▪ Cette semaine, j’expliquais aux lecteurs de La Quotidienne d’Agora comment s’est gonflée une bulle du crédit en Chine et comment celle-ci a progressivement échappé à tout contrôle. Reste maintenant à savoir quels dangers peuvent découler d’un dégonflement brutal de cette bulle et quels sont les moyens d’intervention de Pékin. Commençons par les risques.
▪ D’une banque chinoise à l’économie mondiale
Une économie fonctionne grâce aux prêts. Les entreprises empruntent pour investir, augmenter leur production et créer de la croissance. Les particuliers empruntent pour consommer, se loger, faire des études, etc. Le crédit n’est pas forcément mauvais pour une économie quand il permet à terme de créer de la valeur ajoutée et de la richesse. Un étudiant qui emprunte pour faire des études supérieures qui lui permettent, par exemple, de devenir ingénieur est un atout pour une société. De même, une entreprise qui emprunte pour créer une nouvelle ligne de production qui lui permettra d’augmenter ses ventes, ou encore un promoteur immobilier pour construire de nouveaux logements.
Reste à maîtriser la qualité des crédits accordés ainsi que leur quantité. Trop de (mauvais) crédits, et c’est la bulle spéculative. Pas assez de crédits, et c’est une économie toute entière qui ralentit.
Certains observateurs font déjà le lien ente ralentissement économique chinois et le resserrement de l’offre de crédit. L’indice préliminaire des directeurs d’achat (PMI) publié par HSBC la semaine dernière laisse entrevoir la plus importante contraction de la production manufacturière depuis neuf mois.
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La semaine dernière, les taux interbancaires chinois à sept jours, qui en moyenne oscillent autour des 4%, ont flambé à plus de 11,6%. Certains prêts à très court terme ont même atteint le taux record de 26%.
Les risques ? Un assèchement complet du marché du crédit et donc de la liquidité qui bloquerait la consommation et l’investissement. Et une faillite en série de banques qui voient déjà leur bilan sérieusement plombé par d’innombrables créances douteuses.
Des risques qui pourraient prendre une ampleur mondiale. Comme le rappelait Gustavo Horenstein de Dorval Finance dans une interview accordée au site Sicavonline.fr : "L’économie chinoise représente 12% de l’économie mondiale en dollar courant mais plus de 40% de sa croissance. Si la décélération de la croissance chinoise se transforme en récession, l’impact sera fort sur la croissance mondiale. Les plus touchés seront les principaux partenaires commerciaux asiatiques et les pays producteurs de matières premières. Concernant les marchés financiers, les entreprises très tournées vers cette zone ne seront plus le refuge qu’elles ont été face à la crise de la Zone euro".
Reste à savoir ce que Pékin veut — et peut — faire face à ces risques.
▪ Pékin face à ses banques
Vendredi dernier, les taux interbancaires redescendaient vers les 8%, laissant soupçonner une intervention massive de la Banque centrale chinoise, la Banque populaire de Chine (PBoC). Celle-ci, selon certaines rumeurs persistantes, aurait injecté 40 milliards de yuans (4,88 milliards d’euros) dans certaines banques, résolvant les problèmes d’approvisionnement des liquidités.
Officiellement, cependant, la PBoC se refuse à intervenir de manière massive, estimant que le niveau de liquidités était suffisant. Après moult tergiversations, elle a tout de même consenti à annoncer qu’elle était prête à soutenir de manière temporaire les banques en manque de liquidités afin de ramener les taux interbancaires à des niveaux raisonnables. Une annonce qui a rassuré les marchés.
Pourquoi une telle prudence de la part de la PBoC ? Parce que Pékin — et sa banque centrale — sont conscients des risques que font peser le système bancaire et les investissements dits à fort effet de levier (une manière de dire que le rendement est élevé), comme l’immobilier, sur la stabilité financière et économique du pays.
Après avoir encouragé le crédit et les investissements spéculatifs après la crise de 2008, Pékin préférerait aujourd’hui que l’argent aille vers la consommation intérieure et l’investissement des entreprises mais aussi vers les investissements à long terme. Le gouvernement chinois est aujourd’hui prêt à limiter et encadrer le marché du crédit, et en accepte la conséquence principale, le ralentissement de la croissance du PIB.
Depuis des mois déjà, Pékin revoit régulièrement ses prévisions de croissance, et ne semble pas s’en émouvoir outre mesure. Alors que la plupart des analystes s’attendent à une hausse du PIB de 7,7% aussi bien cette année qu’en 2014, le gouvernement chinois semble lui envisager une croissance tournant autour des 7,5%, voire 7%.
Selon l’économiste Xu Gao, cité par Le Figaro : "si les taux d’intérêt restent à des niveaux si élevés, le seul scénario pour l’économie chinoise sera celui d’un atterrissage brutal. Il semble que les dirigeants chinois suivent délibérément une approche attentiste en laissant le ralentissement de la croissance se poursuivre sans intervenir".
Reste à savoir si la PBoC utilise la bonne méthode pour contrôler le marché du crédit. Comme le souligne Bank of America Merrill Lynch, cité par Reuters : "Nous pensons que le plus gros risque est que la PBoC ne gère pas correctement la situation. S’occuper des banques qui violent les règles devrait se faire en améliorant la réglementation prudentielle et non en organisant une crise du crédit interbancaire qui pourrait avoir des effets indésirables en cas de perte de la confiance entre banques".
▪ Etincelle de krach en Chine ?
La Chine risque-t-elle un credit crunch capable de faire plonger la croissance mondiale ? Une telle hypothèse ne peut être totalement écartée mais contrairement à ce qui s’est passé en Europe lors de la crise de l’euro, le resserrement du crédit est la conséquence directe de la volonté de la Banque centrale chinoise. Banque centrale qui en outre a les moyens de ses ambitions et de sa politique grâce à ses énormes réserves de change et de métaux précieux.
[NDLR : la position de la PBoC devant l’emballement des taux interbancaires est un signe de plus de transition économique en cours dans l’empire du Milieu, vers une économie centrée sur la consommation intérieure et reposant sur l’explosion de la classe moyenne urbaine. Cette transition a des conséquences non seulement sur la société chinoise, mais aussi sur les modes de consommation et de vie des Chinois. Premier de ces bouleversements : l’alimentation, plus grasse, plus carnée, plus sucrée.
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