▪ Une bouffée d’euphorie mardi… et puis plus rien ! Les places boursières ont clôturé à l’équilibre mercredi alors qu’une nouvelle progression était anticipée dans le sillage des trimestriels d’Intel.
Les places européennes ont poursuivi sur leur lancée en début de séance et engrangé 0,5% à 0,6% supplémentaire, le CAC 40 se hissant jusque vers 3 656 points. Mais au moment de la réouverture de Wall Street (en baisse de 0,2%), le CAC 40 reperdait 1% à tout juste 3 600 points.
Les retardataires ont profité de ce repli pour prendre le train de la hausse en marche… sauf que la motrice est peut-être sur le point d’enclencher la marche arrière.
▪ Il est difficile de parler de repli sur le fait accompli lorsqu’il est question des profits historiques d’Intel. En effet, leur ampleur (près de trois milliards de dollars) a réellement surpris tous les non initiés.
Autrement dit, si les indices boursiers avaient bondi de 2% la veille en dépit de statistiques uniformément décevantes et de la dégradation de la dette du Portugal par Moody’s, c’est bien parce que certains chiffres concernant les profits d’Intel avaient dû « fuiter ».
Si les investisseurs dotés d’un peu de flair avaient seulement pressenti une bonne surprise, les indices boursiers se seraient contentés de rééditer leurs meilleurs niveaux de la veille.
L’insistance des commentateurs à marteler l’impact positif des bons résultats d’Alcoa — qui auraient dopé les marchés mardi — apparaissait d’ailleurs quelque peu étrange. Les chiffres d’Alcoa étaient connus des opérateurs asiatiques, mais toutes les places de la zone avaient clôturé dans le rouge (et Shanghai avait même perdu 1,6%).
Wall Street les connaissait également mardi matin… Cependant, tous les indices américains se repliaient doucement en pré-ouverture, et l’Europe rouvrait inchangée.
Alors que les mauvaises statistiques s’enchaînaient en Europe en matinée, puis aux Etats-Unis dans l’après-midi, les marchés ont été saisis d’une véritable frénésie d’achat. Invoquer une euphorie de +1,5% de Wall Street par le succès du placement de 1,6 milliard d’euros de bons du Trésor grec à six mois (aucun risque de défaut de paiement mais un rendement canon) était à la limite du grotesque.
▪ C’était en tout cas un écran de fumée bien commode pour détourner l’attention des achats massifs réalisés par les initiés. Ils jouaient par anticipation un effet haussier lors de la parution officielle des chiffres d’Intel.
S’ils ne savaient rien (c’était apparemment le cas lundi : aucun volume, aucune volatilité à Wall Street)… pourquoi auraient-ils soudain acheté massivement mardi, avec un doublement du nombre de titres échangés sur le Nasdaq ?
Et surtout, comment expliquer une accélération de la hausse de Wall Street après la publication de mauvais chiffres du commerce extérieur américain (-42,3 milliards de dollars contre -39 milliards anticipés), alors que le déficit face à la Chine continue de se creuser ?
Si les acheteurs ne savaient vraiment rien mardi, pourquoi vendaient-ils mercredi au lieu d’acheter comme l’ont fait la majorité des gérants en transactions hors séance dès mardi soir ?
A part l’hypothèse d’un délit d’initié caractérisé, la hausse de 2% du CAC 40 mardi ne reposait pratiquement sur rien. Alors que beaucoup de commentateurs, faute d’arguments plus crédibles, invoquaient en choeur les « bons résultats d’Alcoa qui restaurent la confiance des marchés », le numéro un mondial de l’aluminium ne gagnait que 1,2%.
Intel en revanche prit 7% dès que ses résultats furent publiés : à part Paul le Poulpe, personne n’aurait pu anticiper un tel rally !
▪ Si vous songiez que des bonnes surprises pouvaient succéder aux mauvaises nouvelles de la veille en Europe ou aux Etats-Unis, vous resterez également sur votre faim. Après avoir abaissé de deux crans la notation de la dette souveraine du Portugal mardi, Moody’s a récidivé ce mercredi en dégradant le rating de huit banques portugaises.
Et les ventes au détail ont baissé de 0,5% aux Etats-Unis en juin (un repli de 0,3% était anticipé par les économistes), dans le sillage du secteur automobile. Nous vous rappelons que l’institut statistique allemand ZEW avait dévoilé mardi une nette rechute du moral des milieux d’affaires germaniques en juillet, de 28,7 jusque sur 21,2. Parallèlement, le niveau de l’inflation au Royaume-Uni s’établit à 3,3% en rythme annuel à fin juin, alors que le consensus tablait sur 3,2%.
Si les cours de Bourse ont bondi de 2% dans un tel contexte, le risque de discrédit oblige la communauté financière à ne jamais évoquer le délit d’initié… mais avec 24 heures de recul, plus personne n’est dupe.
Même l’argument politiquement correct invoquant un sens aigu de l’anticipation des opérateurs ne résiste pas à l’analyse.
▪ La folle séance de mardi a en tous cas restauré l’espoir d’une réédition de la furieuse poussée haussière de la mi-juillet 2009, le CAC 40 gagnant 18% d’une seule traite. Avec plus de 300 points repris en six séances, la moitié du chemin a déjà été accomplie à Paris… Cependant, dans l’état d’esprit qui règne aujourd’hui, gagner 9% de plus semblerait presque devenu la chose la plus naturelle du monde !
La prochaine bonne surprise proviendra — c’est certain — de stress tests qui ne pourront que confirmer la bonne santé globale du secteur bancaire en Europe.
Une semaine auparavant, les investisseurs jugeaient ces « tests » sans valeur car il apparaissait évident que les risques systémiques seraient délibérément sous-évalués pour rassurer tout le monde.
Mais il ne faut pas se bercer d’illusions : tout ce qui est survenu mardi était trop beau pour être vrai. N’en doutez pas, si le CAC 40 avait inversement perdu 2% après une hausse de 7% en une semaine, tous les commentateurs auraient trouvé ce mouvement de consolidation sévère… mais parfaitement logique vu les mauvais (et ils l’étaient tous) chiffres du jour !
Au lendemain des résultats d’Alcoa, les bonnes raisons de tirer les cours étaient aussi minces qu’une feuille d’aluminium… mais le but était sans doute de laminer les derniers vendeurs, avant de laminer à leur tour les suiveurs !