** Quasiment tout le monde s’attend à une hausse de l’inflation. La base monétaire ajustée des Etats-Unis a plus que doublé au cours de l’année passée. Les déficits sont vertigineux. Le pétrole nous dit que les pressions inflationnistes n’ont pas disparu. L’or aussi semble murmurer — mais non crier — un avertissement : soyez prudent…
* Quelle est la chose prudente à faire ? Ne faudrait-il pas garder un oeil sur l’inflation, comme tout le monde… et participer au rebond boursier jusqu’à ce qu’elle arrive ? Si vous n’avez pas profité du rally, vous avez manqué une opportunité de gain de 20% à 40%. Même si une correction se prépare probablement, est-ce que ça ne vaudrait pas la peine d’acheter des actions… de les garder jusqu’à ce que le rebond se termine ou jusqu’à ce que l’inflation apparaisse… puis de passer à l’or ?
* Oui… voilà qui semble raisonnable.
* Mais où est la surprise ? Voici une possibilité : une dépression/déflation plus profonde et plus persistante que le pensent les gens. Ben Bernanke a déclaré au Congrès américain qu’il avait cherché à éviter "une deuxième Grande Dépression". Et s’il avait échoué ?
* Roger Lowenstein dans le New York Times :
* "Non seulement l’économie américaine supprime des emplois à un rythme record, mais elle supprime plus d’emplois qu’elle est censée le faire. C’est déjà assez terrible que le taux de chômage ait doublé en seulement un an et demi et qu’un travailleur sur six dans le secteur de la construction soit sans emploi…"
* "Mais la Réserve fédérale s’attend désormais à ce que le chômage dépasse les 10% (le sommet post-guerre était de 10,8% en 1982). Selon quasiment tous les autres critères, nous sommes déjà dans le pire marché de l’emploi depuis la Grande Dépression"…
* "Pour expliquer l’effondrement de la grande machine à emplois américaine, on peut commencer par l’absence marquée de ce qu’on appelle le ‘stockage de main-d’oeuvre’. En général, durant les récessions, les entreprises gardent la majeure partie de leurs employés même si l’activité ralentit, les ‘stockant’ littéralement pour des jours meilleurs. Dans le ralentissement actuel, le stockage semble aller en sens inverse. Non seulement les entreprises licencient des travailleurs, mais elles semblent tailler dans le vif… L’absence de stockage signifie que les entreprises ne s’attendent pas à voir l’activité reprendre de sitôt. Ce constat est fondé sur d’autres preuves, comme le doublement du nombre de travailleurs à temps partiel involontaires (ils sont neuf millions) et la chute des heures travaillées, qui en sont à 33 heures/semaine — la plus courte durée jamais enregistrée. On peut supposer qu’avant de voir les entreprises réembaucher des travailleurs licenciés, elles demanderont à leurs employés actuels de travailler plus".
* "Ceux qui espèrent un rebond avancent que les employeurs, effrayés par les chocs financiers et la crise du crédit de l’automne dernier, ont en fait paniqué. C’est-à-dire qu’ils ont plus licencié que nécessaire — et c’est peut-être effectivement le cas".
* "Mais les licenciements ne sont qu’une partie de l’histoire. Le problème n’est pas seulement qu’un si grand nombre de travailleurs ont été licenciés, mais également que les entreprises n’embauchent pas… Le pourcentage d’adultes qui travaillent est passé de 64% à la fin de l’époque Clinton à seulement 59,5% aujourd’hui. Certains d’entre eux sont des retraités, mais certains pourraient être une réaction au dynamisme déclinant de l’économie. Traditionnellement, la résilience américaine se traduisait par une mobilité d’état à état et de région à région quand les temps étaient durs. A présent, selon le Census Bureau, la mobilité est à un plus bas record. Peut-être les gens n’ont-ils plus les moyens de déménager, avec un prêt hypothécaire ‘sous l’eau’. Peut-être que les régions vers lesquelles ils partaient — en général les états de la Sun Belt [principalement la Californie, le Texas, la Louisiane, la Géorgie et la Floride, NDLR.] — sont trop ravagées par les saisies. Mais la capacité tant vantée de l’économie américaine à se renouveler semble quelque peu ternie. Peut-être n’est-ce pas un accident cette fois-ci : les gens faisant la queue devant les agences pour l’emploi y restent plus longtemps".
* "En termes d’impact sur la société, le manque d’embauche est bien plus troublant qu’un excès de licenciements. Les pertes d’emploi doivent prendre fin tôt ou tard. Même si elles persistent (comme dans le secteur automobile par exemple), le gouvernement peut intervenir. Mais le gouvernement ne peut forcer les entreprises à embaucher".
* Les pertes d’emploi entraînent une baisse des achats… ce qui génère moins de ventes et de bénéfices… ce qui provoque à son tour plus de pertes d’emploi et de baisse des prix. C’est tout le principe d’une dépression.
* Pour l’instant, nous considérons le taux d’inflation américain de -1,4% comme un coup de chance… une aberration. La plupart des gens sont certains que les autorités réveilleront bientôt le taux d’inflation. Mais si les autorités étaient plus incompétentes que nous le pensons ? Si elles n’arrivaient pas à causer de l’inflation ? Les Japonais n’y sont pas parvenus. Et ils n’avaient pas à se battre avec des consommateurs en train de se désendetter. En d’autres termes, les ménages nippons n’ont jamais été si endettés qu’ils ont dû réduire leurs dépenses pour rembourser leurs dettes. Mais ils ont tout de même réduit leur train de vie… et les prix ont chuté.
* Sans compter que les Japonais n’avaient pas une économie mondiale tout entière en plein désendettement. Ils ont pu continuer à offrir des biens à des consommateurs comme les Etats-Unis… et à faire des profits.
* La situation économique des Etats-Unis est bien plus dangereuse… et potentiellement bien plus déflationniste. Nous pourrions entrer dans une période de baisse des prix qui durera de nombreuses années.
** Alors faut-il acheter de l’or ou pas ?
* Il y a 10 ans de ça, nous avons suggéré une Transaction de la Décennie très simple : achetez l’or pendant ses creux, vendez les actions durant leurs rebonds.
* Ce n’était pas la meilleure transaction. Il y a eu de gigantesques hausses des actions et du pétrole, par exemple. De nombreux investissements auraient rapporté plus. Google a probablement été le plus grand succès de la période.
* Mais cette Transaction de la Décennie nous semblait être la chose la plus sûre qu’on puisse faire avec son argent au début du siècle. L’or était à un plancher record ; les actions étaient à un sommet record. Pouvait-il y avoir plus facile ?
* Et cette transaction s’est révélée plutôt intéressante.
* La décennie n’est pas terminée. Nous maintenons donc notre position pendant encore quelque temps. Nous pensons que nous verrons de nouveaux profits lorsque les marchés se retourneront une fois encore. Mais pour l’or, le grand jour est peut-être encore loin dans le futur.
* Alors si vous cherchez des profits rapides, l’or n’est probablement pas un bon achat. C’est un métal monétaire. Fondamentalement, c’est une protection contre l’argent papier et la détresse financière, non un véritable investissement… ni même une spéculation.
* Dans la mesure où nous considérons que le risque de détresse financière est très élevé, nous achetons de l’or — comme assurance. Mais nous n’attendons pas de sitôt un marché haussier majeur de l’or. Plus tard, lorsque la déflation et la dépression auront surpris les investisseurs et éliminé toutes les attentes inflationnistes, nous achèterons l’or en tant que position spéculative. Les investisseurs seront alors surpris par la vitesse à laquelle l’inflation revient.