Vous avez peut-être trouvé notre dernier paragraphe de la Chronique de jeudi un peu trop teinté de sensationnalisme (le marché y était comparé à un hors-bord lancé à travers un champ d’icebergs)… Les marchés ont pourtant jugé qu’il fallait que les lecteurs nous fassent confiance : ils ont poursuivi leur rebond échevelé, le CAC 40 prolongeant les 250 points déjà repris d’une hausse supplémentaire de 55 points.
Avec plus de 6% repris en trois séances, cela va vite — peut-être un peu trop, même. Les gérants ont du mal à suivre. Ils ne sont pas les seuls : les volumes ne suivent pas non plus. Il s’est échangé à peine 3,5 milliards d’euros ce jeudi après 3,9 milliards la veille, pour un écart assez comparable.
Cela ne vous parle peut-être pas… et nous vous comprenons aisément : nous sommes justement là pour vous épargner le fastidieux exercice qui consiste à débusquer le diable qui se niche dans les détails.
Le détail qui nous intrigue ne va pas manquer d’attirer l’attention des spécialistes des stratégies indicielles. Ils tentent de nous faire croire à la résurrection de la tendance haussière comme à la mi-juillet 2009, mais… Vous connaissez l’expression « ça monte dans le vide » ? Eh bien, elle se retrouve plus que jamais justifiée par le type de rebond qui se matérialise depuis mardi.
Nous avons en effet pu observer le 26 mai puis le 9 juin dernier des phases de rebond qui ressemblent à s’y méprendre au sursaut qui s’est amorcé le 6 juillet. Les écarts, séance après séance, sont quasiment identiques et le CAC 40 n’a mis que 72 heures pour gagner 250 points.
Il y a cependant une différence de taille : le chiffre d’affaires cumulé lors des deux précédentes éditions — 13 milliards d’euros puis 12,2 milliards contre 10,8 milliards cette fois-ci. Si un tel écart ne vous impressionne toujours pas, retenez que les 3,5 milliards négociés mardi faisaient suite à une séance à moins de 1,9 milliard lundi, Wall Street étant fermé.
Autrement dit, il n’y a eu aucun effet de rattrapage lorsque les investisseurs américains ont recommencé à s’intéresser aux valeurs du CAC 40, lesquelles avaient bondi de 3,5% à une heure de la clôture. Pensez-vous que leur priorité a été d’acheter le maximum de papier à bon compte, sans « arracher les cours »… ou bien se sont-ils appliqués à les faire monter le plus haut et le plus vite possible avec la mise de fonds minimum ?
▪ Cela ressemble beaucoup à une « opération commando » destinée à créer l’effroi parmi les vendeurs. Elle permet d’entraîner une vague de rachats réflexes et même des petits vents de panique à la hausse, comme sur les valeurs bancaires notamment. Nous avions d’ailleurs résolument misé sur ce secteur.
Mais ce genre de tactique ne constitue souvent qu’un combat d’arrière-garde destiné à retarder une issue jugée inéluctable… Juste le temps pour les plus malins de s’échapper et de se mettre à l’abri des gros ennuis en adoptant des positions beaucoup plus défensives.
Le comportement des marchés — dont la logique échappe à une majorité d’observateurs — traduit essentiellement la recherche de gros écarts dans un minimum de temps (rally échevelé de +12% suivi d’une rechute linéaire de -12% sur un intervalle de moins de 20 séances). Cela continue cette semaine avec des indices qui retracent 50% de leur récente baisse et retrouvent des niveaux de résistance proches de ceux du 28 mai.
Le CAC 40 a ouvert un gap au-dessus des 3 483 points mercredi. Il teste également la MM50 ainsi que l’ex-plancher du 5 au 8 février dernier (3 545/3 560 points).
Versatilité toujours avec Wall Street, qui effaçait l’intégralité de ses gains initiaux à la mi-séance alors que les places européennes venaient de s’adjuger 1,25% supplémentaire.
Les trois principaux indices américains évoluaient en ordre dispersé. Le Nasdaq s’est effrité de 0,3%, le S&P est resté stable tandis que le Dow Jones s’est adjugé 0,25% dans le sillage de DuPont, Mac Donald’s, Boeing et American Express (aucune logique sectorielle décelable).
