** Il faisait un temps magnifique à Londres hier. Nous nous sommes promené sur les bords de la Tamise et avons traversé le Waterloo Bridge pour aller à Covent Garden. Partout, les gens étaient assis sur l’herbe… à la terrasse des pubs… ou flânaient main dans la main. Tout le monde avait la même idée — profiter du beau temps avant qu’il ne disparaisse.
* L’an dernier aussi, Londres a eu un bel été. Mais nous étions absent, cette semaine-là ; nous l’avons manqué.
* Hélas, bon nombre des meilleures choses de la vie sont temporaires. Et heureusement, il en va de même pour les pires.
* Si nous étions d’humeur contemplative, c’était à cause des dernières nouvelles. Les marchés continuent de grimper. Le pétrole aussi. L’or se rapproche des 1 000 $. Le dollar chute.
* Ces tendances — sans parler de la hausse des matières premières et des actions partout dans le monde — poussent de nombreux investisseurs à penser que le beau temps est de retour, pour de bon. Les prix des actifs grimpent. Les investisseurs ont moins peur du risque. Alléluia ! Une colombe avec un brin d’olivier dans le bec !
* Bien entendu, c’est peut-être vrai. Mais notre conseil, cher lecteur, serait de prendre un parapluie malgré tout. Pour autant que nous puissions en juger, rien ne s’est passé qui modifie les grands schémas météorologiques qui ont commencé à se développer il y a deux ans. Tout le monde aurait pu voir venir les événements des années à l’avance. "Il faut s’attendre à des problèmes, quand la maison moyenne est plus chère que ce que peut se permettre le citoyen moyen", répétions-nous.
* Mais c’est uniquement lorsque la tempête a frappé le marché immobilier que les médias ont tendu l’oreille. Ensuite, pendant 40 jours et 40 nuits, la pluie est tombée sans discontinuer.
* D’abord, les revendeurs de maisons ont été pris de court. Ils étaient en pleine opération immobilière quand tout à coup, le vent a tourné et fait s’envoler leurs contrats. Les taux hypothécaires ont grimpé et les acheteurs ont disparu.
* Ensuite, les réajustements et les hausses de taux ont arraché la toiture du marché subprime.
* Puis le secteur immobilier tout entier a souffert — les constructeurs, les sous-traitants et les financiers.
* C’est alors qu’est arrivée la crise du crédit… lorsque les grands prêteurs et banques d’investissement ont réalisé qu’ils se trouvaient dans des eaux agitées. Leurs bateaux étaient inondés de dettes et de dérivés adossés aux prêts hypothécaires… et leurs capitaines étaient incompétents. Lehman a coulé. Wall Street a abandonné le navire. Et les autorités ont envoyé des secours.
* Fin 2008, tout le monde se mettait à l’abri. Les entreprises réduisaient leur personnel. Les banques resserraient leurs réserves. Les consommateurs restaient chez eux. Et General Motors faisait appel à des avocats spécialisés en faillites.
* Tous les prix chutaient — maisons, immeubles de bureaux, actions, matières premières… quasiment tout, sauf le dollar américain, les obligations américaines et l’or. Ces trois-là étaient considérés comme les seuls refuges pour les investisseurs malmenés par la tempête.
* Et voilà que le 9 mars 2009, une accalmie s’est faite sentir. A contrecoeur, les investisseurs sont sortis de leurs abris. Les cieux se sont éclaircis… le soleil s’est mis à luire. Depuis, le pétrole a grimpé de 53%. Les actions, partout dans le monde, sont en hausse de 30% environ.
* A présent… les gens disent que "le pire est passé".
** Nous, les météorologistes de la Chronique Agora, nous observons le ciel comme tout le monde. Mais nous relisons aussi les rapports des grandes tempêtes passées. Et nous remarquons une chose : l’actuelle ne ressemble pas aux ouragans des années 80 ou 90. Ca nous semble plutôt être un changement majeur des schémas météorologiques. Pour être plus précis, nous pensons que ça ressemble au Grand Ouragan des années 30. Vous vous souvenez de celui-là, cher lecteur ? Non ? Nous non plus, à vrai dire, mais nous avons lu les histoires. C’était un joli morceau. Et il a commencé… eh bien… exactement comme celui-ci ?
* En 1930, six mois après que le front orageux initial se soit éloigné, la production mondiale avait baissé de 15% environ. On en est environ au même chiffre aujourd’hui. Les marchés n’avaient perdu que 20% au milieu des années 30. Aujourd’hui, ils en sont à -35% par rapport à leurs sommets. Et le commerce mondial a diminué de 15% durant les six mois qui ont suivi l’arrivée du Krach de 1929. Aujourd’hui, il est en baisse de 25%.
* Une chose est notable : tout comme la Grande Dépression, le ralentissement actuel est mondial. Un effondrement du commerce mondial a suivi le Krach de 29. D’ordinaire, on en accuse deux gaffeurs protectionnistes du Congrès américain — Smoot et Hawley. Mais dans une vraie récession, le commerce ralentit quoi qu’il arrive. Le commerce mondial doit s’adapter à de nouvelles réalités… quelles qu’elles soient. C’est ce qui se passe à nouveau aujourd’hui.
* On remarque une autre chose : cet ajustement prend du temps… et mène les pertes bien plus loin… et bien plus profond… qu’on s’y attend. Le véritable plancher des années 30 n’est pas arrivé avant deux ou trois ans après le krach. Et il a fait baisser les actions, partout sur la planète, à environ 65% plus bas que leurs sommets. La production mondiale a chuté jusqu’au deux tiers de ce qu’elle était à la fin des années 20.
* Il a fallu plus de deux décennies et une guerre mondiale avant que la planète ne se remette sur pied.