▪ Séance champagne et havanes à Wall Street où les indices américains pulvérisent leurs records absolus : les bulls sont lâchés !
La Fed, par ses promesses renouvelées d’injection monétaire sans horizon de temps, leur a ouvert grand la porte qui donne sur des territoires inexplorés.
Le S&P 500 — c’était l’évènement le plus attendu — s’est enfin envolé au-delà des 1 576 points du 12 octobre 2007 (+1,25% à 1 588 points au lieu de +0,25% attendu à 15h30). Le Dow Jones grimpait de 1% à 14 820 points ; le Nasdaq nageait en pleine euphorie avec un gain de 1,85% à pratiquement 3 300 points. Et que dire du Russell 2000, qui gagnait aussi 1,8% à 946 points ? C’est une performance rarissime pour un indice aussi large : 90% de ses composantes ont fini dans le vert, c’est également très exceptionnel.
Il faut bien souligner qu’aucun chiffre économique pouvant servir de catalyseur à la hausse n’était attendu aux Etats-Unis hier : effet de surprise garanti et panique à la hausse pour les vendeurs à partir de 16h…
Même en tenant compte de l’euphorie des marchés américains, le scénario observé à Paris reste assez incroyable. En effet, certains opérateurs ont commencé à « payer » avec détermination dès 9h15 hier matin (le marché gagnait déjà 1,2% vers midi) sans véritable raison identifiable.
Personne ne s’attendait, après deux séances à +0,09% et +0,11%, à ce que le CAC 40 explose à la hausse de 2% et retrace les 3 750 points — soit 3 744 points au final avec 3,15 milliards d’euros échangés.
Les opérateurs étaient bien en peine d’expliquer « fondamentalement » une telle hausse… mais attendez : rien ne se produit jamais par hasard quand des sommes d’argent colossales sont en jeu. Vous allez découvrir de l’inédit et du croustillant dans les prochains paragraphes.
▪ Quelles raisons à la hausse ?
Pour l’instant, revenons-en à des opérateurs stupéfaits de l’envol de 5% de l’indice Euro-Stoxx des bancaires dès la mi-séance. C’est un écart qu’on n’a plus observé depuis le 26 juillet 2012 — et cette fois-ci, sans la moindre déclaration de Mario Draghi annonçant qu’il allait sauver le monde.
Toujours pas de gouvernement en Italie… mais des banques espagnoles et slovènes en difficulté selon la dernière enquête de Bruxelles publiée mercredi matin : rien de rassurant donc.
Sur le plan purement technique bien sûr, tout s’explique sur le CAC 40. Le débordement des 3 710 puis des 3 733 points (zénith du 2 janvier dernier) a déclenché des achats automatisés en rafale. Même diagnostic à Wall Street où le signal haussier sur le S&P 500 est enfin validé.
Les robots-traders ont payé comme des forcenés : ils ramassaient tout, sans discrimination (les bancaires, les cycliques, les pharmaceutiques, les technos…). Cela à quelques jours de la déferlante des trimestriels, bien que 78% des entreprises américaines ayant communiqué leurs anticipations pour le premier semestre 2013 les révisent à la baisse.
▪ De l’inédit et du croustillant
Trêve de faux-semblants : tout ce qui précède ne se serait certainement pas produit sans cette « fuite » invraisemblable des minutes de la Fed, diffusée « par erreur » avec 24 heures d’avance — une grande première historique — auprès d’une liste de destinataires privilégiés (attachés parlementaires, lobbyistes) comprenant en particulier… tout le gratin de Wall Street.
Comme par hasard, nous y retrouvons Goldman Sachs, Citigroup, JP Morgan, Carlyle, US Bancorp, Nomura, Wells Fargo… Mais ô surprise, cette liste ne comprenait aucun journaliste.
C’est d’autant plus étrange que les communiqués de la Fed doivent être adressés en priorité aux agences de presse et journalistes accrédités — à charge pour eux de les diffuser auprès du grand public et des investisseurs.
L’incrédulité de certains bons connaisseurs du fonctionnement de la Fed est assez troublante.
Qui a pu presser par erreur sur la touche « envoi » alors qu’il doit exister des systèmes de verrouillage très sophistiqués pour éviter justement tout piratage ou diffusion non-autorisée de documents aussi bien protégés que du secret-défense (des dizaines de milliards sont en jeu, comme on l’a vérifié mercredi soir) ?
De plus, comment se fait-il qu’il existe des listes de diffusion séparées — manifestement destinées à des lecteurs privilégiés — alors que la règle en la matière est la « stricte égalité devant l’information » ?
▪ Et qu’apprend-on par cette fuite ?
Dans le rapport de la dernière réunion, il apparaît que les membres de la Fed seraient divisés sur l’opportunité de poursuivre le QE3 au rythme actuel au-delà de la mi-2013… Mais ça, c’était avant la publication des mauvais chiffres du chômage qui changent la donne aux yeux des marchés.
La réaction euphorique de Wall Street face à des minutes apparemment mitigées semble démontrer l’existence d’une grille de lecture permettant à certains destinataires, plus égaux que d’autres, de détecter des messages codés — en l’occurrence plus favorables que le texte brut ne le suggère au premier degré.
Cette hypothèse a été évoquée très explicitement par un correspondant de CNBC en fin d’après-midi, donc à chaud, alors que les indices américains accéléraient à la hausse.
Rétrospectivement, on peut se demander si cela n’explique pas pourquoi les marchés européens affichaient une forme olympique sans motif très convaincant depuis le tout début de la matinée… comme s’ils avaient pressenti que quelque chose se préparait.
Au final, l’Euro-Stoxx 50 explosait de +2,56%, à 2 662 points (avec +4,3% à Lisbonne et +3,35% à Madrid ou +3,2% à Milan).
Autre fait révélateur de l’état d’esprit très particulier qui régnait hier : le déficit commercial chinois (un peu plus de 800 millions de dollars en mars) a été interprété comme la preuve — mais personne ne peut le démontrer chiffres à l’appui — que la demande intérieure se redresse.
A aucun moment Wall Street ou la City n’ont envisagé que les exportations chinoises puissent être freinées par la chute du yen.
La devise nippone vient pourtant de faire une incursion sous les 130/euro et se rapproche des 100/dollar — le yuan restant arrimé au billet vert comme chacun sait.