▪ Quoi ? Le CAC 40 s’est replié de 0,47% alors que le S&P et le Nasdaq affichaient 0,6% et 1% respectivement ? Ces derniers ont pulvérisé de nouveaux records annuels et même décennaux pour le Composite : il doit y avoir une erreur !
Fort heureusement, l’Euro-Stoxx 50 (+0,0005%) puis surtout l’Eurofirst 80 (+0,01%) ne commettent aucun faux pas et alignent une neuvième séance de hausse consécutive. Certes, cela s’est fait avec le plus petit écart mesurable… certes, dans des volumes anecdotiques, certes… mais le score final s’étale sur fond vert et c’est bien là le principal !
Nous oublierons vite les -0,05% de Londres et Francfort pour nous réjouir de la hausse de Milan et Bruxelles (+0,3%) mais aussi et surtout de Madrid (+1,25%).
▪ La Bourse espagnole en hausse seule et contre tous
Eh oui, la Bourse ibérique résiste aux persiflages des rédacteurs des Publications Agora. Elle résiste aussi aux avis alarmistes émis par les agences de notations, inquiètes de ce que les banques espagnoles soient endettées à hauteur de 153 milliards d’euros auprès de la BCE. Elle résiste aux oracles les plus sombres émis par des illuminés, comme Mohamed El Erian, le stratège en chef de PIMCO.
Il s’agit, comme vous le savez, du directeur du plus grand fonds obligataire des Etats-Unis — et même du monde si l’on excepte le fonds souverain chinois qui gère une partie des 3 000 milliards de réserve de change revendiquées fin 2011.
Elles se sont un peu contractées en janvier puis en février sous l’impact des achats massifs de pétrole orchestrés par Pékin ; mais ne nous demandez pas les raisons de ce restockage car vous n’aimeriez pas la réponse !
▪ Espagne et Portugal vers une Grèce bis ?
M. El Erian affirme que le Portugal s’avèrera être une « Grèce bis » avant la fin de l’année. Ce pays n’est que la victime collatérale des maux dont souffre son voisin espagnol — avec ses 23% de chômage et son taux d’endettement des ménages record.
L’Espagne, c’est 14% du PIB de l’Eurozone, mais c’est aussi le pays sur lequel les banques françaises accusent la plus forte exposition (étant exclu que l’Allemagne puisse faire défaut).
Ce n’est qu’un simple détail et nous nous égarons dans considérations sans aucun rapport avec l’actualité la plus immédiate et la plus réjouissante. Le Nasdaq 100 franchit ce lundi la barre des 20% de hausse annuelle et se lance à la poursuite de la Bourse de Moscou (+24,65%) qui surfe sur l’envolée du pétrole.
▪ La Fed n’a pas peur de l’inflation
Un baril à 108 $, un gallon d’essence sans plomb à 4 $ sont des signes évidents de bonne santé économique, de croissance retrouvée. La Fed n’a pas manqué de clouer le bec ce week-end à ceux qui oseraient prétendre qu’un risque inflationniste pourrait peut-être, si l’on n’y prend pas garde, ressurgir d’ici l’été.
Fadaises, martèlent en choeur Ben Bernanke et ses principaux lieutenants. La hausse des prix va se calmer d’elle-même avant fin 2012. C’est comme ça, y’a pas à discuter, circulez y’a rien à voir et n’y revenez plus !
▪ Les marchés américains continuent leur ascension
Wall Street se sent pleinement rassuré par ces prises de position, alors pas question de consolider après trois mois de hausse ininterrompue.
Les indices américains avaient rouvert sans direction. Heureusement, la publication de l’indice NAHB/Wells Fargo (baromètre de la confiance des constructeurs de maisons individuelles) a restauré une confiance inoxydable dans un avenir radieux alors que l’indice sectoriel ressort inchangé à 28 (au plus haut de puis cinq ans).
Les esprits chagrins objecteront que le consensus tablait sur un score de 29, mais oubliez cela : ce qui euphorise Wall Street, c’est la hausse de la sous-composante des ventes attendues, qui passe de 34 à 36.
De vrais optimistes auraient pu faire grimper le score vers 40. Après tout, si les banques cessent de liquider leurs stocks de maisons saisies depuis 2007 (et ça continue en 2012), il faudra bien acheter des maisons neuves, non ?
Il apparaît clair que Wall Street n’attendait qu’un prétexte, fut-il parfaitement subjectif, pour poursuivre sa progression et valider l’inscription de nouveaux records. Le S&P et le Nasdaq inscrivent donc une huitième séance de hausse sur une série de neuf.
▪ Le dividende d’Apple euphorise Wall Street
A Wall Street, l’idée d’une consolidation n’affleure même plus au niveau de l’inconscient des investisseurs. Ils saluent les annonces d’Apple lundi matin, notamment le versement d’un dividende annuel de 10,6 $ représentant 1% des réserves en cash du groupe, ainsi que le rachat de 10 milliards de dollars de ses propres titres ; il n’y a rien de mieux à faire, aucune firme concurrente n’affiche une rentabilité comparable.
Apple affichait +2,6% lundi soir vers 18h15, égalant ainsi son record historique de 600 $.
A ce prix-là, c’est cadeau, tout le monde en veut. Ou plutôt, personne ne peut se priver d’en faire figurer une ligne dans son portefeuille : « moi aussi j’ai de l’Apple, je suis moi aussi un génie ».
Difficile de déterminer si payer une action le prix d’un iPad3 ou 50% plus cher qu’un iPhone4G c’est une bonne affaire. Le jour où Apple aura vendu un milliard d’iPad, nous en reparlerons.
En attendant, l’ascension no limit du titre Apple, dans un volume de 30 millions de titres — ce qui représente 18 milliards de dollars, soit plus de cinq fois le volume de capitaux échangé à Paris — c’est le mouvement perpétuel à la hausse.
La place de Wall Street semble bien partie pour une quatorzième semaine de progression et le retracement de ses sommets de l’été 2007.
▪ Nostalgie, quand tu nous tiens
Rappelez-vous… Quand les marchés étaient complètement surévalués et qu’ils n’imaginaient même pas que la bulle immobilière puisse exploser aux Etats-Unis, ou que l’Europe puisse s’enfoncer pour de nombreuses années dans la récession, plombée par une dette souveraine inextricable.
Actuellement, une bulle immobilière se dégonfle en Chine : chute de 20% des transactions immobilières à Pékin par rapport à février 2011. C’est le cinquième mois de recul consécutif des prix dans deux tiers des 70 plus grandes villes chinoises. Mais les Chinois ne sourcillent même pas : quand il le faut, les lois du marché cessent de s’appliquent à l’Empire du Milieu.
▪ La Chine saura-t-elle mieux gérer la bulle immobilière que la Fed ?
Pékin saura faire ce que la Fed n’a pas su faire. Endiguer la débâcle en rachetant par dizaines de millions les biens en déshérence pour en faire du logement social — une enveloppe de 500 milliards de dollars selon les estimations occidentales a été votée dans ce but.
Pas de danger de scénario à la japonaise du côté de la Chine, nous voilà rassurés !
Les marchés peuvent donc rester totalement sourds à tout élément d’actualité porteur d’une connotation négative. Nous pensons à la production industrielle italienne qui a subi une lourde rechute au mois de janvier (-7,4%) — un repli était certes attendu, mais de 3,5% seulement.
L’Italie va bien, pourtant, très bien même. Et celui qui prétend le contraire n’est qu’un Pinocchio !