** Nous approchons d’une phase que l’on pourrait intituler "et maintenant ?" dans le rebond de marché baissier entamé le 9 mars. Du côté positif, l’indice industriel Dow Jones a gagné 1 400 points depuis sa baisse du 6 mars. Du côté négatif, le Dow a perdu plus de 300 points depuis vendredi 17 avril.
– Les investisseurs acrophobes ont donc toutes les raisons de se demander si la Bourse avance sur les solides marches de granit des facteurs fondamentaux sous-jacents légitimes, ou s’il s’agit de jouer à "Coyote contre Bip-Bip" — lorsque le coyote se retrouve en haut de la falaise, sur rien de plus que de l’air, quelques secondes avant de tomber et de n’être plus qu’un petit nuage de poussière au fond du canyon.
– Nos fidèles lecteurs ne seront pas surpris d’apprendre que nous croyons plus au scénario "Coyote contre Bip-Bip" qu’au scénario des "facteurs fondamentaux sous-jacents"… et notre raisonnement pour cela est simple : il n’y a pas de facteurs fondamentaux sous-jacents.
– L’économie continue de se contracter à un rythme rapide, tandis que les signes de bouleversement du crédit continuent d’accélérer dans tous les coins visibles des marchés du crédit. Ces deux tendances virulentes agissent comme les deux côtés d’un étau — elles étouffent les capitaux d’investissement et les dépenses non essentielles. Ainsi, les bénéfices solides des entreprises qui pourraient justifié l’augmentation des prix des actions n’existent tout simplement pas.
– L’absence de justification fondamentale n’est pas nécessairement une sentence de mort pour un rebond boursier. La Bourse repose souvent sur le triomphe de l’espoir sur la substance. Qui plus est, la Fed injecte énormément de liquidités dans l’économie par le biais de divers intermédiaires du secteur financier. Ces liquidités se frayent un chemin jusque sur les marchés. Ainsi, même si ces liquidités artificielles ne sont pas des facteurs fondamentaux sous-jacents de la même façon que le serait une augmentation des bénéfices d’entreprises, elles représentent néanmoins une puissante influence réelle qui peut dépasser les tendances fondamentales négatives pendant un certain temps.
– Mais une fois que les effets de relance de la politique de la Fed se seront épuisés, que l’illusion de l’espoir se sera dissipée, les investisseurs se retrouveront enchaînés aux facteurs fondamentaux sous-jacents, pour le meilleur ou pour le pire. Et en ce moment, ces facteurs sous-jacents sont vraiment pires… et empirent encore.
** Jeudi dernier, un gros titre de Bloomberg News annonçait : "les prix de l’immobilier américain ont augmenté pour le deuxième mois de suite". Peu de temps après, un gros titre contradictoire est apparu : "les défauts de paiement des hypothèques ont augmenté de 19% en Californie, un record".
– Quel titre devons-nous croire ? Celui qui propose l’espoir de rémission ou celui qui apporte des preuves de la catastrophe ? Nous aurions tendance à croire les preuves plutôt que l’espoir — pas seulement parce que les preuves sont des preuves et l’espoir n’est que de l’espoir, mais parce que les preuves sont accablantes.
– Voyez plutôt ces faits : 1,18 million de maisons existantes ont changé de mains pendant les trois premiers mois de cette année aux Etats-Unis. 803 000 foyers américains ont reçu une lettre de saisie pendant cette même période. En d’autres termes, deux tiers des maisons qui ont été saisies sont également en dépôt fiduciaire. Si l’on y ajoute les foyers qui étaient en défaut de paiement de plus de 60 jours, on arrive à près de deux millions de foyers en défaut de paiement ou saisis. Ces chiffres ne témoignent pas d’un marché immobilier en rémission, quels que soient les calculs.
– La Fed voit les mêmes chiffres que nous. Elle voit la même crise que nous. Ce qui explique pourquoi la Fed injecte des liquidités dans l’économie de toutes les façons imaginables — et inimaginables.
– Nous espérons que cet effort va pouvoir parer à une crise plus grave que celle que nous traversons. Mais il est plus probable que la Fed relance la plus grande tendance inflationniste depuis les années 70.