▪ Les républicains continuent de refuser que soient rognés les exorbitants avantages fiscaux dont bénéficient les riches et les ultras-riches aux Etats Unis depuis 2003.
Les démocrates refusent toujours de mettre la pression sur les brasseurs d’argent pour que les milliers de milliards de dollars de liquidités que la Fed injecte depuis 30 mois aillent irriguer l’économie réelle.
Wall Street refuse toujours d’envisager que le ralentissement économique des six derniers mois puisse avoir la moindre conséquence négative pour les actions.
Les marchés américains ont replongé vendredi dans les délices de la dialectique qui prévalait au début de l’été dernier : plus les chiffres sont mauvais, meilleur c’est pour Wall Street.
Bien mal partis à l’entame des cotations, les indices américains ont réduit de deux tiers leurs pertes initiales. Le Dow Jones a cédé 0,5%, le Nasdaq 0,45% contre 1,3% en début de séance et terminé la semaine sur des scores globalement positifs.
Cela faisait des mois, voire des années, que les indices boursiers n’avaient pas à tel point fait le grand écart de part et d’autre l’Atlantique. Le score hebdomadaire se chiffre à +0,7% pour le Dow et +1,5% pour le Nasdaq. Pendant ce temps, l’Euro-Stoxx 50 a plongé de 2,8%, dont 1,9% pour la seule séance de vendredi.
Ne cherchez pas quelle bonne nouvelle a restauré un semblant de confiance dans l’économie américaine en début de soirée le 8 juillet car la réponse est : aucune ! L’absence du moindre coin de ciel bleu à l’horizon est paradoxalement l’explication du redressement inattendu des indices.
▪ Les chiffres de l’emploi américain étaient si mauvais — 57 000 nouveaux postes dans le privé, soit presque trois fois moins qu’en avril… tellement pires que prévus (125 000 anticipés alors qu’ADP en avaient dénombré 157 000 la veille, soit 100 000 emplois sortis de nulle part)… que Wall Street s’est remis à parier sur un QE3.
Le taux de chômage remonte vers 9,2%, au plus haut depuis décembre 2010. Les comtés et les municipalités licencient en masse ; l’impossibilité de rééquilibrer les comptes publics se solde par des situations de faillite retentissante de collectivités locales.
Les fonctionnaires américains sont renvoyés dans leurs foyers par dizaines de milliers chaque mois depuis avril, y compris en Californie. A ce propos, la notation de cette dernière vient d’être — tenez-vous bien — rehaussée par Moody’s en même temps que celle du Portugal était abaissée de quatre crans. Cela a provoqué le tollé que vous savez à Bruxelles et à la BCE.
▪ Face à la désillusion de vendredi sur le front de l’emploi, il ne fait déjà plus aucun doute pour certains accros à l’opium de la fausse mornifle que la Fed se prépare à inonder les marchés de liquidités. Elle ne peut rester les bras croisés face à d’aussi piètres statistiques et des preuves aussi évidentes de la poursuite du ralentissement économique.
Il est inutile de rappeler à Wall Street que le QE2 qui s’est achevé en juin n’a eu aucune efficacité pour relancer le marché du travail. La preuve en est que juin a été le plus mauvais mois depuis septembre dernier (le taux de chômage remonte à 9,2%, au plus haut depuis six mois).
Il ne semble venir à l’idée de personne qu’Alan Greenspan puisse avoir raison lorsqu’il affirme que Ben Bernanke ne lancera pas de QE3, parce que ça ne fonctionne pas, et que tout le monde le sait… sauf Wall Street.
Seule la Chine semble être à même de mettre son veto pour interdire que la Fed continue de démolir consciencieusement la valeur du dollar.
▪ Puisque nous nageons dans les paradoxes et les logiques tordues, les mauvaises statistiques américaines ont dopé le dollar vendredi soir. L’euro rechutait sous les 1,4250 $ : c’est le contrecoup mécanique du débouclement du carry trade.
En aucun cas la remontée du dollar n’est motivée par les promesses à caractère incantatoire de Tim Geithner selon qui les USA ne feront pas défaut.
Ils ne feront pas défaut, naturellement… Aucun journaliste n’oserait l’écrire, aucun politicien ne saurait l’admettre, aucun président des Etats-Unis ne pourrait tolérer que le Congrès ne parvienne à aucun compromis qui sauve les apparences.
Mais cela fait trois ans (ce qui nous ramène à l’été 2008) que nous subissons les conséquences désastreuses du sauvetage des apparences.
Si la population américaine semble incapable de révolte, si la Maison Blanche grouille de lobbyistes aux ordres de Wall Street, il existe une entité qui ne croit pas un mot des balivernes qui figurent à la une des journaux. Il s’agit des gestionnaires des 3 000 milliards de dollars de réserves de la Chine.
Le jour où Pékin décide qu’il ne lui sert plus à rien de faire semblant de considérer que l’Amérique est solvable, les déboires de la Grèce ou du Portugal cesseront d’être un souci !
1 commentaire
« Les chiffres de l’emploi américain étaient si mauvais […] que Wall Street s’est remis à parier sur un QE3. »
C’est l’histoire d’un toxio unijambiste et manchot à l’hôpital, tellement drogué qu’il se réjouissait même de la gangrène qui rongeait son pied gauche: « Je vais être amputé tout à l’heure, on me donnera encore plus de morphine pour tenir le coup! »
Ubuesque. Mais tellement dans l’air du temps.