▪ Le monde change, disais-je il y a quelques jours.
L’accession de la Chine sur la deuxième marche du podium économique mondial… la remise en question de la notation AAA en France… la récession qui bouleverse la donne en privant les puissances actuelles de leur vigueur… J’ai l’impression — sans oublier toutefois que je ne possède pas de boule de cristal — que le monde aura plus changé entre 2010 et 2020 qu’il n’a évolué entre 2000 et 2010.
Mais peut-être est-ce là ce qu’on se dit toujours lorsqu’on porte son regard vers l’avenir ; les changements futurs, encore inconnus, semblent toujours plus impressionnants que ceux que l’on a vécus par le passé. Tout de même, de temps en temps se produisent de vraies vagues de fond qui bouleversent entièrement l’ordre établi.
Elles n’arrivent pas forcément en fanfare avec force coups de cymbales et roulements de tambour, mais se produisent de manière insidieuse, jour après jour… en douceur… comme l’action du vent et de l’eau en bord de mer : cette falaise était toujours là — jusqu’au jour où l’on s’aperçoit qu’elle s’est métamorphosée en grotte.
Voici ce qui me surprend le plus, cher lecteur : c’est le dollar qui semble résister le mieux à l’érosion. Il conserve son statut de valeur refuge contre vents et marées. Le gouvernement américain est insolvable. Du point de vue obligataire, sa prestigieuse notation ne tient plus qu’à un fil. Ses autorités ont prouvé à maintes reprises qu’elles étaient prêtes à détruire leur devise plutôt que de laisser une correction se produire… Bref, toutes les conditions sont réunies pour une fuite loin du billet vert.
Et pourtant… il est toujours là. Malgré ses vicissitudes et ses soubresauts, il a même regagné du terrain par rapport à l’euro. Pourquoi ? Parce que les préjugés ont la vie dure, et que les Etats-Unis restent donc les maîtres du monde dans l’inconscient collectif ? Parce que les Etats-Unis sont le pays le plus dynamique au monde, avec l’économie la plus flexible et les dirigeants les plus intelligents ? J’avoue que la deuxième explication me laisse dubitative.
Il y a une meilleure raison, bien entendu : le monde a besoin d’une devise étalon — et pour l’instant, il n’existe pas d’alternative vraiment crédible au dollar sur le marché des devises mondial. L’euro est à la merci des dissensions européennes… le yuan n’a pas encore la crédibilité nécessaire — et la Chine reste entourée d’une aura vaguement inquiétante, malgré tous ses attraits… les "devises matières" que l’on pourrait juger plus fiables car adossées à des actifs tangibles sont trop petites…
Seule la "relique barbare", l’archaïque métal jaune serait prêt à reprendre son rôle de standard monétaire mondial… mais pour l’instant, visiblement, les mentalités ne sont pas encore prêtes à accepter un tel changement. L’or n’est pas assez accommodant, voyez-vous : on ne peut pas en imprimer, il ne se laisse pas manipuler, il ne répond à aucun stimulant gouvernemental, bref… il n’est guère pratique. Pour l’instant.
Rendez-vous en 2020 ?
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora