J’ai failli pleurer (de rire ou de rage, je ne sais pas, peut-être des deux) en découvrant les "sincères excuses" présentées par Stuart Gulliver, le patron britannique du géant bancaire HSBC, en réaction au scandale planétaire baptisé SwissLeaks.
Je compatis tout particulièrement à "l »expérience douloureuse" vécue par les dirigeants d’HSBC à cause de la médiatisation des dysfonctionnements identifiés dans la filiale helvétique du groupe… heureusement "complètement réorganisée" depuis 2008, avec la mise en place d’un contrôle renforcé des clients — lesquels doivent désormais montrer "mallette blanche" pour bénéficier des services d’optimisation fiscale de la banque.
Oh oui, que ce doit être douloureux de devoir faire acte de contrition et faire passer pour un banal dysfonctionnement ce qui fut une véritable industrie… et le principal pourvoyeur de chiffre d’affaires du groupe — jusqu’à ce que la combine de l’évasion fiscale la plus massive jamais observée ne fuite, l’énormité des sommes soustraites aux services fiscaux du monde entier finissant par faire perdre sa loyauté à l’un des salariés du groupe.
Le dysfonctionnement impliquait des centaines de conseillers clandestins démarchant systématiquement les stars sportives, les diamantaires anversois, les artistes du show-biz, les chefs d’entreprises les plus en vue, les intermédiaires impliqués dans les transactions internationales de toute nature, les têtes couronnées, etc.
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Les 180 milliards de dollars collectés et soustraits au fisc ne seraient quant à eux que la partie émergée de l’iceberg |
Les 180 milliards de dollars collectés et soustraits au fisc ne seraient quant à eux que la partie émergée de l’iceberg d’après de bons connaisseurs du blanchiment de fraude fiscale à grande échelle pratiqué en Suisse (également par UBS, lourdement condamné aux Etats-Unis pour des faits similaires), rapportant des milliards de dollars (ou de livres sterling) de commissions.
Mais tout ça c’est très vilain et moralement indéfendable. Aucun banquier digne de ce nom ne fermerait les yeux sur de telles pratiques ni ne compromettrait sa réputation pour quelques malheureux millions de dollars de bonus de fin d’année (juste de quoi acheter l’hôtel particulier de ses rêves dans le centre de Londres ou un chalet à Aspen… et mettre sa famille à l’abri du besoin pour les sept prochaines générations).
Stuart Gulliver est formel et il se montre intraitable sur les principes "nous n’avons absolument aucune envie de faire affaire avec des clients qui pratiquent l’évasion fiscale".
▪ Chocolat et or en barre
Ses prédécesseurs — à l’image de Stephen Green, nommé ministre du Commerce par David Cameron pour ses bons et loyaux services — étaient exactement comme lui… Cependant, ils se sont fait piéger par la fourberie des collaborateurs helvétiques qui, sous couvert d’indépendance et de compartimentation des activités, leur ont fait croire qu’un alchimiste zurichois avait trouvé le moyen de transformer un stock de 106 000 tablettes de chocolat en or en barre.
D’où un chiffre d’affaire de 180 milliards de dollars surgissant comme par miracle dans les sous-sols d’une petite filiale baptisée HSBC Private Bank… Mais chut, c’est un secret : aucun producteur de cacao ne doit être au courant.
Le secret bien gardé jusqu’à la divulgation des SwissLeaks, c’est que ce chiffre de 106 000 ne concernait pas des tablettes de chocolat, dont l’achat et la transformation en lingots est parfaitement légale, mais des clients en chair et en os dont la fortune était "anonymisée" et les revenus mobiliers exonérés d’impôts par le truchement de 20 000 sociétés écrans, de fiduciaires et autres structures de gestion bidon enregistrée sur un simple registre commercial aux Bermudes, aux Iles Vierges ou au Liechtenstein.
Cela a placé dans une situation embarrassante des dizaines de milliers de fraudeurs américains… et des centaines de milliers de fraudeurs non américains |
Ce genre de "bidouilles" passait relativement inaperçu et ne fut guère réprimé jusqu’au 11 septembre 2001. C’est à partir de cette date que la CIA et la NSA se sont mis à traquer l’argent sale du terrorisme. Je ne sais pas si cela a coupé les circuits de financement des groupuscules extrémistes mais une chose est certaine, cela a placé dans une situation embarrassante des dizaines de milliers de fraudeurs américains… et des centaines de milliers de fraudeurs non américains.
▪ Une clé USB très précieuse
C’est à partir de 2004 que la lutte contre l’argent anonyme est entrée dans une nouvelle dimension avec de nouveaux moyens d’investigation informatiques (intrusion, piratage de données bancaires) mis en oeuvre par la CIA et la NSA.
Demeurait toutefois le problème quasi-insoluble du cryptage des données par les principales banques soupçonnées — ou déjà reconnues coupables — de pratiques illicites en matière d’évasion fiscale. Il y avait bien des preuves de mouvements suspects mais pas les noms des détenteurs de capitaux, protégés par le système des sociétés écrans.
