** Plus de monde chaque matin dans le métro, des nuits plus fraîches, nos bureaux qui se re-remplissent peu à peu, avec échanges chaque matin sur le thème du "alors, c’était bien les vacances ?"… Il règne comme un inéluctable parfum de rentrée, en ce moment.
Nos banquiers centraux se sont eux aussi remis au travail — et on peut dire qu’ils ont du pain sur la planche (à billets). Ils se sont réunis à Jackson Hole, histoire de discuter un peu de la situation actuelle.
Notre Jean-Claude Trichet national garde le cap : "nous sommes encore dans une correction du marché", a-t-il déclaré. "Ce qui a été fait jusqu’à présent a été bien fait, il me semble, compte tenu de circonstances très difficiles". Ma foi, si vous le dites…
Ben Bernanke a quant à lui tenté une nouvelle approche : le pessimisme lucide.
"Même si le fonctionnement de certains marchés s’est un peu amélioré, la tempête financière […] n’a pas encore diminué, et ses effets sur l’ensemble de l’économie deviennent apparents sous la forme d’un ralentissement de l’activité économique et d’une hausse du chômage", déclarait-il, cité dans Le Monde. Les Etats-Unis sont désormais dans "l’un des environnements économiques et de politique monétaire les plus difficiles jamais vus".
Félicitations, M. Bernanke, d’avoir saisi aussi vite les réalités de notre monde — cela ne fait jamais que depuis deux ans environs que les rédacteurs de la Chronique Agora parlent d’abord des risques de crise financière, puis de la crise financière, des conséquences de la crise financière et surtout de la "non-fin" de la crise financière. Mais passons. Pour une fois que Ben regarde la réalité en face, ne lui jetons pas la pierre.
** C’est aux investisseurs qu’il faudrait jeter la pierre, car une fois encore, ils n’ont entendu que ce qui leur convenait — à savoir que Bernanke trouvait "encourageantes" la baisse du pétrole (actuellement à 119 $ le baril de WTI) et la fragile vigueur du dollar (à 1,4737 $ pour un euro ce matin) actuelles.
Forts de cette annonce si retentissante, ils ont fait grimper les marchés de manière spectaculaire vendredi dernier.
Le CAC 40 a ainsi retrouvé le niveau des 4 400 points — de justesse –, grimpant de 2,23% sur la séance pour terminer à 4 400,45 points. A Londres, le FTSE s’adjugeait pas moins de 2,52%, tandis qu’à Francfort, le DAX grimpait de 1,70%.
Idem côté américain : le Dow Jones a grimpé de 1,73%, à 11 628 points ; le Nasdaq a terminé la semaine à 2 414 points, soit une hausse de 1,44% sur la journée de vendredi ; enfin, le S&P 500 s’est adjugé 1,73% de plus, à 1 292 points.
Ce sont les financières qui ont mené la danse — notamment grâce à Lehman Brothers et Merrill Lynch. Pour le premier, le salut est venu de Corée du Sud, où la banque publique Korea Development Bank a manifesté des velléités de rachat pour Lehman Bros. Pour le second, deux états américains vont mettre la main à la poche : Merrill Lynch "a annoncé jeudi soir avoir trouvé des accords avec les autorités de l’Etat de New York et du Massachusetts dans le dossier des obligations ARS, s’engageant à des rachats massifs pour un montant minimum de 12 milliards de dollars", annonçait La Tribune.
Warren Buffett est lui-même venu rajouter une cerise sur ce gâteau boursier en affirmant que les marchés boursiers sont actuellement "plus attrayants qu’il y a un an". D’accord… mais je serais prête à parier qu’ils le seront plus encore dans un an.
** Il suffit de regarder ce qu’on nous annonçait dans Le Monde la semaine dernière : "le gouvernement chinois serait sur le point d’annoncer un vaste plan de relance de son économie, d’un montant compris entre 20 milliards et 50 milliards d’euros. On croit rêver, surtout en Europe, lorsqu’on sait que le taux de croissance de la Chine a encore dépassé 10% au premier semestre, après avoir atteint 11,9% en 2007".
Mais voilà, 10%, ça ne suffit plus… "Des économies occidentales au bord de la récession, cela signifie des Américains et des Européens moins dépensiers et, donc, moins acheteurs de produits made in China", continue l’article. "Autrement dit, une catastrophe pour un pays dont l’expansion reste essentiellement tirée par les exportations. La désinvolture avec laquelle les banquiers occidentaux ont investi sur le marché des subprimes américains risque de mettre au chômage des dizaines de millions d’ouvriers chinois. Car, pour éviter de graves désordres sociaux, Pékin a besoin d’une croissance non pas seulement forte, mais très forte".
L’inflation fait des ravages dans l’Empire du Milieu, et les dollars pourraient bien cesser d’affluer dans les caisses nationales, ou tout du moins arriver à un rythme bien plus lent. Ainsi, la stagflation qui semble désormais se propager aux pays occidentaux menace aussi la Chine ; et les conséquences — économiques, mais aussi et surtout sociales — pourraient être explosives.
Mais où est le découplage quand on a besoin de lui ?
Françoise Garteiser,
Paris