Wall Street avait salué jeudi la baisse hebdomadaire des inscriptions au chômage. Elles ont reculé de 21 000, à 454 000 contre 460 000 anticipées. Elles s’approchent ainsi de leur plus bas niveau depuis début mai ; la moyenne mobile sur un mois s’établit à 466 000 (467 000 une semaine auparavant).
▪ L’autre grand rendez-vous du jour, ce fut la conférence de presse de J.C. Trichet après le maintien — sans surprise — par la Banque centrale européenne de ses taux directeurs inchangés à 1%
Nous passons rapidement sur les banalités habituelles (reprise d’ampleur inégale au sein des pays de l’Eurozone, inflation sous contrôle, besoin de poursuivre l’effort d’assainissement des finances publiques) pour nous consacrer à la seule partie qui intéressait les investisseurs. Le patron de la BCE confirme que l’offre de liquidités en quantité illimitée, sur l’ensemble des maturités, va se poursuivre aussi longtemps que nécessaire. En effet, le marché interbancaire continue de hoqueter : le rendement des emprunts grecs à 10 ans culmine vers 10,4%… ce qui fait apparaître les hypothèses de dépréciation des stress tests un peu trop optimistes).
En ce qui concerne ces fameux stress tests, justement, le tableau lui apparaît satisfaisant. Cependant, certaines banques vont devoir augmenter leurs fonds propres et faire une nouvelle fois appel au marché. Les plus gourmandes devraient être les banques régionales allemandes et espagnoles. De leur côté, les banques grecques n’ont plus que les guichets de la BCE pour se refinancer !
Beaucoup d’analystes restent très prudents sur ce secteur et vantent la situation comptable beaucoup plus enviable des groupes industriels exportateurs.
▪ Nous observons une embellie, certes, mais par rapport à la situation catastrophique d’il y a un an, il n’est pas difficile de faire état d’une nette amélioration de l’activité. Surtout après les milliers de milliards de dollars (ou d’euros) injectés dans les économies occidentales et asiatiques via les plans de relance, les carottes fiscales et toutes sortes de béquilles budgétaires destinées à soutenir la consommation en général (baisse de la TVA, remboursements d’impôts, allongement de la durée d’indemnisation du chômage…).
Tout cela pour un bien pauvre résultat en regard des sommes engagées. Le FMI se sent bien obligé de revoir ses prévisions de croissance mondiale (et américaine) à la hausse mais il se « borde » en expliquant que le niveau d’incertitude demeure élevé et que la croissance ne sera véritablement de retour — et autonome — que lorsque l’emploi commencera à se redresser.
▪ Eh bien… il suffit d’attendre que les entreprises qui gagnent de l’argent et ont foi dans l’avenir embauchent ! Prenez les groupes pharmaceutiques, par exemple : ils sont certains d’avoir de plus en plus de clients au cours des trente prochaines années.
La population des pays développés vieillit et souffre dans sa chair… il y a de plus en plus d’acheteurs solvables dans les pays émergents… des systèmes de santé plus élaborés (et protecteurs) voient le jour en Chine et en Amérique du sud : rien que du bonheur pour les leaders mondiaux de l’industrie du médicament.
Malheureusement, il ne faut pas trop compter sur eux pour créer de l’emploi. Le géant pharmaceutique américain Merck (qui vient de fusionner l’an dernier avec son concurrent Schering-Plough) annonçait ce jeudi la fermeture de huit sites de recherche et huit sites de production (il faut certainement supprimer quelques doublons). La facture sociale s’annonce particulièrement salée : Merck planche en effet sur la suppression de 15% de ses effectifs — soit plus de 14 000 postes — et ramènerait ainsi ses effectifs de 95 000 à 80 000 employés dans le monde à l’horizon fin 2011.
Sans nous prétendre aussi extra-lucides que « Paul le Poulpe », qui revendique 100% de pronostics validées concernant les matchs de la Coupe du Monde, nous prédisons un succès grandissant des antidépresseurs en 2010 !