▪ Le sommet européen de la semaine dernière était la quatorzième réunion organisée au cours des 21 derniers mois. Quasiment toutes ont donné lieu à une sorte « d’accord décisif » qui a électrisé les investisseurs durant un jour ou deux. Mais chacun de ces rallies de soulagement s’est révélé n’être que de courte durée car ces « avancées capitales » ont mené à des impasses et à des querelles sur les détails de cette avancée supposée — sans compter le référendum programmé « en surprise » par la Grèce.
Le processus d’unification de 17 pays — et d’unification d’une diversité de composantes mécontentes et principalement inquiètes pour leurs intérêts propres au sein même de chacun de ces 17 pays — a fait du processus de sauvetage une sorte de casse-tête particulièrement retors.
Cette fois-ci pourrait être différente… ou pas. En premier lieu, l’avancée n’a pu avoir lieu que lorsque la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy ont contraint les banques européennes à accepter une réduction « volontaire » de 50% de la dette grecque.
Aux environs de minuit en Europe, le représentant des banques européennes au sommet, Charles Dallara, a envoyé un message affirmant de façon catégorique : « il n’y a aucun accord sur quelque projet que ce soit ». Mais peu après, selon l’agence Associated Press, « Sarkozy a dit aux banquiers qu’ils avaient été conviés ‘non pas pour négocier mais pour les informer des décisions prises par les 17 membres et qu’eux-mêmes y ont réfléchi et ont donné leur accord’. »
« Le Premier ministre du Luxembourg Jean-Claude Juncker a déclaré que la résistance des banques a été brisée par la menace de ‘se diriger vers un scénario d’insolvabilité totale de la Grèce, ce qui aurait coûté très cher aux Etats et aurait ruiné les banques’. »
Fort de cet accord « volontaire », le plan de sauvetage était viable… et les marchés ont rebondi.
Quelles que soient les perspectives réelles d’un plan de sauvetage durable — par « durable » j’entends un peu plus long qu’une semaine — les investisseurs commencent à se lasser d’être dans la crainte. C’est pourquoi ils passent en mode « risque accepté » pendant quelques jours.
On liquide les bons du Trésor ; le dollar est en chute libre ; les actions montent en flèche. Ceci est une activité classique de trading « risque accepté » — ce qui signifie que les participants des marchés deviennent légèrement moins nerveux et légèrement plus désireux de prendre quelques risques.
▪ Mais voilà une donnée curieuse : au cours de la phase la plus récente du mode « risque accepté », l’or a également fortement grimpé. Ce faisant, l’or s’est désolidarisé de son compagnon « aversion au risque » : le bon du Trésor US.
Depuis la crise du crédit de 2008, les investisseurs se sont précipités à la fois sur l’or et sur les bons du Trésor dès que les conditions macroéconomiques commençaient à sembler un peu risquées — c’est-à-dire en mode « refus du risque ». Ainsi, les deux actifs avaient tendance à monter ou à chuter en même temps. Mais au cours de ces dernières semaines, lorsque le trading avec risque accepté repartait de l’avant, l’or aussi se mettait à monter. Pas les bons du Trésor. Quelque chose a changé. Si l’on n’est pas certain de ce dont il s’agit, comme d’habitude, on le devine.
D’abord, voyons un peu le contexte…
Au cours des quatre dernières décennies, le prix de l’or et le prix des bons du Trésor ont été inversés l’un par rapport à l’autre. Lorsque l’or grimpait, les obligations baissaient et vice versa. Cette « corrélation inversée », comme la nomment les professionnels, provient du fait que les bons du Trésor avaient tendance à se développer au cours des périodes déflationnistes tandis que l’or avait tendance à se développer au cours des périodes inflationnistes.
Mais après la crise du crédit de 2008 — lorsque ni la déflation ni l’inflation n’étaient le sujet d’inquiétude du moment — ces deux classes d’actifs ont commencé à se suivre l’une l’autre, de manière plus proche que d’habitude. Elles sont devenues des actifs « sécurisés », plus que tout autre chose. Bien que très différents, ces deux actifs satisfaisaient un appétit particulier pour l’aversion au risque — de la même façon que le beurre et la baguette, bien que différents, satisfont tous deux un appétit pour le petit-déjeuner.
Que signifie donc le récent rally de l’or, étant donné le fait que les bons du Trésor chutent ?
Peut-être cela signifie-t-il que les investisseurs commencent à se préparer à un risque différent. Peut-être cela signifie-t-il que les investisseurs commencent à anticiper une réaction inflationniste soutenue à la crise de l’euro — que cette réaction réussisse ou pas — ou simplement une crise.
Autrement dit, soit les gouvernements européens sauvent l’euro par un effort massif inflationniste, soit ils échouent, auquel cas l’euro éclatera et la monnaie la plus fiable du monde deviendra l’ancienne monnaie : l’or.
C’est ce qu’on appelle « jouer à pile ou face ».