▪ Eh bien, c’est un nouveau monde, en fin de compte…
Peut-être que nous nous trompions. Peut-être que les économistes grand public ont raison.
Jusqu’à présent, ils étaient tout juste bons à expliquer pourquoi les prévisions qu’ils avaient faites par le passé n’avaient pas fonctionné. Mais peut-être ont-ils raison, en fin de compte. Peut-être que le haut est le bas. Peut-être que le meilleur est le pire. Peut-être qu’on peut gaspiller des milliers de milliards de dollars et en avoir toujours plus !
Tout ça est un peu trop pour nous. Nous avons la migraine rien qu’en y pensant. Mais c’est tout de même là, en première page des journaux du week-end :
"La croissance américaine s’accélère", annonçait le International Herald Tribune.
Ecrit noir sur blanc. Ce doit être vrai. Les journaux ne mentiraient pas, si ? Et les économistes qui bidouillent les chiffres pour le gouvernement américain ne feraient tout de même pas exprès de se tromper, n’est-ce pas ?
Allons, ça n’arrive jamais. Mais comment est-il possible que l’économie américaine revienne tout droit à des taux de croissance dignes de l’Ere de la Bulle après avoir perdu seulement quelques points de pourcentage du PIB ? Nous savons tous que c’était une bulle du crédit, non ? Nous savons tous que ça ne pouvait pas durer, pas vrai ? Nous savons tous, aussi, que le carburant de cette croissance — des gaz bouillants provenant des banques et du secteur de l’immobilier — a disparu. Alors d’où provient-elle ?
▪ Vendredi, les marchés se sont réjouis des prévisions de croissance plus élevées que prévues. Ils ont également célébré la nouvelle selon laquelle Ben Bernanke serait encore là pendant quatre ans. Le Dow a grimpé de plus de 100 points. Mais une fois l’après-midi arrivée, les investisseurs se posaient à nouveau des questions.
Si l’économie se remet vraiment, les autorités vont peut-être réduire les mesures de relance…
Si l’économie commence vraiment à chauffer, ça pourrait faire fondre tout l’argent et le crédit gelés par la dépression. Est-ce que cela n’augmente pas les probabilités d’inflation — et de hausse des taux de la part de la Fed ?
Si les autorités resserrent le crédit, l’économie américaine ne rechutera-t-elle pas, subissant la seconde partie d’une récession en W… tout comme l’affirme Paul Krugman ?
A la fin de la séance, le Dow avait perdu des points — ce qui nous laisse à penser que la poussée baissière finale approche. Même les bonnes nouvelles ne peuvent l’arrêter. Quand le chiffre de 5,7% de croissance — après le pire ralentissement depuis les années 30 — ne fait pas battre le coeur des investisseurs, c’est que quelque chose ne va pas.
Attendez une minute…
"Le plus grand soutien de l’activité économique", annonce un article du New York Times, "provenait du fait que les entreprises ont réduit leurs stocks de biens invendus à un rythme bien plus lent qu’au début de l’année dernière".
En d’autres termes, la "croissance" est née parce que les entreprises ont re-rempli leurs étagères à un rythme plus rapide. Il y a donc plus de choses à acheter en rayon. Hm… est-ce que tout cela va bien se vendre ?
La seule manière d’avoir une véritable croissance durable serait d’avoir une reprise de l’emploi — et des bénéfices. En gros, les Américains gagnaient une certaine quantité d’argent en 2007. Ensuite, ils ont découvert qu’une bonne partie de ce qu’ils faisaient ne valait pas la peine d’être fait. Ils construisaient des maisons pour des gens qui ne pouvaient pas se le permettre, par exemple. Et ils dépensaient de l’argent qu’ils "retiraient" de leurs maisons. Au plus haut de la bulle, une part substantielle du PIB US — et quasiment TOUTE la croissance — provenait de ces sources.
Cet argent a disparu. Les gens ne sont plus payés pour construire des maisons que personne n’achètera. Et les boutiques ne vendent plus à des gens qui les paient avec l’argent provenant de prêts hypothécaires. Ils ont déjà retiré tant d’argent de leurs maisons qu’il ne reste rien. Voire moins que rien. De nombreux propriétaires américains ont une valeur nette négative.
Qu’est-ce que ça signifie ? Que les gens gagnent moins, empruntent moins et dépensent moins. Qu’est-ce que ça signifie d’autre ? Une part conséquente de l’économie, entre 2003 et 2007, était frauduleuse — l’excès de crédit à la consommation se faisait passer pour du pouvoir d’achat authentique. Cette partie de l’économie a disparu. Il devrait en aller de même pour la portion correspondante du PIB. En théorie, le PIB devrait chuter — et rester au tapis — jusqu’à ce qu’on trouve de nouveaux secteurs, entreprises et emplois.