▪ C’est au minimum de la cacophonie, assurément du grand n’importe quoi… et probablement de l’intox caractérisée : le ministre français des Affaires européennes Bernard Cazeneuve a dû démentir mardi soir un communiqué publié sur le site officiel du ministère des Affaires étrangères espagnol (et repris par toutes les agences de presse) indiquant que l’Espagne, l’Italie et la France avaient réclamé d’un commun accord, ce mardi à Bruxelles, « l’application immédiate des accords du dernier sommet européen des 28 et 29 juin ».
Nous reprenons les propres termes de Bernard Cazeneuve : « il n’y a pas eu de démarche commune avec l’Italie et l’Espagne. Je n’ai pas demandé d’application immédiate des accords ».
Voilà pour a version française de cette « péripétie »… mais nous ne pouvions manquer de faire figurer en parallèle une déclaration du secrétaire d’Etat espagnol pour l’Union européenne, Estado Mendez de Vigo : « il y a un décalage préoccupant entre la décision prise par le Conseil européen et l’application de ces accords ».
Comment pouvait-il en être autrement ? Le MES ne sera opérationnel qu’une fois les Européens d’accord — à l’unanimité — sur son statut et son mode de fonctionnement. Voilà qui nous promet d’ailleurs des échanges de vue intéressants entre la Finlande, Chypre et l’Espagne !
Les Européens ne pourront en discuter que lorsque la Cour des sages de Karlsruhe se sera prononcée sur sa compatibilité avec la Constitution allemande… courant septembre.
Mais au train où la crise se propage, d’ici 15 jours, les taux espagnols seront à 25% et l’Italie sera déclarée en faillite par les agences de notation. Rappelez-vous que Moody’s s’était montrée très alarmiste envers Rome au cas où les coûts de refinancement se mettraient à progresser fortement : nous y sommes !
▪ Repli après accalmie
Les marchés n’ont pas aimé ! Après six heures d’accalmie et de complète stagnation autour des 3 100 points, le CAC 40 a décroché de 0,9% au cours des deux dernières heures de cotations. Il en a terminé au plus bas du jour, à 3 074,5 points.
L’Euro-Stoxx 50, qui affichait une légère hausse en fin de matinée, se repliait de 1,27%. Il se retrouvait ainsi au plus bas (vers 2 150 points) depuis le 28 juin dernier.
Tous les gains accumulés depuis cette date se sont totalement évaporés en début de semaine… tout comme s’est évanoui le discours triomphaliste de ceux qui prétendaient l’Espagne tirée d’affaire au lendemain du sommet de Bruxelles où aucune décision concrète n’avait pourtant été prise.
Il y avait eu le 29 juin, une volonté manifeste de tirer les marchés vers le haut (ils s’étaient envolés de 4,5% en quelques heures, pile-poil pour finir le trimestre dans le vert à Paris) en racontant de belles fables auxquelles personne ne peut plus croire aujourd’hui.
A commencer par le pieux mensonge concernant l’injection de 100 milliards d’euros directement dans le capital des banques espagnoles — alors que le MES ne fonctionnera au mieux que d’ici la fin de l’année 2012.
Oser prétendre le contraire — et démontrer que le FESF était le seul à pouvoir intervenir — il y a trois semaines faisait passer celui qui s’y risquait (nous l’avons fait et avions récidivé crânement durant une semaine) pour un idiot. Au risque de passer pour immodeste, nous avions raison… à 100%.
Il ne s’est tellement rien passé de ce que les marchés espéraient depuis fin juin que nous avons maintenant droit à cette farce espagnole décrite en préambule et qui postulait l’émergence d’un front uni de la France, de l’Italie et de l’Espagne pour obtenir l’application des accords du 28 juin.
▪ Rien n’avance
Mais « quoi faire et comment le faire »…. ces mêmes questions se reposent de façon lancinante semaine après semaine, mois après mois et même trimestre après trimestre !
Face à l’absence de la moindre avancée concrète au lendemain d’un violent sell-off en Europe (la BCE demeure muette et l’arme au pied), la tendance de fond baissière a brusquement ressurgi en fin de journée au sud de l’Europe. Les liquidations d’actifs boursiers ont repris à Milan (-2,7%) et surtout à Madrid (-3,7%), malgré l’interdiction des ventes à découvert sur les valeurs financières.
Après les régions de Valence et de Murcia, qui ne pèsent pas grand-chose en termes d’endettement, c’était au tour de la Catalogne (Barcelone) de demander hier l’aide de Madrid pour éviter la faillite.
De façon très surprenante, c’est à peine si les marchés avaient réagi sur la nouvelle mardi midi ! Il a fallu attendre la réouverture de Wall Street (-0,5% initialement et -1,2% pour le Dow et le S&P à la mi-séance) pour qu’un courant vendeur émerge.
Allez savoir quelle obscure stratégie d’arbitrage a permis de tenir les indices européens à flot en attendant que les cotations reprennent effectivement sur les marchés américains ! Tous ceux qui ont cru pendant trois heures que la mauvaise nouvelle était dans les cours ont dû liquider leurs positions en catastrophe entre 15h30 et 17h30 — et en fait, comme bien souvent, au cours de la dernière demi-heure sur les places européennes.
Il y a plus troublant encore : la Bourse de Francfort avait rouvert en hausse alors que Moody’s avait annoncé lundi soir la révision de « stable » à « négative » des perspectives de notation AAA de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Luxembourg.
Seule la notation AAA de la Finlande est confirmée (à « stable ») parce que ce pays se montre « plus égal que les autres » sur le front des garanties consenties par les emprunteurs du sud de l’Europe.
Moody’s estime par ailleurs que le scénario d’une sortie de la Grèce (en récession de -7% cette année) devient de plus en plus probable. L’agence s’inquiète des conséquences d’un tel événement sur les autres pays membres tels que l’Espagne et l’Italie… et par ricochet l’Allemagne, qui détient des encours gigantesques sur ces deux pays par le jeu des « compensations » directes (TARGET) entre banques centrales pour tous les règlements d’un certain montant entre les entreprises privées (ce qui inclut les banques) de divers pays de l’Eurozone.
Et devinez quel est le plus gros créancier (et qui attend toujours qu’on lui règle plusieurs centaines de milliards d’euros qui sont bloqués au sud) de l’Eurozone ? Eh oui, bingo ! C’est l’Allemagne : la voici piégée comme les Chinois par ses principaux débiteurs.
Pékin soutient quoi qu’il en coûte Washington, Berlin n’a plus d’autre choix que de soutenir Madrid, même si Angela doit en perdre le sommeil et revoir la liste des choses qu’elle estime « ne pas pouvoir se produire de son vivant » !