▪ « La Russie est derrière tout ça. Ce sont eux qui ont abattu cet avion ».
Telle était la remarque faite par l’un de nos co-paroissiens après l’office de dimanche matin dans le Maryland.
Oh là là… il perd la tête, avons-nous pensé. Comment pourrait-il savoir qui a abattu un avion à des milliers de kilomètres de là ? Pourquoi s’en soucie-t-il ?
Mais partout dans les médias américains… lors des bavardages autour du café et des conversations après la messe… on condamne Vladimir Poutine sans autre forme de procès.
Dans le lobby de l’hôtel Hilton, à Londres, nous avons entendu une conversation :
« Que pensez-vous que la communauté internationale doive faire ? » demandait une voix sérieuse. La personne, une femme d’âge mûr, semblait vouloir « faire quelque chose ».
Son interlocuteur a pris son interrogation simplette et la lui a renvoyée, emballée dans une telle quantité de bonnes intentions qu’il a fallu un peu de temps pour comprendre ce qu’elle contenait.
« La communauté internationale doit prêter attention à ces choses. Nous devons développer un dialogue. Nous devons construire la confiance dans nos institutions. Bla bla… générer un consensus… travailler avec les organismes d’aides et les ONG… se concentrer sur la société civile… bla bla bla »…
▪ « On ne peut pas laisser Poutine s’en sortir comme ça ! »
Nous sommes pour les parias… les causes perdues et les fanatiques, qu’ils soient coupables ou non |
L’opposition au chef d’Etat russe est si universelle… il est attaqué si férocement par les bonnes âmes de ce monde… et tant de doigts sont pointés dans sa direction… que nous ne pouvons nous empêcher de venir à son aide. Nous sommes pour les parias… les causes perdues et les fanatiques, qu’ils soient coupables ou non.
Ignorant l’objection la plus évidente — que cette affaire ne nous regarde pas — nous prenons la défense de la Russie et de Vladimir Poutine. Nous ne faisons pas ça pour la justice (nous avons abandonné cette idée), mais plutôt par malice et provocation.
Pour commencer, la Russie a une longue histoire de malheurs — auto-infligés pour la plupart. L’un des épisodes, pas entièrement auto-infligé (mais grandement auto-aggravé), a été la Deuxième guerre mondiale. Le pays a perdu 25 millions de personnes dans une guerre épouvantable. Il n’a survécu que parce qu’il a pu se retirer au-delà des steppes… usant l’ennemi dans la boue, le froid et des lignes de communication trop éloignées. La distance… l’espace… et le temps sont les alliés historiques de Mère Russie. Il est donc parfaitement compréhensible que Vladimir Poutine veuille reprendre au moins l’est de l’Ukraine, comme tampon contre la prochaine invasion de l’Occident.
Parallèlement, en dépit des assurances données par George Bush I et d’autres présidents et secrétaires d’Etat américains, les Etats périphériques de la Russie ont été attirés vers l’OTAN… l’Europe… et ses ennemis potentiels.
Pourquoi Poutine n’irait-il pas intervenir lui aussi ? |
Selon la presse, les Etats-Unis sont intervenus en Ukraine pour aider à chasser un président élu, Viktor Ianoukovitch, de sorte qu’il puisse être remplacé par quelqu’un qui leur convienne mieux. Pourquoi Poutine n’irait-il pas intervenir lui aussi ?
Ensuite, qu’est-ce qu’un avion commercial faisait dans une zone de guerre ? Il a sans doute été abattu par accident — le genre d’accident auquel il faut s’attendre : une bande de soldats surexcités, souvent ivres, sont sur le terrain. Tôt ou tard, l’un d’entre eux appuiera sur la gâchette. Personne en bas n’avait un intérêt à abattre l’avion… sauf ceux qui voulaient en accuser Poutine. Mais qui sait ? Tout le monde fait des erreurs. Et s’il s’avère que c’était bien des séparatistes russes… il est très peu probable qu’ils aient agi sur ordre de Moscou.
Enfin, si l’on considère la manière imprudente et meurtrière dont les Etats-Unis jouent les gros bras, la Russie a été remarquablement modérée et civilisée :
Etats-Unis | Russie | |
---|---|---|
Personnes en prison (pour 100 000) |
716
|
475
|
Attaques de drones |
4 700
|
0
|
Nombre de guerres depuis 1989 |
9
|
11
|
Allez, qu’on le laisse tranquille cinq minutes. Qu’il s’agisse de mettre des gens en prison… ou de les tuer… M. Poutine n’est sans doute pas le pire.
5 commentaires
Ah, si tout le monde pouvait avoir votre connaissance et votre sagesse!!
Bonjour,
Je tenais à paratger avec vous ce sentiment curieux qui apparaît dès lors que l’exagération est au rendez vous. Je ne crois pas du tout que Poutine vaille beaucoup mieux qu’Obama ou qu’Hollande , mais je pense qu’un tel degré de haine ne peut mener tout droit qu’à la guerre . Que de vielles rombières disent qu’il ne faut pas le laisser faire alors que le « monde libre » implante des radars et des fusées tout autour de la Russie me rappelle l’appel des va t-en guerre de 14 ( que j’ai lu) et qui avaient largement dépassé l’age de la conscription.
Si j’osais je me demanderais avec vous :
_ si les USA disposent de gaz au point d’inciter les européens à se passer du gaz russe
– si des gisements de gaz gigantesques de part le monde permettent d’ores et dejà de faire la nique à Poutine.
-si les USA ont décidé de faire exploser la fédération de Russie pour accéder aux richesses de la Sibérie.
– si tout cela vise à empêcher la Chine d’y accéder en premier
-si tout cela coincide opportunément avec la guerre à Gaza , avec un Kerry qui ne sent aucunement concerné par le massacre palestiniens mais qui pleure à ,chaudes larmes pour l’Ukraine avec Netanyou
-ou si tout simplemen,t les USA se sont fait une spécialité de mettre le feu ptout dans le monde en se disant qu’il finira bien par en sortir quelque chose…
Bref comment comprendre?
Bonjour,
Pour continuer sur le genre « laissons Poutine tranquille » il y a quelque chose d’écoeurant à laquelle est soumise la Russie depuis la fin de la guerre froide,c’est cette espèce de confinement naturel qui fait consensus dans le traitement occidental de sa position.Ignorée,méconnue,traitée d’état-voyou (alors que la palme en revient aujourd’hui à Barack OBAMA qui laisse tout faire dans son pays alors qu’il sait pertinemment qu’il fait très mal ce qu’il a à faire,tout ça pour conserver des intérêts économiques largement menacés et surement entrain de partir en fumée).Ne voit-on pas que la stratégie américano-européenne vise à s’installer au plus près de ses frontières dans une folle expansion pour l’accès à l’énergie GAZ à peu près inépuisable de la Russie? Quant à l’Union européenne qui s’est fondée sur la destruction de la souveraineté nationale des nations européennes (un viol de la Constitution commis par quelques voyous) elle attend maintenant la mise en place du traité transatlantique qui la dévorera tout cru,au bénéfice de l’oncle SAM dont le pays va très mal et beaucoup plus mal encore que ce que l’on dit.Enfin un pays qui crée de l’argent à partir de sa planche à billets sans avoir à rendre de compte à personne n’est qu’un tricheur qui engraisse la vermine des banquiers privés et mérite une déculottée exceptionnelle.Enfin un dernier chiffre:comparons la réserve de changes russe comptée à plus de 470 milliards de dollars et de l’autre coté la dette américaine estimée à plus de 50000 milliards de dollars et demandons nous qui est le plus vertueux des deux,s’il y avait des doutes.
D’accord avec vous. Je préfère le way of life US mais la Russie fait partie de l’Europe. Nous avons une communauté de destin. Avons-nous la même avec Wall Street ? Pas sûr.
ça y est.
Le gouvernement fédéral US recommence avec ses géopoliticiens d’élite et son complexe militaro-industriel à occuper.
Tous les trente ans.
L’ancienne Indochine, c’était impératif, sinon tous les dominos allaient tomber.
Puis le Moyen Orient.
On connaît les succès.
Maintenant on vient de retrouver la Russie.
L’Europe, avec ses lapins mécaniques de Bruxelles et leurs deux baguettes de tambour, approfondissement et élargissement, s’engouffre. Grande Bretagne en tête, alliance privilégiée oblige.
Cameron comme Blair à la veille de l’Irak.
L’Europe a joué à l’élargissement turc, puis l’Ukraine est devenue à la mode.
Espérons une guerre froide, vraiment froide. Pendant la dernière les affaires ont continué.