▪ Ah les rumeurs ! A peine un proche d’Angela Merkel venait-il de laisser filtrer que l’Allemagne, avec le soutien de ses partenaires européens, étudie un plan de soutien financier bilatéral à la Grèce que cette information (diffusée par Financial Times Deutschland et reprise par les marchés) était déjà démentie !
Et ceci soulève trois questions. Pourquoi avoir tant attendu pour agir ? Pourquoi démentir ce que chacun pressent comme imminent ? Pourquoi opposer l’aléa moral aux banques et s’en prendre à leurs activités spéculatives… alors que les Etats font preuve de la même inconséquence s’agissant de leurs finances publiques ?
Nous savons tous que la Grèce va être sauvée des eaux. Ce n’était qu’une question de timing. Nous pensons que la BCE attendait juste que l’euro soit à un niveau approprié pour donner son feu vert à l’Allemagne, chargée du montage financier de l’opération.
La BCE ne peut pas racheter directement de la dette grecque (comme la Fed qui accumule les créances douteuses de la Californie). En revanche, elle peut soutenir les banques qui vont acheter les prochaines émissions du Trésor proposées par Athènes ! Ce n’est qu’un petit tour de passe-passe qui ne trompe personne.
Toute la question porte maintenant sur le prix de l’argent qui va être imposé à la Grèce. Les marchés jugeront-ils que la prime est suffisante ? Si tel est le cas, les récentes attaques s’avéreront rentables et permettront aux vendeurs de CDS d’empocher une splendide plus-value tant que le risque de défaut de paiement semble écarté.
Si le plan de refinancement est jugé trop peu sévère, les hedge funds en remettront une couche à la première occasion. Ils revendront à découvert — comme ils le font depuis 15 jours — tous les emprunts d’Etat qu’ils jugent insuffisamment rémunérés.
Une nouvelle crise de confiance chassera alors la précédente. Elle aura une intensité renforcée par le creusement des déficits qui gonflent un peu plus chaque semaine avec la chute des recettes fiscales et les énormes surcoûts liés au versement des prestations sociales — notamment les indemnités chômage et les retraites, avec des régimes au bord de la faillite dans la plupart des Etats européens, y compris en France et en Allemagne.
Si nous devions oser une analogie entre la crise des dettes souveraines et celle des subprime, nous dirions que le défaut temporaire de Dubaï (qui aurait pu très mal se terminer sans la « générosité » du voisin Abu Dhabi) correspond au dépôt de bilan de New Century Financial en février 2007… et la spirale baissière des emprunts grecs ressemble aux convulsions préfigurant la faillite de Bear Stearns (c’était en juillet 2007).
Les prochaines étapes pourraient être le déclenchement d’une attaque spéculative contre le Portugal en mars prochain (l’équivalent de la faillite de la banque britannique Northern Rock à la mi-septembre 2007) puis contre la dette espagnole. On changerait alors d’échelle avec l’Espagne… et il nous revient en mémoire le prêt d’urgence de 30 milliards de dollars accordé à J.P. Morgan à la mi-mars 2008.
Ce serait ensuite au tour de l’Angleterre de tétaniser les porteurs obligataires institutionnels sur l’ensemble de la planète. Ce serait l’équivalent de l’onde de choc IndyMac… mais aussi Royal Bank of Scotland ou Lloyds TSB, pour rester dans la tonalité locale.
Et vous devinez où commencera alors à vaciller le domino suivant : aux Etats-Unis… avec une succession de chocs de confiance équivalents à la dislocation de géants comme Fannie Mae, Lehman ou AIG.
▪ Mais en ce mardi, les marchés se sont repris à croire que plus de dette allait constituer la solution à la dette grecque. Comble de l’ironie, ce sont les épargnants américains — les plus endettés de la planète — qui ont tiré leurs marrons du feu, alors que les investisseurs européens n’y ont vu… que du feu.
Il est vrai que la variable « timing » a joué un rôle décisif. La physionomie du CAC 40 et des places européennes aurait certainement été bien différente, à une demi-heure près, si les opérateurs sur le Vieux Continent avaient vu le Dow Jones s’envoler de 1,5% pour en terminer sous les 10 060 points, tandis que le Nasdaq engrangeait jusqu’à 1,75% (1,2% au final).
Paris évoluait encore en territoire négatif à 17h29. Il a fallu que quelques courageux arbitragistes se dévouent pour faire clôturer sans conviction le CAC 40 sur un gain symbolique de 0,15%. Il est vrai, toutefois, que ce score est plus conforme à la moyenne pondérée des échanges en seconde partie de journée.
Mais l’Eurotop 100 a clôturé nettement dans le rouge (-0,2% à 2 081 points), tandis que l’EuroStoxx 50 terminait sur une note indécise (+0,15%). C’est la Bourse grecque — le croirez-vous — qui snobe tous les pessimistes du Vieux Continent et réalise la meilleure performance du jour (+3,8%)… au lendemain d’une chute comparable dans le sillage des valeurs bancaires.
▪ Un tel rebond aurait certainement laissé Wall Street totalement indifférent mais les cambistes ont changé la donne en propulsant l’euro au-dessus des 1,38 $, et jusque vers 1,3840 en début de soirée.
La rechute du dollar soutenait symétriquement les valeurs exportatrices et les industrielles, puis l’ensemble des indices américains dans la foulée. L’or s’est redressé jusque vers 1 080 $ l’once. Le pétrole a repris 2,5% à 73,75 $ en clôture à New York — le principal sujet de conversation du jour sur le NYMEX, c’est la succession de tempêtes de neige qui paralyse l’Amérique du Nord.
Et pendant que la neige envahit les plaines à l’est des Etats-Unis, elle continue de faire cruellement défaut sur les collines qui surplombent Vancouver… à 48 heures seulement du coup d’envoi des Jeux olympiques. C’est presque une métaphore de la crise systémique actuelle : des excès de liquidités qui se déversent au mauvais endroit au mauvais moment et une absence de flux financiers là où les besoins sont les plus urgents !
Pendant que l’on circule en traîneau sous d’épaisses combinaisons polaires entre la Maison Blanche et le Capitole, pratiquer le VTT en bermuda et blouson en toile est le meilleur moyen de découvrir le domaine skiable des principales stations de l’ouest de la Colombie britannique qui hébergent les Jeux !
Décidément, tout ce qui a trait à la Grèce — moderne ou antique — semble porteur d’un étrange parfum de fiasco !