▪ De nombreuses voix s’élèvent en Europe, au FMI et à la BCE pour que le Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté de 750 milliards d’euros au printemps dernier, voie ses moyens financiers accrus.
L’Union européenne avait décidé fin novembre de le pérenniser après 2013 sous une nouvelle appellation : le MES, Mécanisme européen de stabilité. Cet acronyme réjouira les oreilles de nos partenaires britanniques puisqu’il signifie… « gâchis » !
L’idée qui circule avec de plus en plus d’insistance d’une capitale à l’autre depuis fin novembre consisterait à abonder ce MES (prononcer mess si vous tenez à faire sourire un investisseur anglo-saxon) par le biais d’une émission d’euro-emprunts qui mutualiserait le risque assumé par les créanciers.
Mais Berlin y est farouchement hostile (aucun traité européen n’autorise la mise en place de ce genre d’expédient), tout comme au principe d’automaticité du secours apporté aux pays en difficulté.
La position allemande n’est d’ailleurs pas dénuée de bon sens, puisque les concepteurs de l’euro ont voulu s’interdire tout moyen de recourir, de façon plus ou moins déguisée, à la planche à billet. Et que seraient donc des euro-emprunts visant à secourir des pays au bord de la banqueroute… sinon une nouvelle forme de création monétaire ?
Pas question pour Berlin d’accorder des aides d’urgence à des pays qui soit n’ont pas fait d’efforts suffisants pour les mériter… soit ne seront plus en mesure de rembourser quels que soient les mesures d’austérité qu’ils consentiraient sous la pression de leurs bailleurs de fonds. La Bundesbank, à l’image des stratèges de PIMCO, est d’ores et déjà convaincue que la Grèce fera faillite d’ici 2013.
Une réunion des ministres des Finances de la Zone euro s’est tenue ce lundi concernant les moyens de consolider la situation financière délicate des Etats réunis sous l’acronyme PIGS. Il ne devrait cependant pas en ressortir grand-chose : Angela Merkel vient de laisser planer la menace d’une sortie de l’Allemagne de la Zone euro si Bruxelles décidait de la mettre à contribution pour accroître les moyens du MES.
Que se passera-t-il s’il s’avère que loin de disposer de 750 milliards d’euros, l’actuel FESF ne peut mettre sur la table que 400 milliards d’euros en cas de difficultés… disons par exemple du Portugal et de l’Espagne (qui a elle seule nécessiterait de mobiliser 800 milliards) ?
Selon de récentes statistiques de la BRI (Banque des règlements internationaux), les banques françaises sont particulièrement exposées — à hauteur de 50 milliards d’euros sur le Portugal et 244 milliards sur l’Espagne. Cependant, les banques allemandes ne sont pas en reste : à hauteur de 46,5 et 218 milliards d’euros respectivement ; ce total agrège les dettes souveraines, les émissions du secteur privé et des organismes de crédit en particulier.
Au-delà de nos voisins de la péninsule ibérique, les économistes pourraient tout aussi bien jouer à se faire peur avec l’Italie et la Belgique.
Mais attendez… nous n’en avons pas fini avec l’Irlande ! Imaginez que le Parlement rejette demain le plan gouvernemental de super-austérité adopté il y a deux semaines.
Les députés pourraient trouver une foule d’arguments pour contester le bien-fondé des mesures adoptées afin d’obtenir l’aide européenne. A commencer par la conception d’un budget dont les grands équilibres reposent sur la prévision surréaliste d’une croissance de 2,75% en 2011 et 2012 : ce pourrait être -2,75% !
▪ Toutes ces interrogations en suspens se lisent sur le marché des changes avec un net repli de l’euro face au dollar (-1,1% vers 1,3275 $).
Nous aurions au contraire pu assister à une glissade du billet vert suite aux propos tenus par Ben Bernanke dans une interview accordée à CBS ce week-end. Le patron de la Fed persiste et signe : les économistes surévaluent le risque inflationniste et l’impact de la création monétaire sur le cours du dollar.
Les cambistes préfère détenir la devise d’un pays qui soutient son économie et fait tout pour relancer l’investissement plutôt que celle d’un pays dont la politique fiscale reste floue et l’unité incertaine.
Le PIB américain et le marché de l’emploi ne retrouveront probablement pas leur rythme de croissance historique avant 2015. Il est « certainement possible » que la Banque centrale américaine augmente la taille de son programme de »QE2″ au-delà des 600 milliards de dollars annoncés début novembre.
▪ Ben Bernanke se montre beaucoup plus pessimiste que le stratège en chef du département actions de Goldman Sachs, un dénommé David Kostin. Ce dernier voit la croissance américaine décoller dès la mi-2012 pour atteindre 4% d’ici 2015.
Il prévoit par ailleurs une hausse de 11% des dividendes en 2011 et anticipe une hausse de 24% du S&P (lequel passerait de 1 225 à 1 450 points). Il fait donc le pari que les gérants vont accepter de payer le marché encore plus cher que fin 2010 en prévision des bénéfices mirobolants qui devraient se matérialiser en 2013.
M. Kostin reconnaissait au détour d’une question un peu plus pointue que 25 firmes du S&P 500 délivraient à elles seules deux tiers des dividendes versés aux actionnaires. Elles ont comme point commun de réaliser l’essentiel de leurs profits à l’international…
Autrement dit, le marché domestique ne rapporte pratiquement plus rien aux entreprises. Toutes celles dépendant de la conjoncture locale ont du souci à se faire : sans le « QE2 » (et bientôt le « QE2 bis » ou « QE3 »), beaucoup d’entre elles seraient moribondes et le chômage aurait déjà explosé au-delà des 20%.