** Reprise en V ? Reprise en W ?
* Oubliez ça… aucune lettre de l’alphabet ne correspond à la "reprise" que nous risquons d’avoir.
* Nous disons cela par malice aussi bien que pour éclaircir les choses. Le monde ne restera évidemment pas éternellement en dépression. D’ailleurs, une dépression économique n’est pas si épouvantable, une fois qu’on s’y habitue. L’économie mondiale se traînera un peu dans la vase… avec des taux de croissance bas ou négatifs dans la majeure partie des cas… jusqu’à ce qu’elle trouve un nouveau modèle. L’ancien modèle est mort. Les autorités peuvent lui appliquer autant de rouge et de poudre qu’elles le veulent. Elles peuvent même administrer des électrochocs au cadavre pour le faire asseoir. Mais elles ne peuvent pas le ressusciter. C’est fini. Terminé. Kaput.
* L’ancien modèle comportait de nombreux acteurs jouant beaucoup de rôles différents. Les principaux protagonistes restaient cependant les Etats-Unis et la Chine. Pour décrire les choses en gros, la Chine fabriquait ; les Etats-Unis prenaient. Cette relation semblait bien servir les deux parties… mais en réalité, elle poussait à un comportement idiot, et, en fin de compte, destructeur — surtout pour les Etats-Unis.
* Lorsque nous grandissions, la Chine était "le péril rouge". Le pays était plein de gens insensés faisant des choses insensées. Ils humiliaient les gens en leur faisant porter des bonnets d’âne et en les faisant défiler dans les rues de la ville. Les Chinois fabriquaient de l’acier dans leurs jardins, avec des fours artisanaux. Ils construisaient des palais cachés pour Mao, le Grand Timonier… portaient des costumes bizarres… et jetaient les petites filles sur des piles d’ordures (nous n’inventons rien !)
** Puis est arrivée une période saine d’esprit. Deng Xiaoping a décidé de tourner le pays tout entier dans la direction du capitalisme. D’abord, on a pensé que c’était une aubaine pour l’Occident. On avait gagné ! Soudain, on comptait un milliard de consommateurs supplémentaires dans l’économie mondiale. Les chefs d’entreprises s’endormaient en faisant de beaux rêves : "si on peut vendre un réfrigérateur à ne serait-ce qu’un Chinois sur 1 000"…
* Les rêves se muèrent en cauchemar. Au lieu de vendre des réfrigérateurs made in America aux Chinois… ce furent les Chinois qui vendirent des réfrigérateurs made in China… et des grille-pain… et des tables… et tous les gadgets, les babioles et les machins connus de l’homme… aux Américains. Au lieu de se transformer en consommateur, la Chine devint producteur, prenant la route de l’exportation vers la prospérité — précédée par le Japon dans les années 60 et 70… puis par la Corée et Taiwan. Au lieu d’augmenter la demande mondiale de produits fabriqués dans les pays développés, la Chine devint le plus grand fournisseur au monde.
* La Chine fabriquait… la Chine vendait… la Chine encaissait son argent, achetait des bons du Trésor américain — aidant ainsi à maintenir les taux de prêts bas aux Etats-Unis –, et continuait à fabriquer. Tout ça marchait magnifiquement tant que les Américains étaient prêts à continuer à dépenser — et en étaient capables. Mais aucun vase n’est sans fond. La goutte d’eau finale est arrivée en 2007 — avec une dette totale se montant à 370% du PIB américain.
* A présent, la partie est finie. L’ancienne formule ne fonctionne plus — ni pour les Américains, ni pour les Chinois. En dépit des directives de leur gouvernement, les Américains ne peuvent plus s’endetter pour consommer plus de choses en provenance de Chine. Pas plus que les Chinois ne peuvent raisonnablement se sortir d’un problème de surcapacité en créant encore plus de capacité.
* Mais les autorités des deux pays semblent aussi aveugles les unes que les autres. Elles ne semblent pas penser très loin, quel que soit le langage dans lequel elles réfléchissent. D’un côté du Pacifique, les Américains croient pouvoir déclencher une reprise en encourageant les consommateurs à emprunter et à consommer plus de choses. De l’autre côté, les autorités offrent du crédit aux entrepreneurs et aux industriels — les encourageant à construire plus d’usines et à ajouter encore de la capacité pour pouvoir produire plus de choses. Personne ne semble réaliser que le vrai problème, c’est que LE MONDE A DEJA TROP DE CHOSES.
* Aux Etats-Unis, le secteur privé traîne des pieds ; il en a assez des dettes. Mais voilà que les autorités arrivent avec un panache digne de Fred Astaire… prêtes à emprunter et à dépenser jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de champagne. En matière d’auto-destruction, les autorités ne chôment pas. Elles empruntent et dépensent des milliers de milliards de dollars — 8 000 milliards seront ajoutés à la dette américaine sur les huit prochaines années. Jusqu’à présent, cet argent n’a rien fait pour soulager le problème sous-jacent : le consommateur a trop de dette et pas assez de revenus. Le gouvernement peut lui accorder des crédits d’impôts… ou lui donner un chèque en échange de son tacot. Ces subventions produiront une relance temporaire. Mais lorsqu’elles s’épuiseront, il ne restera rien. Est-ce que la personne qui a acheté une voiture avec l’argent du gouvernement en 2009 en achètera une autre en 2010 ? Est-ce que l’homme qui a renouvelé son prêt hypothécaire avec un crédit d’impôt en 2008 ira acheter une nouvelle maison en 2009 ?
* Les problèmes sont réels… au coeur de l’économie réelle. Ce ne sont pas des problèmes qu’on peut régler en bidouillant la masse monétaire, les taux d’intérêt ou même la politique budgétaire. Ce sont des problèmes qui doivent être réglés dans l’économie réelle… par les consommateurs, qui doivent rembourser leurs dettes, et par les entrepreneurs, qui doivent s’adapter aux réalités du monde — ajustant leur capacité de manière à produire des choses pour des gens qui peuvent vraiment se permettre de les acheter. C’est un processus long… avec de nombreuses faillites et déceptions en cours de route.
* Et ce procédé ne fait que commencer. Il ira en s’amplifiant et en s’aggravant, à mesure que les consommateurs et les chefs d’entreprises réalisent qu’il n’y aura pas de reprise rapide… ni de retour à l’ancien modèle — jamais. Attendez-vous à plus de licenciements… plus de saisies… plus de réductions de dépenses et de désendettement…
* Attendez-vous à plus de dépression, cher lecteur…
* Et apprenez à l’aimer ; elle sera avec nous pendant longtemps.