▪ L’évolution des indices boursiers depuis une semaine correspondait-elle à un subtil jeu de miroir, le scénario d’un jour constituant le reflet inversé de celui de la veille ou du lendemain ?
Wall Street affichait mercredi soir un repli de 0,6% à la mi-séance. En revanche, mardi soir à la même heure, le score moyen était exactement inverse : des gains de 0,6% sur fond de commentaires attestant que ce rebond était le phénomène le plus naturel du monde.
Sauf que tout avait été reperdu au cours des deux dernières heures de la séance !
Eh bien, pas de quoi paniquer mercredi car rien n’interdisait de penser que les indices pourraient reprendre symétriquement tout le terrain perdu dans l’après-midi. De cette manière, Wall Street continuerait d’aller nulle part à 24 heures de la séance des « Trois sorcières ».
Le régime « porte de saloon » auquel sont confrontés les day traders est d’autant plus déstabilisant que les indices américains effaçaient en pré-ouverture leurs pertes de mardi — avec des hausses de 0,4% à 0,5%.
▪ L’optimisme de Wall Street aura été de courte durée
Mais l’optimisme initial a été quelque peu tempéré dès 14h30 par le recul de 0,3% des ventes au détail en octobre aux Etats-Unis. Même hors secteur automobile — qui accuse un repli inattendu de 1,5% — la stagnation des ventes déjoue également les attentes (le marché tablait sur une progression de 0,3%).
Peut-être les Américains se réservent-ils pour Thanksgiving et le Black Friday… [NDLR : au lendemain de Thanksgiving, jour qui marque le lancement des achats effrénés de Noël]. Mais il se pourrait également que la consommation s’essouffle tandis que « l’effet Apple » sur les ventes de détail est loin de donner raison aux experts qui annonçaient que le lancement de l’iPhone5 et de l’iPad mini pourrait rajouter jusqu’à 0,5% de PIB… et doper sensiblement les dépenses des ménages d’ici fin 2012.
Visiblement influencé par la dynamique baissière des indices américains entre 15h35 et 17h35, le CAC 40 en a terminé au plus bas du jour, selon un scénario inverse de celui de la veille. Les 3 400 points ont cependant été préservés et cela semble avoir été parfaitement maîtrisé, tout comme le test des 3 375 points, la MM100, la veille.
C’est Londres qui finissait en queue de peloton avec une perte de 1,1%, malgré l’annonce d’un retour au quasi-plein emploi en Angleterre. Francfort (-0,95%) puis Paris (-0,9%) s’en tiraient juste un peu mieux mais préservaient leurs supports hebdomadaires, mensuels et trimestriels… du bien bel ouvrage. Il ne restait plus à Wall Street qu’à préserver ses planchers de début août.
▪ Les indices américains noyés…
Les permabulls y ont cru jusque vers 20h10. Puis les sourires se sont soudain figés, les visages se sont crispés devant un spectacle à peine croyable. Les indices américains se sont enfoncés comme des plombs, alors qu’ils flottaient tranquillement comme des bouchons au-dessus de leur support moyen terme depuis le 22 octobre dernier.
Le Dow Jones, qui a perdu 1,45%, a atteint son plus bas niveau depuis le 12 juillet dernier (à 12 570 points). Le Standard and Poor’s a chuté de 1,4% à 1 355,5 — il a perdu jusqu’à 1,55% à quelques minutes de la clôture.
▪ … par un discours d’Obama
Le catalyseur de ce sell-off a été la première conférence de presse du président Obama qui confirme son souhait de voir expirer les réductions d’impôt sur les valeurs mobilières profitant aux 2% des contribuables les plus riches. Une perspective qui tétanise Wall Street bien davantage qu’une résurgence des blocages idéologiques de l’été 2011.
La majorité républicaine à la Chambre des Représentants restera-t-elle l’otage du Tea Party et jouera-t-elle la carte de l’obstruction systématique ?
Cela constituerait un facteur aggravant mais pas décisif. Même si le Congrès US donnait l’impression sur le finish de chercher à éviter la mise en oeuvre de coupes automatiques dans les dépenses publiques au 1er janvier 2013, cela n’écarterait qu’en partie le risque de récession en 2013 et ne résoudrait en rien l’équation budgétaire consistant à ramener le ratio dette/PIB au niveau des 60% et le déficit public à 3% d’ici 2016.
▪ Dettes américaines : un rééquilibrage impossible
Ramener la dette de 16 000 milliards de dollars (soit 100% du PIB américain) à 10 000 milliards de dollars supposerait de réaliser un rééquilibrage de 1 500 à 1 600 milliards de dollars par an pendant quatre ans… c’est totalement irréaliste !
Plus raisonnablement, l’horizon devrait être fixé à 2020. Mais cela implique de tenir un rythme de 5% de réduction des déficits par an, soit 800 milliards de dollars, c’est-à-dire 300 milliards de dollars de plus que les 500 milliards de dollars apportés par une croissance moyenne de 3% par an.
Jamais un tel objectif ne sera poursuivi et personne ne cherchera à l’atteindre… parce que la simple évocation d’un risque de récession clôt le débat avant même que la question soit mise à l’ordre du jour.
Mais tout ce qui précède n’est pas nouveau et faisait certainement partie des calculs de la Fed lorsqu’elle a décidé mi-septembre d’officialiser son QE3.
Il fallait un élément exogène ; nombreux sont les commentateurs qui pointent du doigt les tensions qui sont en train de ressurgir au Proche-Orient après le déclenchement d’une offensive aérienne israélienne visant des cibles humaines et militaires stratégiques dans la bande de Gaza.
Mais c’est avec une pointe de chauvinisme européen que nous avançons une autre explication : outre la forte mobilisation des grévistes en Espagne et en Grèce mercredi, les investisseurs ont pris connaissance hier matin d’un recul de 2,5% de la production industrielle dans l’Eurozone au mois de septembre.
Nous assistons à un véritable effondrement en Irlande (-12,6%), au Portugal (-12%) ; ce n’est guère brillant en Grèce (-4,4%… cela aurait pu être pire), et la glissade reprend en Espagne (-2,8%) et en France (-2,7%), sans oublier l’Allemagne avec -1,5%.
Sur 12 mois, le recul atteint 2,3% dans l’Eurozone. Cette moyenne masque toutefois d’importantes disparités entre le nord (stable) et le sud qui s’enfonce dans la récession. La France reste sur le fil et fait des moulinets statistiques pour ne pas basculer dans la zone rouge.
Si Wall Street perd pied — malgré les promesses de la Fed de remplacer l’opération Twist par une nouvelle bidouille monétaire dès janvier 2013 –, alors il est logique de penser que l’affaire est pliée.