** Bouclez votre carquois, cher lecteur. Mettez de la cire dans vos oreilles et attachez-vous au mât. Vous êtes sur le point d’être tenté.
* "Ne nous soumettez pas à la tentation", dit une célèbre prière. Les anciens savaient que nous sommes faibles. Ils savaient que nous ne pouvons pas résister. Ils ne priaient pas pour que nous disions "non" à la tentation. Ils savaient que cela ne se passerait pas ainsi. Ils imploraient plutôt le ciel d’éloigner la tentation de nous.
* Rien de tel qu’une petite tentation pour fluidifier les choses. Une roulette qui semble s’arrêter exactement où vous pensiez qu’elle le ferait… une jolie femme qui vous sourit dans le bus… un gâteau grand comme un sombrero et aussi riche que l’Eldorado — oh… que le ciel nous épargne !
* Mais la tentation la plus irrésistible, c’est celle d’obtenir quelque chose en l’échange de rien.
* "Les investisseurs recommencent à tâter le terrain boursier", rapporte un article de Reuters. "Même si les économies continuent de se contracter, les actions ont peut-être déjà commencé à tenir compte de la fin de la récession et du début d’une reprise".
* Le marché a montré un petit bout de sa cheville, ces derniers jours… nous faisant miroiter la perspective d’un peu d’amusement. Enfin — un rebond. Peut-être.
* Nous avons abaissé notre drapeau d’Alerte au Krach. Si nous avons raison, nous verrons les actions reprendre entre 20 et 50%. On entendra de plus en plus de gens parler de la fin de la récession… et d’un nouveau marché haussier.
* General Motors a annoncé ne pas avoir besoin de deux milliards de dollars supplémentaires, la semaine dernière. Deux des plus grandes banques des Etats-Unis ont dit être à nouveau dans le vert. Même les chiffres des ventes au détail n’étaient pas aussi épouvantables qu’on le prévoyait.
* Notre conseil est d’écouter poliment tout cela — mais de ne pas le prendre trop au sérieux. Nous vivons une dépression. Si elle suit les dépressions précédentes, il semblera, pendant un temps, qu’il ne s’agit pas d’une dépression… mais d’une récession, qui est même en train de s’achever.
** De nombreuses personnes — sans doute la plupart — pensent encore que la crise n’est qu’une pause pour un modèle économique sain par ailleurs. Les gens attendent que les renflouements fassent effet… et que le consommateur américain se remette à acheter. Tel est le voeu le plus cher, au passage, du gouvernement chinois. Les Chinois détiennent l’équivalent de 1 400 milliards de dollars d’actifs libellés en dollars américains. Ils s’inquiètent de voir leur bas de laine perdre de sa valeur. Sauf que jusqu’à présent, c’est la seule chose qui ne perd PAS de valeur.
* Les pauvres Chinois ont commencé à dépenser leur argent juste avant que les choses ne tournent mal. Quelques-uns de leurs accords prestigieux ont été mis à mal :
* "La Chine perd des milliards sur des paris boursiers avant l’effondrement des marchés", titre gauchement le Financial Times. A la fin juin 2008, les Chinois détenaient plus de 100 milliards de dollars de valeurs américaines. Un mauvais timing. Mais l’effondrement du marché boursier américain rend les autres positions en dollars chinoises plutôt attractives. Le dollar a grimpé. La leçon qu’ont retenue les Chinois est la suivante : la chose la plus sûre à faire, c’est de continuer à prêter à votre plus grand client fauché.
* C’est une stratégie dangereuse. Mais les Chinois pensent que s’ils offrent assez de crédit au consommateur américain, ce dernier reviendra dans leur boutique. Et Ben Bernanke, un autre rêveur, a déclaré la semaine dernière que la récession pourrait prendre fin cette année.
* Les actions vont probablement grimper pendant quelques mois. Les nouvelles économiques seront meilleures. Le Dow pourrait dépasser les 10 000. Nous serons alors tentés de penser que les autorités sont plus douées, pour réparer les choses, que ce que laisse supposer leur réputation. Nous serons tentés de penser que ces renflouages et ces subventions ont bien fonctionné… et que maintenant, plutôt que de tourner le dos à la tentation… nous pouvons y céder en toute tranquillité.
* Soyez prudent, cher lecteur. Soyez prudent.