▪ Nous avons eu beau décortiquer toute l’actualité économique hier, nous n’avons pas trouvé motif à éclats de rire, comme la veille avec la baisse de 31 chômeurs en Espagne au mois d’août… ni à éclairer le débat sur la croissance en Europe, comme avec les prévisions de l’OCDE concernant la France et l’Allemagne ou les débats au Bundestag.
Non, cette journée de mercredi n’était décidément pas de celles dont on peut rendre compte en mêlant bonne humeur et pédagogie économique. Elle était typiquement de celles où l’opérateur de bonne foi se dit : les sherpas du marché se sont encore bien amusés et nous n’avons pas du tout l’impression de nous être fait rouler dans la farine.
Il semblait que le but de la remontée incompréhensible des indices américains mercredi après-midi ait été de ramener le Dow Jones au contact des 15 000 et le S&P 500 au-dessus du seuil des 1 650 points. Pourquoi ce mercredi plutôt que mardi ? Mystère !
A voir l’ampleur du rebond de Wall-Street à partir de 15h35 (les vendeurs n’ont eu que cinq minutes de grâce pour agir, alors que les places européennes perdaient plus de 1%), on pouvait croire que rien ne valait une mauvaise statistique, comme celle publiée à 14h30, pour redonner le moral à Wall Street.
Vous connaissez par coeur la logique tordue qui prévaut depuis quatre ans : les chiffres sont mauvais, les déficits se creusent, la Fed va donc continuer d’injecter de la fausse monnaie.
▪ La remontée inexplicable du CAC 40
Le rebond du CAC 40 a été assez spectaculaire pour sa part. En repli de 1,1% vers 3 930 points à 15h30, le rebond de 60 points qui s’en est suivi au cours des deux dernières heures de cotation semblait le scénario le plus improbable.
Vu le contenu de l’actualité économique ou géopolitique dans l’intervalle, cette remontée apparaissait juste inexplicable. La piste des fuites sur le discours de Mario Draghi ce jeudi ou le contenu du Beige Book de la Fed (divulgué hier soir vers 20h) sur la poursuite du QE3 ne tenait pas.
C’était même une hypothèse à écarter formellement. En effet, les T-Bonds restaient clairement baissiers (2,9% de rendement contre 2,85% mardi) ; idem pour les Bunds et les OAT.
Puisqu’il faut une explication à tout, même tirée par les cheveux, l’euphorie de Wall Street était mise sur le compte du bon niveau des ventes de voitures de Ford aux Etats-Unis au mois d’août, et l’annonce que le constructeur pourrait augmenter ses cadences de production au quatrième trimestre.
C’est cela qui expliquerait une remontée de 1,5% du CAC 40 en moins de deux heures : l’économie mondiale est sauvée.
Après les Etats-Unis, les immatriculations vont exploser en France cet automne, c’est obligé !
Oublions les incertitudes syriennes et le pétrole à 109 $, oublions le plafond de la dette américaine et les taux longs qui continuent de se tendre bêtement (ils vont bientôt rebaisser, promis juré, c’est pour cela que les marchés n’en tiennent pas compte depuis début mai).
▪ Quelques petits détails demeurent…
Revenons-en aux chiffres américains — qui n’étaient donc pour rien dans la hausse du jour même s’ils étaient plutôt mauvais.
Tout d’abord, le déficit commercial des Etats-Unis s’est creusé plus que prévu en juillet. D’après le département du Commerce US, le déficit est passé de 34,5 milliards de dollars en juin à 39,1 milliards en juillet, les importations augmentant de 1,5% tandis que les exportations reculaient de 0,6% à 189,4 milliards de dollars. Pour les optimistes, c’est le signe que les entreprises américains re-stockent en vue d’un automne de croissance radieuse.
Ce n’est pas exactement comme cela que l’envisage la Fed — laquelle pronostique toujours une reprise lente au cours des prochains mois.
La publication de son Livre Beige vers 20h mercredi n’a même pas été détectable dans le profil graphique de la séance. Il est vrai que la « feuille de route » préparatoire au prochain FOMC ne contenait aucun élément révolutionnaire — et surtout aucun éclairage nouveau concernant l’éventuel ralentissement du QE3 ces prochaines semaines ou ces prochains mois.
Wall Street n’a pas davantage réagi aux propos de John Williams, membre non votant de la Fed. Il estime qu’un ralentissement des achats d’actifs pourrait intervenir en fin d’année (ouf, trois mois de gagnés), alors que le marché s’attend plutôt à ce que la Fed lève le pied dès la prochaine réunion des 17/18 septembre prochain.
Mais bon, tout cela n’a guère d’importance puisque Ford a vendu 5% de pick-up de plus que prévu le mois dernier.