▪ Le secteur du luxe résiste bien à la crise, comme nous l’avons vu hier — approfondissons un peu ce point de vue…
▪ La Chine raffole du luxe… le Japon boude
En 2011, la croissance devrait toujours être là (entre 3 et 5% selon la même étude, à 7,5% selon HSBC) grâce aux émergents, en particulier à l’Asie : pour cette dernière, le marché du luxe devrait y croître de 22% cette année (+10% en 2009). Et tenez-vous bien, le marché de la Chine affichera une croissance de 30% cette année !
Les Etats-Unis, autrefois grands consommateurs, espèrent une croissance de 12%, tandis que l’Europe se situerait à +6%. Le Japon, également très friand de luxe par le passé, serait en recul à nouveau. Vous l’aurez deviné, c’est principalement la demande chinoise, estimée à environ 30% en 2010 (9,2 milliards d’euros), et le redressement de la consommation aux Etats-Unis, qui sont à l’origine de cette belle performance. Il ne faut pas oublier non plus un effet de base favorable, puisque 2009 s’est distinguée par les effets brutaux de la crise. Selon Bain & Company, le marché chinois est appelé à devenir le troisième marché mondial du luxe d’ici cinq ans.
Cette dynamique chinoise, et dans une moindre mesure américaine, compense largement la décadence du marché japonais, en déclin depuis 2007. Quelle explication à ce déclin ? Celle du cabinet Bain & Company s’articule autour de la défaillance lors du départ en retraite des baby-boomers suréquipés et ayant de moindres revenus, qui ne sont pas remplacés sur ce créneau du luxe par les jeunes générations, d’ailleurs moins nombreuses et inquiètes pour leur avenir. Géographiquement, le marché se répartit entre l’Europe (37% du marché mondial), les Etats-Unis qui sont en reprise (30%), l’Asie hors Japon 17% et le Japon 11%.
La croissance n’est pas homogène non plus par ligne de produits : les industriels prévoient une croissance de 20% pour les accessoires en cuir, mais les montres et les bijoux ne feraient que +13%, l’habillement +8%, et les parfums et cosmétiques +4%.
La reprise de 2010, qui a surpris par sa robustesse, a conduit les entreprises du luxe à présenter des résultats intermédiaires meilleurs que prévu. Ainsi, LVMH a vu son chiffre d’affaires augmenter de plus de 23% au 3e trimestre, de même Prada a fait +29% au premier semestre. Symbole d’une Asie en passe d’être prépondérante, le groupe Prada envisage d’être coté à la Bourse de Hong Kong. Bien entendu, les entreprises de luxe les plus puissantes sont les premières à bénéficier de la sortie de crise, grâce à leur capacités d’investissement en nouveaux produits et à leur politique de déploiement de nouvelles boutiques.
▪ Et pour une fois, la France est leader !
En France, le secteur du luxe représente un poids tout à fait respectable : 170 000 personnes y travaillent, d’après le Comité Colbert qui se charge de la promotion et de la protection de ce secteur industriel. Mais il y a en plus 100 000 personnes qui travaillent à l’étranger pour les entreprises françaises. C’est un secteur de production (50% des effectifs), donc créateur d’emplois, même si la tentation a été grande de délocaliser dans les pays émergents.
Notre pays s’est illustré depuis longtemps dans les produits de luxe de toutes sortes, si bien que, selon Eurostaf, les entreprises françaises comptent pour 36% du chiffre d’affaires mondial du luxe, devant les Américains (23%) et les Italiens (13%). Nos produits s’exportent bien, mais la concurrence est de plus en plus dure. C’est notamment préoccupant pour l’artisanat de luxe, disséminé en 38 000 entreprises artisanales, souvent familiales, qui constituent un tissu fragile face aux manufactures étrangères.
▪ En Bourse, le luxe flambe et il n’est pas trop tard
Jusqu’à 2008-2009, le marché du luxe avait été relativement à l’abri des turbulences économiques mondiales. Mais là, les marchés européens et japonais ont beaucoup souffert. Les plus grandes entreprises, souvent européennes et même françaises, ayant des activités très diversifiées et une forte présence à l’international, s’en tirent évidemment le mieux.
L’étude de Bain & Company est sortie début octobre 2010, à peu près au moment où les grands groupes de luxe annonçaient des résultats autant remarquables qu’inattendus. Jugez un peu :
• Burberry : +21% du chiffre d’affaires semestriel ;
• LVMH : +23,6% du chiffre d’affaires au 3e trimestre ;
• Hermès : +20% du chiffre d’affaires semestriel ;
• L’Oréal : +14% du chiffre d’affaires au 3e trimestre ;
• Richemont : +37% sur 5 mois ;
• PPR : +12,9% du chiffre d’affaires au 3e trimestre.
Naturellement, les medias se sont emparés de l’affaire, dans la foulée immédiate des analystes, chantant les louanges du secteur. La prise de participation rampante de LVMH dans Hermès n’a rien arrangé, tout le monde comprenant qu’il allait se passer quelque chose dans le luxe. Et les cassandres de crier que le secteur était devenu trop cher !
Il est vrai que les cours boursiers ont progressé de manière fulgurante, d’ailleurs ce sont les plus fortes cette année. L’indice du luxe est quasiment sur ses plus hauts historiques. Même en laissant de côté le cas Hermès qui est une exception, les cours ont explosé : +45% pour LVMH, +40% pour Richemont…
Est-il trop tard pour s’y intéresser ? Je ne le pense pas. Le luxe, quelque soit le pays d’origine, a une activité exportatrice tout à fait stabilisante en temps de crise. Je ne pense pas que cela soit terminé — loin de là : les valeurs du luxe ont montré leur résistance à une conjoncture difficile, même si elles ont accusé le choc.