** Dans la tempête de commentaires qui déferle sur le monde à la suite de ce tsunami financier qui détruit tout, deux simples petits mots sont curieusement absents : "fraude" et "escroquerie". Mais ne sont-ils pas au coeur de la situation ? Wall Street a entraîné le monde pour "une danse", mais maintenant, beaucoup des princes charmants d’antan se tournent cérémonieusement vers les services gouvernementaux américains pour "régler" le problème l’aide d’une "boîte à outils" contenant deux hypothétiques trillions de dollars. Cet étrange exercice de théâtre kabuki de la finance va cesser à un moment entre les élections et le jour de l’investiture, quand le lauréat se retrouvera lui-même dans la position de "Président des Etats-Unis de l’Economie aux Décombres Fumants". Que va-t-il se passer ?
D’abord, la soirée de la prise de pouvoir ressemblera plus à Halloween qu’autre chose, alors que ces deux petits mots viendront hanter le nouveau Président. Donc, la grande question est : qui sera nommé au poste de Ministre de la Justice (pour remplacer l’être insignifiant qui occupe aujourd’hui le fauteuil), et quand le service d’ordre, armé de filets à papillons de taille humaine, va-t-il commencer à parcourir les couloirs lambrissés de Goldman Sachs, LP Morgan, sans parler des milliers de salles des chaufferies des fonds de couverture de Greenwich ou du Connecticut ?
** Un scénario se dessine, selon lequel ces oiseaux ne savaient pas vraiment ce qu’ils faisaient quand ils se sont mis à préparer ce "gloubiboulga" de titres pour des trillions de dollars. Personne ne va avaler cette pilule – et sûrement pas dans la salle d’audience. M. Hank Paulson, par exemple, va devoir expliquer pourquoi sa compagnie, Goldman Sachs, a mis en place une division spéciale pour parier contre ses propres emprunts immobiliers. Il sera édifiant d’entendre leurs réponses.
Dans le même temps cependant, des millions de "Joe le plombier" auront déjà reçu leurs avis d’impayés, se seront enfoncés inexorablement vers la saisie, auront vu les huissiers reprendre leur 4×4 et vider leurs placards pour ne laisser qu’une boite de céréales. Ils vont regarder d’un oeil noir les procès en cours dans les salles d’audience, alors qu’ils se recroquevillent dans leurs campements de fortune, sous la pluie, en buvant un mauvais vin troqué contre quelques pigeons braconnés. Combien de temps encore avant que les plus téméraires ne s’avancent vers Easthampton armés de longs couteaux et d’allumettes ?
** Si le système financier achève son autodestruction – et la possibilité semble de plus en plus réelle – il y aura plusieurs conséquences assez terribles. L’une d’entres elles est que les Etats-Unis seront obligés de se déclarer en faillite en refusant d’honorer leur propre dette. Tous ceux qui cherchent refuge dans les bons du Trésor Américain se retrouveront dans la situation de ces gens qui se mettent à l’abri dans leur cabane de jardin pendant une tornade. Cela irait de pair avec une inflation massive des devises, qui suivra probablement la phase actuelle de déflation durant laquelle tous les actifs sont cédés en-dessous de leur valeur. Ce processus s’autorégule à cause des réserves limitées en actifs réellement vendables. Alors que des trillions de dollars sont injectés dans le système, les gens vont entrer en compétition pour des produits de première nécessité comme la nourriture ou le pétrole, avec des dollars soudain abondants mais inutiles. A un certain moment, le gouvernement devra peut-être mettre en place une nouvelle devise. Et n’importe quel "nouveau dollar" devra probablement être garanti par l’or.
Alors que nous nous découvrons fragiles, un de mes correspondant remarque : " cette économie factice de permutation des risques doit être remplacée par une économie à valeur nette." Cela signifie en fait fabriquer des choses, cultiver des choses, reconstruire des choses, et cela ne peut arriver que si nous ne nous laissons pas entraîner dans un conflit stupide avec d’autres nations qui risquent non seulement de nous réprimander sévèrement pour avoir détruit l’économie globale, mais aussi d’entrer en compétition avec nous pour des ressources réduites qui ne sont pas équitablement distribuées à travers le monde.
C’est particulièrement vrai pour le pétrole. J’espère que vous profitez des prix temporairement bas à la pompe, parce que c’est une simple conséquence de la levée de l’effet de levier qui a lieu en ce moment. Je pense que le pétrole et ses dérivés vont devenir beaucoup plus difficiles à obtenir dans les mois prochains – pas seulement plus chers, littéralement introuvables. Les prix à la baisse du pétrole d’aujourd’hui n’ont pas grand-chose à voir avec les fondamentaux de l’offre et de la demande. C’est une simple conséquence de la totale confusion des marchés. Nous fonctionnons avec les stocks actuels, et ils diminuent. En toile de fond, toutes sortes de choses étranges et terribles se passent. L’appareil d’allocation et de distribution dans son ensemble est mal fichu. Les opérations pétrolières les plus petites font faillite. Les nations "moins développées" sont en route pour un retour vers un quotidien moyenâgeux sans électricité. Les projets de développement et d’exploration pour des ressources difficiles à atteindre – comme les eaux profondes du Mexique, la Sibérie ou l’Asie Centrale – sont mis en suspens.
** En bref, les Etats-Unis pourraient se retrouver en position de pénurie et de rationnement. Cela tuerait ce qu’il pourrait rester de l’ancienne économie rutilante – ventes de hamburgers, visites des parcs à thème, et week-ends NASCAR – et mettrait aussi en lumière l’incongruité de nos modes de vie tournés vers des banlieues tranquilles (et y faire chuter la valeur de l’immobilier à prêt de zéro). Mon idée de restaurer le système ferroviaire américain peut sembler plutôt insignifiante face à cette situation, mais c’est au moins un pas dans la bonne direction : personnes et produits vont pouvoir transiter sans voiture ni camion ; des milliers de gens vont se mettre au travail à différents niveaux pour faire quelque chose de clair et de pratique ; et cela pourrait restaurer la confiance en la capacité de nos sociétés à accomplir quelque chose.