▪ Le CAC 40 lâchait 3% il y a une semaine pour des raisons politiques « objectives » que nous considérons au mieux comme des prétextes — ou comme l’alibi acceptable brandi par ceux qui ont flanqué un coup de pied dans l’empilement de cubes haussiers des cinq semaines précédentes.
« C’est une correction classique dans une tendance haussière », se sont empressés d’affirmer les permabulls. Nous y avons également pensé sur le coup, en nous remémorant les séances du 6 mars 2012 puis des 28 septembre et 28 décembre 2012.
Une semaine plus tard, où se cachent donc les bataillons de gérants sous-investis qui n’attendaient qu’une occasion de grimper en marche dans le train de la hausse ?
Les jours passent et les retardataires semblent avoir perdu le chemin du quai devant lequel le TGV du 2 janvier vient de s’arrêter après avoir accompli une spectaculaire marche arrière de 180 points…
Ont-ils oublié un bagage à la consigne ou ont-ils égaré leur billet ? N’ont-ils pas entendu les appels du chef de gare les prévenant d’un départ immédiat en direction des 4 000 ?
Bizarrement, le quai reste désert. Même le buffet de la gare ressemble à une toile d’Edward Hopper : même sentiment de vacuité, avec de rares clients enfermés dans leur solitude, comme suspendus entre deux mondes… ou entre le jour et le couchant.
Cela ne devrait guère nous surprendre, nous qui dénonçons plus souvent qu’à notre tour un marché désincarné, coupé de la réalité, où l’homme a confié le destin de l’économie (et de nos économies) à la machine.
▪ Les robots ont attendu en vain quelques influx susceptibles de les faire réagir
La bourse de Paris (+0,03%) en a terminé à l’équilibre après avoir cédé au pire -0,3% vers 16h45 et gagné au mieux +0,7% durant quelques secondes (à 3 675) vers 13h15. Le CAC 40 fut d’ailleurs le seul grand indice de l’Eurozone à terminer dans le vert — Londres avec ses +0,2% n’en fait pas partie.
L’indice hexagonal doit cette bonne fortune au seul titre Sanofi (+3,4%) qui a profité des déboires de son concurrent Novo-Nordisk avec la FDA — laquelle a refusé d’homologuer son substitut au Lantus sur le territoire américain.
Cette séance de lundi a vu les échanges retomber sous la barre des deux milliards d’euros à Paris, sur fond de désintégration de la volatilité (le VIX retombant sous le plancher historique des 13 en milieu de journée).
De son côté, Wall Street s’effritait dès les premiers échanges au lieu de poursuivre sa marche somnambulique vers de nouveaux sommets. Il pourrait ne s’agir que de prises de profit techniques limitées après une clôture au plus haut de l’année pour l’ensemble des indices et même au plus haut historique pour le Dow Transport et le Russell 2000.
Pour tenter de justifier le manque d’inspiration des investisseurs, nous pourrions invoquer les intempéries (la tempête Nemo a paralysé une bonne partie de la Côte est, certains traders ne pouvaient se déplacer qu’en skis de fond, les routes secondaires des riches banlieues du New Jersey étant impraticables). Ou peut-être la démission du pape qui rend son anneau… comme un PDG dépose son badge après avoir perdu le soutien de son conseil d’administration.
Peut-être Benoit XVI a-t-il réalisé, en voyant sombrer l’Italie dans l’austérité, qu’il fallait se dépêcher de toucher sa retraite avant que les caisses du Vatican ne soient vidées par un super-impôt sur le patrimoine touchant les biens de l’église en Italie. Rappelons que cela a été suggéré avec instance au gouvernement grec, sommé de retirer aux possessions immobilières du clergé (orthodoxe majoritairement) un statut de paradis fiscal.
▪ Chypre remet l’Europe en première ligne
Pendant que la Grèce hésite toujours à taxer les monastères et les vastes territoires qui les entourent, les ministres européens de l’Eurogroupe ont commencé à se réunir hier pour discuter d’un renflouement de Chypre… où l’église orthodoxe jouit du même genre de privilège.
Il est surtout question de la recapitalisation directe des banques chypriotes par le Mécanisme européen de stabilité (MES).
Le plan de sauvetage en discussion depuis l’été dernier représente un montant somme toute dérisoire : 10 milliards d’euros. Cependant, il pourrait constituer un fâcheux précédent dont l’Irlande — toujours en grande difficulté avec son système bancaire « zombie » — pourrait être tentée de s’inspirer.
Vendredi dernier, le Conseil européen a trouvé un accord sur le budget 2014/2020. Pour IG, cet accord entérine une baisse du budget de l’ordre de 3%, pour la première fois depuis la création de l’Europe, et pourrait être remis en cause par le Parlement.
« Néanmoins, cet accord démontre que les politiques arrivent à trouver des compromis pour éviter des blocages majeurs, en Europe comme aux Etats-Unis », soulignent les professionnels.
Le point d’orgue de la semaine sera la réunion des ministres des Finances du G20 à Moscou ; ils pourraient aborder la question de la guerre des changes.
Sur le sujet, afin de ménager toutes les susceptibilités, Bruxelles se montre beaucoup moins alarmiste qu’Angela Merkel ou François Hollande. Les autorités européennes considèrent que des problèmes commenceraient vraiment à se poser en cas de hausse de l’euro au-delà de 1,45 $ et 133/135 yens.
Le gouvernement japonais reconnaissait d’ailleurs ce week-end que la décrue du yen a été un peu trop rapide. Après le Pearl Harbor monétaire des trois derniers mois, les responsables de ce jeu de massacre se confondent en excuses : « oups ! Pardonnez notre excès de zèle, l’attaque a été un peu trop massive et nous avons coulé deux cuirassiers et une corvette de trop ».
Le genre d’erreur qui parfois se termine mal pour qui en est l’auteur.