▪ Le début du mois d’octobre boursier ressemble de plus en plus à ce que beaucoup d’investisseurs redoutaient. La correction est d’autant plus sévère que les marchés n’ont fait preuve — peut-être par choix tactique — d’aucun sens de l’anticipation en fin de troisième trimestre.
Tous les signaux propres à tempérer l’optimisme concernant le scénario de la reprise en "V" ont été systématiquement ignorés. Force est pourtant de constater qu’aucun indice économique n’est allé clairement dans ce sens ces derniers jours.
Les statistiques de l’emploi américain au mois de septembre ont fortement déçu les investisseurs. Ils ont accusé le coup ; cependant, les places européennes n’ont pas clôturé au plus bas du jour ni de la semaine vendredi dernier. Quelques rachats à bon compte exécutés dès l’ouverture des marchés américains ont permis de limiter les dégâts. Wall Street revenait pratiquement à l’équilibre après une heure de cotations, les pertes ne dépassent pas 0,25% à la mi-séance.
Difficile de nier l’emprise des vendeurs à la veille du week-end. Le CAC 40 s’est replié sous les 3 650 points (-1,9%) avec 39 composantes sur 40 clôturant dans le rouge — Sanofi-Aventis remplissant parfaitement son rôle de valeur défensive avec un score inchangé de 49,7 euros.
Le repli hebdomadaire s’établit à environ -2,4%, ce qui est comparable à celui observé la semaine précédente. Mais ce qui n’était qu’une correction technique au départ se double cette fois-ci de ventes motivées par des signaux de faiblesse structurels remettant en cause l’optimisme univoque des marchés fin septembre.
▪ Les partisans d’une poursuite du mouvement de reprise jusqu’à fin décembre soulignent qu’une consolidation de 5% en deux semaines ce n’est a priori pas très alarmant après une envolée de 20% en trois mois… mais une autre lecture des scores peut inciter les baissiers à formuler des conclusions moins souriantes.
Le mois de septembre avait vu le CAC 40 engranger 3,6% mais les deux premières séances d’octobre se soldent déjà par une perte de 3,8%. Cela ramène la Bourse de Paris sur ses niveaux du 21 août dernier.
L’Euro-Stoxx 50 rechute de 2,5% sur l’ensemble de la semaine. Contrairement aux précédents épisodes correctifs, aucun secteur n’a résisté : le phénomène de rotation sectorielle semble s’être enrayé et les volumes d’échanges ont augmenté de 30% la semaine dernière (4,2 milliards d’euros échangés vendredi à Paris).
▪ Du point de vue macro-économique, la rentrée ne s’est clairement pas traduite par la confirmation des bourgeons de croissance identifiés au début de l’été. Beaucoup d’espoirs formulés ces dernières semaines se flétrissent alors que l’économie américaine voit la production industrielle plafonner sous des niveaux qui demeurent historiquement bas — tandis que l’embellie relative du marché du travail depuis avril semble également perdre de sa substance.
Pas moins de 263 000 emplois ont été détruits en septembre, soit deux tiers de moins qu’en début d’année. Le taux de chômage progresse comme prévu de 0,1% à 9,8%, son plus haut niveau depuis juin 1983, selon les statistiques publiées vendredi par le département du Travail. Plus inquiétant à nos yeux, la masse de revenus distribuée se contracte de 0,8% et le nombre d’heures travaillées s’inscrit également en baisse.
Le véritable malaise provient de ce que les économistes anticipaient la destruction d’un peu moins de 200 000 emplois le mois dernier — tandis que les chiffres du mois d’août ont été révisés en hausse à -216 000 contre -201 000 en première estimation.
Tous les secteurs ont détruit des emplois, sauf celui de la santé avec un solde positif bien symbolique de 3 000. La fonction publique a elle-même détruit 53 000 postes ; beaucoup de suppressions ont eu lieu en Californie comme nous l’avons déjà souligné mais les postes dans l’enseignement sont en réduction dans tous les états américains.
Le dollar n’a guère réagi à la rafale de mauvais chiffres. Il consolide même ses positions vers 1,4550/euro et reprend du terrain face à la devise japonaise, à 89 yens.
▪ Les taux longs restent pourtant orientés à la baisse. La courbe des rendements s’aplatit, alors que deux écoles s’affrontent à l’heure actuelle.
Une première approche, celle de la Fed, consiste à évaluer le niveau de la croissance. On le compare ensuite avec celui de l’inflation sous-jacente pour en déduire qu’il n’y a aucune urgence à préparer les marchés au rétablissement d’une politique monétaire moins accommodante — tout en affirmant que les plans sont déjà dans les cartons le cas échéant.
La seconde approche consiste à mesurer la "force relative" du dollar afin de calculer à partir de quel moment les Etats-Unis pourraient se retrouver dans la situation d’une inflation importée sans aucun rapport avec le niveau d’activité interne. C’est la piste privilégiée par les partisans de l’or, mais pas seulement : les Chinois savent que le dollar est voué à se déprécier après un doublement du bilan de la Fed en un an.
Compte tenu des montants qu’ils détiennent, ils n’ont aucune échappatoire s’ils proclament ouvertement leur manque de confiance dans le billet vert. Ils savent en revanche que la Fed se retrouverait contrainte de relever ses taux si la dérive du billet vert s’avérait trop rapide.
Pour être franc, une hausse de taux sur fond de reprise en "L" aux Etats-Unis serait dévastatrice ; ce n’est certainement le genre de situation à créer dans les circonstances actuelles. En revanche, mettre la pression sur la Maison Blanche et le Congrès américain pour qu’ils resserrent la vis sur le plan fiscal ces prochaines années (et que ce soit clairement annoncé) offrirait aux autorités chinoises une opportunité de sortie fort intéressante. Tant pis pour ceux qui se laisseront tenter par des achats spéculatifs sans aucune garantie de retour sur investissement en termes de rendement : le différentiel entre le "jour/jour" et le "10 ans" se réduit inexorablement depuis des semaines.
▪ En attendant, la Chine va continuer de raccourcir la maturité de son portefeuille de bons du Trésor américain et d’acheter cash (en dollars) tous les actifs présentant un intérêt pour son indépendance énergétique à moyen et long terme.
Elle se montrera certainement très attentive aux tractations entre le conseil de sécurité des grandes puissances nucléaires (ainsi que l’Allemagne) et l’Iran, son principal fournisseur de gaz !