akamai (+5%).
Le fait le plus marquant, fut l’inscription d’une cascade de nouveaux records historiques par une pléiade de vedettes de l’année 2007. Les +2,2% du Nasdaq 100 s’expliquent par l’envolée de titres aussi emblématiques qu’Amazon (+10,4% à 100,15$), RIM (+9,8% à 128 $), Apple (+6,83% à 186 $), Garmin (+4,5% à 120 $), Google (+3,8% à 675,7 $).
Le coup de blues des industrielles du Dow Jones vendredi n’a été, au pire, qu’une cacahuète (ou un pépin de pomme pour les fans d’Apple) avalée de travers… le genre de désagrément qui s’accommode idéalement d’une bonne coupe de champagne !
Philippe Béchade,
Paris