Honghui Chen est professeur de finance au département Finance de l’université de Floride. Dr. Gregory Noronha est professeur à la Milgard School of Business de l’université de Washington-Tacoma. Vijay Singal est quant à lui professeur de finance au Pamplin College of Business, en Virginie. C’est vous dire si, à eux trois, ces chercheurs ont une crédibilité à toute épreuve. En 2006, à la lecture du Journal of Investment Management, j’avais découvert leur papier intitulé "Les changements de l’indice S&P 500 et la conscience de l’investisseur".
Voici de quoi il s’agissait. L’indice phare des actions américaines, le S&P 500, comporte — comme son nom l’indique — cinq cents titres. Son but est d’intégrer les 500 plus grosses capitalisations boursières du pays, afin d’être très représentatif. Comme vous pouvez l’imaginer, avec autant d’entreprises, les choses changent sans arrêt. L’une fait faillite, deux autres fusionneront, sans parler des spin-offs. Par conséquent, la société Standard & Poor’s qui le calcule se voit souvent dans l’obligation d’apporter des modifications à la composition de l’indice. Lorsque c’est le cas, elle émet un communiqué de presse, informant le public que, une semaine ou dix jours plus tard, telle société remplacera telle autre dans le S&P 500.
En étudiant l’évolution du prix de centaines d’actions ajoutées à (ou retirées de) l’indice sur une période de plusieurs décennies, nos chercheurs ont découvert des choses intéressantes. Les entreprises nouvellement intégrées dans le S&P 500 progressent, entre le jour de l’annonce et le jour de l’inclusion, de 8,37% en moyenne. En revanche, les sociétés ôtées de l’indice voient le cours de leur titre chuter en moyenne de 14,44%.
A partir du jour de la modification, voici ce qui se passe, en moyenne : de +8,37% plus haut que son prix du jour de l’annonce du changement, l’action de l’entreprise nouvellement ajoutée retombe à +6,36%, une performance négative de 2,01% au cours des soixante jours suivants. En revanche, le titre de la société expulsée de l’indice voit son prix progresser, pour une performance totale de +15,96% entre le jour d’exclusion et les soixante jours suivants.
Conclusion logique : un investisseur qui achèterait l’action à ajouter à l’indice dès l’annonce, tout en vendant à découvert le titre exclu gagnerait 22,81% au total entre la déclaration officielle et le jour du changement. Puis il s’agit de faire l’inverse : acheter le titre mal-aimé et vendre à découvert le nouvel arrivé, pour un profit supplémentaire de 17,97%. En réinvestissant les gains de la première transaction dans la seconde, le profit cumulé atteint les 44,88%, le plus souvent en moins de 70 jours.
C’est simple non ? Alors pourquoi ne le faites-vous pas plus souvent ? Parce que vous faites sans doute la même erreur que tout le monde… et suivez bien trop souvent encore le troupeau.
Aujourd’hui, de nombreux investisseurs misent leur argent sur des stratégies passives, qui répliquent le S&P 500. Les gérants des ETF et fonds répliquant le vénérable indice sont donc forcés, entre le moment de l’annonce et le jour effectif, d’effectuer les modifications nécessaires, pour continuer à obtenir la même performance que l’indice. Il s’ensuit une pression à la hausse sur la valeur ajoutée, tandis que l’action retirée subit de fortes ventes.
Toutefois, de nombreux investisseurs ignorent tout de ceci. Lorsqu’ils voient une action monter, ils achètent. En revanche, ceux qui constatent qu’un titre dans leur portefeuille chute, prennent leurs pertes en vendant à leur tour ; c’est une erreur. Quand les acheteurs constatent que l’action qu’ils viennent d’acheter a cessé de progresser, ils revendent, ce qui fait retomber le prix de l’action ; au contraire, ceux qui avaient vendu observent que la glissade est terminée et rachètent, faisant remonter le titre.
Ainsi, c’est avec joie que j’ai appris, le 24 août dernier, que la CareFusion Corporation (symbole CFN sur le NYSE) remplacerait The Manitowoc Company (symbole MTW sur le NYSE) après la clôture du 31 août 2009. Voici l’évolution du prix des deux sociétés, ainsi que le pourcentage de profit qui a suivi sur la transaction que j’ai faite.
Au total : +70,25% en 23 jours ouvrables, sans le moindre risque de marché, soit encore plus que ce que nos trois professeurs émérites nous avaient laissé espérer.
En supposant qu’il soit possible d’être pleinement investi toute l’année sur une telle stratégie, le rendement, en se basant sur cette seule transaction, serait de +33 934% en rythme annualisé (en réinvestissant les profits). Une personne disposant de 3 000 euros le premier janvier pourrait se retrouver millionnaire avant le jour de la Saint-Sylvestre de la même année. C’est pas beau, la science ?
Désormais, la prochaine fois que les gens de Standard & Poor’s décideront d’effectuer des modifications à leur indice phare, vous saurez quoi faire.