Par Alexandra Voinchet (*)
Merci la Fed. Si le sauvetage de l’économie américaine n’est pas pour rassurer le contribuable, les producteurs de pétrole, eux, poussent un ouf de soulagement, avec un baril qui a dépassé le seuil psychologique des 50 $. Voilà que le brut renfile le costume de valeur refuge, qui lui seyait si bien au printemps dernier. La spéculation effrénée va-t-elle reprendre ?
L’an passé, l’effritement du billet vert a agi au premier trimestre comme un puissant stimulus sur les cours de l’or noir. Il témoignait de la montée de stress sur la santé américaine. La faiblesse de la devise américaine a rendu plus attractives les matières premières, négociées en dollars. "Les actifs libellés en dollar deviennent moins chers pour les détenteurs d’autres monnaies", expliquent Les Echos.
Le brut a attiré les spéculateurs, le pétrole devenant un placement financier en soi. La bulle a grossi, jusqu’à atteindre 150 $ le baril.
Rebelote, à cause, cette fois-ci, d’un mécanisme un peu différent. C’est la dernière tentative en date de sauvetage des finances de l’Oncle Sam qui a réveillé le pétrole. L’élément déclencheur a été le rachat par la Réserve fédérale américaine de plus de 1 000 milliards de dollars de bons du Trésor américain et de titres adossés à l’immobilier.
La Fed appelle ce bricolage financier de l’assouplissement quantitatif, ou quantitative easing en VO. Une méthode inventée par le Japon dans les années 90, qui intervient quand les baisses de taux ne suffisent plus à débloquer le marché du crédit. La Banque centrale fait alors marcher la planche à billets pour racheter ses propres obligations.
Qui dit émission de papier, dit augmentation du nombre de dollars en circulation et dévaluation de la devise. "Le jour où le dollar est mort", assène une étude de la banque Standard Chartered. "Les annonces de la Fed ont précipité le dollar dans une spirale baissière", écrit The China Daily. Le Dollar Index dévisse face à un panier rassemblant les plus grandes devises, prévient le site canadien LesAffaires.com, et pourrait enregistrer, sur une semaine, "sa plus grosse chute depuis l’abandon en 1973 du système de taux de changes fixes mis en place à Bretton Woods en 1944".
C’est une bonne chose pour le baril puisque, "comme le pétrole est acheté et vendu en dollars, une devise américaine faible rend le brut moins cher", poursuit The China Daily.
Les spéculateurs sont revenus sur l’or noir. "Revoilà la preuve du lien étroit entre le pétrole et le dollar", résume un analyste du Dresdner Kleinwort Group.
L’OPEP en rêve, le dollar le fait
Malgré la récession, "le cours du brut oppose une résistance impressionnante aux mauvaises nouvelles", écrit Isabelle Mouilleseaux, dans L’Edito Matières Premières et Devises. Ralentissement économique oblige, la demande marque le pas et les stocks grossissent. Les derniers chiffres du département de l’Energie américain en témoignent. "Les réserves sont à leur plus haut niveau depuis deux ans, alors que la consommation de carburant chute et que les raffineries réduisent leur cadence", rapporte Bloomberg. Même dans les pays émergents, la consommation de brut a ralenti, suivant les révisions à la baisse de croissance.
La remontée du brut n’est pas pour déplaire à l’OPEP. D’ailleurs, le cartel, qui fournit un tiers du brut mondial, n’a pas touché à ses niveaux de production lors de sa dernière réunion, mi-mars. La crise a mis un terme à la mainmise de l’organisation sur les prix de l’or noir. En novembre-décembre 2008, elle avait revu ses quotas à la baisse pour s’adapter à la demande mondiale. Fin 2008, le pétrole était pourtant tombé à 35 $ le baril.
Cette année, son cours devrait osciller autour des 50-60 $. Il existe un potentiel de rebond, qui offre des opportunités d’investissement. "Le brut commence à ressembler à un pari à faible risque", écrivent nos homologues londoniens de MoneyWeek.
Meilleures salutations,
Alexandra Voinchet
Pour la Chronique Agora
(*) Alexandra Voinchet est diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, dans la spécialité Médias. Elle est également titulaire d’un master de Presse économique de l’Université Paris Dauphine. Elle a travaillé dans la presse économique française, quotidienne et hebdomadaire, ainsi que pour la radio en Espagne. Après deux ans d’expérience en presse financière et boursière, elle a rejoint l’équipe du magazine MoneyWeek, et intervient régulièrement dans la lettre e-mail gratuite La Quotidienne de MoneyWeek.