C’est précisément sur l’inviolabilité du cryptage de ce genre de données que travaillait Hervé Falciani, auteur du vol de données par qui le scandale est arrivé. Sa mission consistait à sécuriser tous les contenus numériques : il faisait apparemment si bien son travail qu’HSBC lui a fait prendre du galon en 2005, lui confiant la totalité des fichiers de la filiale helvétique, ignorant que la CIA et la NSA en avaient fait leur informateur au motif de la lutte contre les banquiers du terrorisme.
C’est à ce moment que débutait simultanément en France "l’opération chocolat". Elle consistait à recruter des informateurs, au premier rang desquels figurait justement Hervé Falciani, pour tenter d’en savoir plus sur qui se cachait derrière les sociétés écran. Une initiative dont l’efficacité fut torpillée dès 2012 par Pierre Moscovici qui initia une grande refonte de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) — une refonte qui s’est soldée par la compartimentation des services censés lutter contre la fraude.
Résultat, peu ou pas de coopération entre la DGFIP, les douanes et la DGSE… pas d’enquête de terrain… et des fichiers de fraudeurs qui ne furent que partiellement exploités (des noms, notamment ceux de généreux donateurs aux partis politiques disparaissent en outre des listings), alors que la CIA avait offert à Hervé Falciani une clé USB (et non pas UBS !) contenant toutes données décryptées concernant plus de 106 000 clients d’HSBC et qui sont désormais entre les mains de la presse après avoir transité entre les mains de nos services fiscaux.
▪ Des chiffres, enfin !
La question que vous vous posez légitimement est : à combien se monte la fraude (particuliers + entreprises)… et que coûte-t-elle en termes de manque à gagner pour le fisc français ?
Des estimations concordantes (inspecteurs de Bercy, presse financière, Attac, etc.) l’évaluent à 80 milliards d’euros par an. Antoine Peillon, grand reporter au journal La Croix, estimait en 2012 que 600 milliards d’euros de recettes fiscales manquaient à la France au cours de la décennie écoulée — dont 850 millions découlant des seules activités illicites d’UBS et près de six milliards incombant à HSBC.
Je ne vais pas vous faire languir plus longtemps : 600 milliards d’euros de recettes fiscales manquantes, c’est juste deux fois le montant de la dette grecque… et la France est loin derrière l’Angleterre en matière d’évasion fiscale. Je ne parle même pas des Etats-Unis, où les entreprises du S&P 500 — et leurs dirigeants — ont parqué des milliers de milliards de dollars de profits dans des paradis fiscaux, et notamment l’Irlande et le Luxembourg (avec l’insurpassable trio gagnant composé d’Apple, Google et Amazon).
Berlin, Bruxelles et la Troïka ne savent plus comment pressurer le peuple grec coupable d’avoir pratiqué l’évasion fiscale à grande échelle… surtout le professeur de sciences naturelles de Thessalonique et le marchand de fruits et légume du Péloponnèse. Il serait quand même intéressant d’évaluer à combien se monte la fraude fiscale légale transitant par l’Irlande et le Luxembourg de J.C. Juncker (qui a supervisé ces activités durant une décennie)… et donc le manque à gagner pour les pays de l’Eurozone aujourd’hui exsangues financièrement et qui vivent prétendument "au-dessus de leurs moyens".
Ce sont des milliers de milliards d’euros — et non quelques centaines — qui sont ainsi soustraits au financement du modèle social européen |
Ce sont des milliers de milliards d’euros — et non quelques centaines — qui sont ainsi soustraits au financement du modèle social européen par les optimisateurs d’architecture fiscale (les grands cabinets d’audit internationaux), les banques suisses et les filiales helvétiques des banques de gabarit planétaire.
Autrement dit, le tapage fait autour de la dette grecque, du blocage de la situation lié à l’impossibilité "morale" de leur accorder une remise compte tenu de la lourdeur des fautes de gestion passées, alors que chacun reconnaît que ce pays est insolvable… n’est-ce pas un moyen bien commode de détourner l’attention des contribuables européens des vrais enjeux ?
Si la Grèce faisait faillite une bonne fois pour toute, il en coûterait paraît-il 75 euros par citoyen européen.
Qui se demande combien coûte chaque année les recettes fiscales siphonnées par l’Irlande, la Suisse, le Luxembourg ? Certainement bien plus de 100 euros par citoyen européen chaque année !
Mais les médias grand public ne s’émeuvent guère de ces trous noirs fiscaux ; l’ennemi du contribuable européen, c’est le Grec !
Et vous, êtes-vous plus sensible à la lointaine souffrance du peuple grec… ou à la douleur terriblement poignante dont font état les dirigeants d’HSBC s’agissant des écorchures infligées par SwissLeaks à la réputation de leur banque ?
1 commentaire
Et vous parlez des grecs, mais il y a en France les RSA-istes qui servent bien de « bouc et misère » à ces débiles de journaleux … et bien que je trouve cela triste, je ne peux qu’encourager tous les pauvres à piller l’état.