▪ Aujourd’hui, cher lecteur, une rareté : je vais m’accorder un bref — très bref — moment d’auto-satisfaction.
Je dois en remercier notre lecteur D.M., qui a envoyé cette semaine le message suivant à la rédaction :
▪ "Mais comment faites-vous Eric J. Fry ?? Comment faites vous, donc, pour être autant à côté de la plaque ? Parler de GS [Goldman Sachs] trois jours après et surtout comme d’un cafard qui va faire effondrer les marchés alors que c’est lui le Maître du jeu nous fait bien rigoler !! Et d’ailleurs depuis que je lis vos analyses catastrophe depuis l’an passé qu’est-ce que je me marre ! Et depuis ce temps le CAC a pris 1 500 points ! Alors oui un jour (peut-être !) vous aurez raison avec vos analyses catastrophe bidon, mais le temps c’est de l’argent et ne pas être dans le timing comme vous c’est clairement en perdre : essayez le tricot, là vous pouvez être (une maille) à l’envers et gagner un peu… il paraît que le gilet reviendra à la mode cet hiver ! Anticipez, ça vous changera !!!"
Peu de temps après, j’ai croisé ma collègue Nathalie Boneil devant la machine à café. "Tu as vu", m’a-t-elle dit, "encore un qui trouve qu’on se plante ! On en a plein ces derniers jours".
"Le signe infaillible que les marchés vont se retourner !" ai-je répondu.
Et ça n’a pas raté : quelques heures plus tard à peine, la Grèce faisait paniquer l’économie et les marchés se prenaient une bonne claque. Voilà pour mes 10 secondes d’auto-satisfaction (qui couvrent à peu près la durée de la baisse).
A présent, permettez-moi de répondre à D.M. sur plusieurs points, parce qu’ils permettent d’expliquer un peu notre approche de l’investissement.
Pour ce qui est de Goldman Sachs "trois jours après", j’aimerais rappeler quand même que Philippe Béchade dénonce depuis fort longtemps les banksters, Goldman en tête — ainsi que leur impunité et leur mainmise sur le marché.
En ce qui concerne le fait que nous ayons raison un jour avec nos catastrophes bidon… je vais replonger dans l’auto-satisfaction (collective, cette fois-ci), et rappeler que nous avions vu venir la crise des subprime bien avant l’été 2007… et que la catastrophe de l’automne 2008 n’a de loin pas été une surprise pour nous, puisque nous la voyions venir depuis plusieurs mois.
Et puis nous ne sommes pas juste des catastrophistes, non plus : notre pari sur l’envolée de l’or nous a permis de multiplier notre mise par plus de quatre… et même le rebond actuel faisait partie de nos prévisions.
Ce ne sont pas juste des vantardises inutiles : j’aimerais surtout faire comprendre que notre but, à la Chronique Agora, n’est pas d’avoir raison avec tout le monde… mais de comprendre vraiment ce qui se passe… et ce que ça pourrait entraîner. Vanessa Popineau, du Billet du Trader, a trouvé la métaphore parfaite : "nous sommes juste convaincus que pour gagner de l’argent en Bourse, il faut s’écarter de la pensée unique, mainstream, et regarder les choses sous un angle différent. Tenez, regardez".
"Vous êtes vendeur de parapluies à la sauvette. En plein mois d’août, vous êtes le seul à proposer vos biens. Vos concurrents se sont eux convertis momentanément à la vente de casquettes. Normal : statistiquement, au mois d’août, il fait beau. Sauf que voilà… il suffit de tomber sur une année ‘hors de la moyenne statistique’, qu’il pleuve… et vous faites fortune à être le seul de Paris à vendre des parapluies".
Avoir raison quand tout va bien, c’est facile. Faire des gains, quand tout va bien, c’est facile — vous n’avez pas besoin de nous pour vous y aider, comme le démontre très bien D.M. dans le reste de son message, où il nous donne un petit aperçu de ses (très bonnes) performances boursières.
Résister aux sirènes haussières qui affirment que tout va bien, chercher à voir un peu plus loin que le miroir aux alouettes, prévoir ce qui peut mal tourner, en déduire de nouvelles possibilités de gains, élaborer des stratégies de défense, ça, en revanche, c’est plus complexe… et moins gratifiant au quotidien, parce qu’on trouve plus de jours où tout est normal que de jours de cataclysme (et heureusement !).
C’est comme une assurance incendie : votre maison ne brûle pas tous les jours, évidemment… mais le jour où un feu se déclare, n’êtes-vous pas satisfait d’être couvert contre le risque ?
Non, finalement, cher lecteur, n’en déplaise à M.D., je crois qu’au contraire, nous tricotons trop de pulls en plein été : nous avons toujours raison trop tôt !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora