Dernièrement, je suis tombé sur une étude fort intéressante.
Il s’agit d’un petit livre intitulé One-Way Pockets [« Les poches à sens unique », NDLR.] écrit par un courtier sous le pseudonyme de Don Guyon. Le livre, publié pour la première fois en 1917, décrit des études réalisées sur le comportement de comptes de trading de l’époque. Mais les conclusions sont intemporelles.
La langue est celle de l’époque de la Première Guerre mondiale, au charme désuet. Cela débute ainsi : « à la fin du marché des inoubliables ‘mariées de la guerre’, j’ai commencé, de façon informelle, à analyser les comptes d’une demi-douzaine de traders parmi les plus actifs de la société ».
Lors du marché des « mariées de guerre » de 1914-15, les valeurs industrielles et de la défense et industrielles ont grimpé, en réaction au déclenchement de la Première Guerre mondiale [Une « mariée de guerre », war bride en anglais, était le surnom donné à ce que nous appelons aujourd’hui « valeurs de la défense », NDLR.]
Toutefois, Guyon a trouvé que même si de telles valeurs avaient déjà beaucoup augmenté, les clients de son entreprise qui y avaient de grosses participations n’en retiraient pourtant que de maigres profits. Ce n’était pas le seul cas. En se basant sur son expérience dans le domaine du courtage, Guyon a remarqué que c’est à quoi ressemblait la phase haute de tout marché haussier. En 1917, le marché était baissier et ces investisseurs ont perdu de l’argent.
Pourquoi ?
C’est là que les études menées par Guyon apportent des résultats intéressants. Il a étudié cinq grandes valeurs que ces comptes tradaient : United States Steel, Crucible Steel, Baldwin Locomotive, Studebaker Corp. et Westinghouse Electric. Il a analysé les décisions de vente et d’achat dans chaque compte et les a synthétisées.
Sa découverte est étonnante. Toutes ces valeurs affichaient de gros bénéfices au cours du marché des « mariées de guerre ». Pourtant, « le prix moyen auquel chaque action a été achetée pour les six comptes était plus élevé que le prix moyen auquel elles avaient été vendues ».
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En clair, les investisseurs les achetaient la plupart du temps après qu’elles avaient bien augmenté.
Puis ils les vendaient lorsqu’elles chutaient.
▪ Vendre trop tôt, racheter plus cher : des erreurs courantes
Guyon mena une autre étude dans laquelle il étudia les carnets d’ordres des comptes de son entreprise, relevant les achats et les ventes jour après jour, de mars 1916 à mars 1917. Un schéma similaire se dessina. Les traders achetaient une action après sa hausse. Ils la vendaient une fois qu’elle avait amorcé son déclin. Comme l’a observé Guyon :
« Cette analyse de transactions fournit une preuve qui corrobore les même erreurs courantes de trading révélées dans les six comptes précédemment étudiés. Une fois encore, le public a vendu trop tôt, a racheté plus cher, a acheté plus après que le marché s’est retourné et, enfin, a liquidé dans le creux ».
Les tuyaux, les rumeurs, les informations — toutes ces choses pour Guyon ne font qu’embrouiller les investisseurs, les incitant à prendre des décisions émotionnelles et inopportunes. Le conseil de trading de Guyon plus loin dans le livre n’est pas très utile mais les principaux points de ses études résistent à l’épreuve du temps. Sa principale conclusion est simplement que « la grande majorité des spéculateurs sont… des perdants réguliers à Wall Street ».
Cette assertion réaffirme ce qui est toujours vrai sur le marché. Les gens recherchent les mouvements de prix plutôt que d’acheter et de garder (et de vendre) sur la base d’une réflexion sérieuse.
Ils sont également, partout, impatients. Cela me rappelle une vieille BD, Far Side, où l’on voit deux vautours perchés sur un arbre. Si ma mémoire est bonne, l’un dit à l’autre : « patienter, toujours patienter !… Allons plutôt tuer quelque chose ! »
▪ Les vertus de l’inactivité
La plupart des gens sont comme ce vautour. Ils ne peuvent attendre. Ils ont besoin de « faire quelque chose ». Mais comme le montre Guyon dans son livre, « faire quelque chose » est souvent la mauvaise chose à faire. Mieux vaut la patience.
Il existe pléthore d’études modernes qui arrivent au même résultat que Don Guyon. Des études semblables mais plus complètes, montrent comment une fréquence accrue de trading conduit à des résultats moins bons comparé à des comptes moins actifs. D’autres études affirment que les investisseurs ne gagnent même pas les rendements établis par leur fonds de placement parce qu’ils retirent leur argent dès que les résultats sont faibles (et que le prix est bas) et y ajoutent de l’argent lorsqu’il a bien performé (et que le prix est élevé).
Ceci va à l’encontre de tous les bons conseils prônés par les pontes de l’investissement comme Warren Buffett, Peter Lynch, Seth Klarman, Martin Whitman et d’autres qui mettent en avant les avantages à acheter bon marché et à garder.
Vous pouvez acquérir une formation de première classe sur comment bien investir avec très peu d’argent. Cependant, comme l’écrit Guyon, « ces vénérables listes de choses ‘à faire’ et ‘à ne pas faire’ m’ont toujours fait penser aux signalisations ‘Stop ! Regarde ! Ecoute !’ rencontrées tout au long des routes, et dont le nombre et la similitude font qu’on ne les remarque même plus ».
Pour ma part, je trouve fascinant qu’un homme écrivant en 1917 puisse nous parler si clairement et si utilement sur le marché. C’est l’un des charmes de ce domaine : quels que soient l’époque et le lieu, les hommes restent des hommes, les marchés restent des marchés et leur comportement semble être universel.
Par conséquent, si nous savons quel genre de comportement est perdant, nous devrions faire quelque chose de différent afin d’obtenir de meilleurs résultats. Il faudrait alors sélectionner des actions peu performantes et les garder, plutôt que d’essayer de deviner quelles seront les fluctuations des cours et de ne cesser d’acheter et de vendre. Je vous conseille donc vivement de faire preuve de patience avec vos actions.