** L’Islande a fondu. Le gouvernement islandais s’est engagé à sauver le secteur bancaire — mais pour près de 500 000 $ par citoyen ! En Europe, à ce jour, le coût est estimé à environ 7 000 $ par citoyen. Cependant, les experts insistent sur le fait qu’une bonne partie de cet argent — prêté aux banques — reviendra au gouvernement.
* Et dans le reste du monde ? Qui sait ?…
* Le sujet est sur toutes les lèvres. Il a remplacé la météo au coeur des conversations quotidiennes.
* A la radio, les émissions de débats regorgent de récriminations, de conspirations et d’accusations. L’homme de la rue est comme un palmier dans un ouragan, se demandant pourquoi ça souffle si fort.
* Lundi, les vents ont changé de sens. Les marchés ont grimpé en flèche. Les gens ont levé les yeux et vu un rayon de soleil. Mais était-ce bien la fin de la tempête… ou simplement l’oeil du cyclone ?
* Puis les nuages sont revenus. Les autorités américaines ont annoncé qu’elles devaient procéder à une évacuation forcée. Le capitalisme devait quitter la ville — au moins temporairement. Neuf banques américaines ont été partiellement nationalisées.
* Le Financial Times a enregistré la scène, au département du Trésor US, alors qu’ils annonçaient la nouvelle au reste du monde :
* "Les Etats-Unis sont une nation forte. Nous sommes un peuple confiant et optimiste", a déclaré Hank Paulson, secrétaire au Trésor US.
* "Notre confiance est née de tous les défis que nous avons relevés au cours de notre histoire". Puis la réalité a montré son affreux visage : "il y a un manque de confiance dans notre système financier… cela représente une énorme menace pour notre économie. Les investisseurs ne veulent pas prêter aux banques, et les banques saines ne veulent pas se prêter entre elles". Les Etats-Unis sont-ils confiants ou terrifiés ? Apparemment, ils étaient confiants quant au fait qu’ils pouvaient cesser d’être terrifiés, mais uniquement si le gouvernement venait à la rescousse.
* Le croque-mort en chef, Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale, regardait devant lui d’un air sévère ; Sheila Bair, à la tête de la Federal deposit insurance corporation, hochait du chef de temps à autre. Tim Geithner, président de la Fed de New York, se tenait debout les mains dans les poches, le visage soucieux. Puis est venu le tour de M. Bernanke, qui a promis de faire tout ce qu’il fallait pour sauver le pays du désastre, tout en laissant échapper que l’intervention géante de mardi ne suffirait peut-être pas. Puis est arrivée Mme Bair, sa tête tout juste visible au-dessus de l’estrade dominée par M. Paulson, pour détailler les "mesures extraordinaires" prises par le gouvernement pour sauver ses banques.
* Secourir l’économie exigerait "un effort soutenu et coordonnée de la part des autorités gouvernementales". Les gens ont peut-être perdu confiance dans le secteur privé, mais pas dans le pouvoir des autorités fédérales de leur venir en aide. "Par-dessus tout, il ne doit pas y avoir de doute dans notre gouvernement".
* Ronald Reagan doit se retourner dans sa tombe, conclut le Financial Times.
* Mais le méfait a été commis sans un murmure de plainte. Les rares personnes enclines à murmurer ont été mises de côté et ignorées.
** C’est une "urgence" ; tout le monde le dit. C’est très bien de se lancer à l’aventure quand le soleil brille. Mais lorsque la tempête arrive, les gens cherchent un abri partout où ils peuvent en trouver.
* A quel point cette tempête sera-t-elle violente ? Nouriel Roubini, professeur d’économie à la NYU Stern School of Business : "la crise a été causée par la bulle d’actifs à effet de levier et la bulle du crédit les plus grandes de l’histoire de l’humanité, durant lesquelles l’excès d’effet de levier et de bulles n’a pas été limité à l’immobilier US mais concernait également l’immobilier de nombreux autres pays, ainsi que les excès d’emprunt par les institutions financières, certains secteurs économiques et le secteur public de nombreuses économies différentes : une bulle de l’immobilier, une bulle des prêts hypothécaires, une bulle des actions, une bulle des obligations, une bulle du crédit, une bulle des matières premières, une bulle de private equity, une bulle des hedge funds explosent toutes en même temps dans le deleveraging immobilier et financier le plus grand qu’on ait vu depuis la Grande dépression".
* "Actuellement, le train de la récession a quitté la gare ; le train de la crise financière et bancaire a quitté la gare. L’illusion selon laquelle la contraction des économies américaines et des pays développés serait courte et mineure — une récession en V durant six mois — a été remplacée par la certitude que ce sera une récession en U longue et prolongée qui pourrait durer deux ans au moins aux Etats-Unis et près de deux ans dans la majeure partie du reste du monde. Etant donné le risque croissant d’un effondrement financier systémique mondial, la probabilité qu’il en résulte une décennie de récession en L — comme celle qu’a vécue le Japon après l’effondrement de sa bulle boursière et immobilière — ne peut être écartée".
* "Pour l’instant, le risque d’un krach boursier imminent — comme la chute de 20% et plus en une journée des cours des actions US en 1987 — ne peut être écarté, causé par l’effondrement du système financier, alors que la panique et le manque de confiance dans quelque contrepartie que ce soit augmentent sévèrement et que les investisseurs ont totalement perdu confiance dans la capacité des autorités politiques à contrôler cet effondrement".
* "Un cercle vicieux de dénouement de positions, d’effondrement des actifs, d’appels de marge, d’une cascade de baisses de cours bien au-dessous des fondamentaux et de panique est en cours".
* Nous prédisions dans notre premier livre, L’inéluctable faillite de l’économie américaine, que si les Etats-Unis devaient répéter l’expérience japonaise, on pourrait s’attendre à voir les actions revenir à leur ligne de tendance de 1995, avec un Dow sous les 4 000 en 2012, au moment même où les baby-boomers américains auront le plus besoin de leur argent.
* Sortez vos bottes en caoutchouc, cher lecteur…