▪ Le Dow n’avance guère… l’or non plus, toujours aux environs de son plancher de 1 200 $.
Voyons voir ce que Larry Summers a à dire. Nous apprécions Summers. Il a l’esprit vif, allant toujours droit à la mauvaise conclusion.
"Pourquoi la stagnation pourrait se révéler être la nouvelle norme", titrait son éditorial de lundi dans le Financial Times.
Et voilà… il a recommencé. On peut dire beaucoup de choses des économies tordues d’aujourd’hui — mais elles n’ont rien de "normal".
Qu’y a-t-il de normal à un gouvernement qui accumule autant de dette qu’il en avait durant la Deuxième guerre mondiale… sans guerre… sans urgence nationale… et sans moyen de rembourser l’argent ?
Qu’y a-t-il de normal dans une économie qui dépend des taux d’intérêt les plus bas en trois générations… et une banque centrale qui les maintient au plancher comme un boucher magouilleur qui laisserait son doigt peser sur la balance ?
Et qu’y a-t-il de normal dans un pays capitaliste avancé où le citoyen moyen gagne moins qu’il y a 43 ans ?
▪ Allez, laissons une chance à Summers…
Ce pourrait être "la nouvelle norme" parce que les outils de la Fed — la clé à molette de l’argent facile et le marteau des taux d’intérêt — ne réparent plus une économie, dit-il. Au mieux, ils "ne nourrissent qu’une croissance modérée". Et une fois qu’on a mis un taux d’intérêt à zéro, on ne peut pas aller plus bas, même si cela ne suffit pas à "inciter assez d’investissement pour mener au plein emploi".
On est pris, en d’autres termes, au piège qu’on a soi-même posé !
Lorsqu’on se met dans cette situation, les consommateurs et les investisseurs voient les prix chuter et décident de faire le dos rond. Pourquoi acheter maintenant… quand on peut obtenir plus pour moins plus tard ?
"Regardez le Japon", suggère Larry Summers. Après l’éclatement de sa bulle en 1980, la croissance au cours des cinq années qui ont suivi a été en fait plus forte qu’aux Etats-Unis suite à la crise de 2008. Ensuite, au lieu de revenir à une économie en plein boom, le Japon est resté dans un ralentissement déflationniste par intermittences.
Oui, à plusieurs reprises il a semblé que l’économie japonaise avait atteint la "vitesse de libération". Et à chaque fois, l’économie est rapidement retombée sur terre.
Pourquoi les autorités japonaises — qui ont fait à peu près tout ce que les autorités américaines ont fait — ne réussissent-elles pas à faire accélérer leur économie ? Personne ne le sait vraiment.
Summers suggère que ce pourrait être un ensemble de choses, qui affectent désormais l’économie américaine en plus du Japon.
D’abord, la main-d’oeuvre se développe plus lentement qu’avant.
Deuxièmement, la croissance de la productivité est également plus difficile à obtenir.
Troisièmement, la consommation pourrait décliner "suite à une nette augmentation de la part des revenus détenue par les très riches et la part croissante des revenus alloués au capital". Contrairement aux pauvres, les riches n’augmentent pas leur style de vie quand ils gagnent plus d’argent. Ils profitent déjà du style de vie qu’ils veulent : l’argent supplémentaire est simplement épargné ou investi dans d’autres projets.
▪ Que faire, alors ?
Etrangement, contrairement à son habitude, Summers n’offre pas de solution. Il nous dit simplement que "la stagnation séculaire devrait être considérée comme une contrainte contre laquelle il faut s’assurer — non comme un destin auquel nous devons nous résigner".
Comment nous protéger ? "Prévenir la stagnation structurelle est profondément important", affirme-t-il, parce que le traitement standard — l’argent facile — pousse "les investisseurs à prendre plus de risques, rendant les bulles plus probables".
Summers offre plus d’explications sur les raisons pour lesquelles les Etats-Unis pourraient être confrontés à un ralentissement à la japonaise, mais il passe à côté de la seule qui vaille vraiment la peine.
Voyons voir. La bulle japonaise a éclaté. Les autorités japonaises sont arrivées à la rescousse… avec les tactiques et les traitements typiques des empêcheurs de tourner en rond macro-économiques modernes. Résultat : une longue stagnation.
Nous voilà 18 ans plus tard. La bulle américaine a éclaté. Les autorités américaines sont arrivées à la rescousse… à nouveau avec les tactiques et les traitements typiques de la gestion macro-économique moderne.
Au Japon comme aux Etats-Unis, les autorités ont renfloué, brutalisé et manipulé les événements pour arriver à une "stabilité" de fortune. Dans chaque pays, elles ont évité une correction rapide et douloureuse. Des banques et des entreprises qui auraient dû faire faillite ont été sauvées. Des investissements qui auraient dû rendre l’âme ont été épargnés. Les riches — du moins aux Etats-Unis — qui auraient dû voir leur patrimoine substantiellement réduit sont devenus encore plus riches. Et les deux pays ont connu une longue période de stagnation. Elle dure depuis 23 ans au Japon. Aux Etats-Unis, on entre dans la septième année de "reprise" lente, sujette aux crises.
Vous voulez arrêter la stagnation ? Simple comme bonjour : arrêter de vous en mêler.