Par Simone Wapler (*)
L’or est rentré en consolidation dans le sillage du pétrole, tandis que le billet vert… reverdit. Bref, le métal jaune déçoit ses croyants, il cède du terrain dans un contexte de relative euphorie des marchés.
Déception, car l’actualité du mois de juillet aurait du être favorable à l’or. Fannie Mae et Freddie Mac, les deux établissements qui assurent le refinancement et la garantie des prêts hypothécaires américains ont dû trouver d’urgence 95 milliards de dollars pour se recapitaliser [et cette semaine, on apprenait qu’une nouvelle recapitalisation serait peut-être nécessaire, ndlr.]. Les deux géants sont confrontés à une progression exponentielle des défauts de remboursement. Leur faillite entraînerait celle de nombreuses banques, même à l’étranger, notamment au Japon.
Les 95 milliards de dollars ont donc été trouvés. Après tout c’est moins de treize « kerviels », cinq milliards d’euros étant le montant parti en fumée à la Société Générale en raison des agissements du trader du même nom. Le kerviel est devenu notre unité de compte dans cette crise où le simple milliard apparaît comme une unité notoirement insuffisante.
Le vent du boulet sur le système bancaire américain
Pour envenimer les choses, la banque américaine IndyMac a été mise en faillite judiciaire. Certes, il s’agit d’une banque régionale de Californie. Mais rappelons que la Californie seule pèse plus lourd économiquement que la France. Bref, tout ceci aurait dû conduire à un exode massif vers la relique barbare.
Eh bien, non. Certes, les Américains se sont jetés sur les bullions et GLD, le plus gros des fonds d’or physique, en a rentré massivement dans ses coffres : 46 tonnes dans la seule journée du 11 juillet alors que l’once se négociait 960 $. Mais dès que la débâcle de Fannie et Freddie était repoussée, le dollar se ressaisissait, propulsé par le relâchement du pétrole.
Le pétrole à la rescousse du dollar
Une semaine exactement après l’alerte maximale sur le système bancaire, le prix du baril commençait à fléchir apportant un soutien inespéré au dollar. Les mêmes commentateurs qui hier noircissaient des pages pour expliquer que le pétrole irait toucher des cours de 150 $, 175 $, 200 $ se mettent à noircir de nouvelles pages pour expliquer que le pétrole va revenir à 120 $, 100 $, 80 $…
A quoi est dû ce reflux ? La Chine, qui s’était constitué un stock stratégique en vue des Jeux olympiques, freine ses achats. Par ailleurs, pour endiguer la pollution de l’atmosphère de Pékin, une partie des industries tournent maintenant au ralenti et la circulation y est limitée. Les autorités espèrent ainsi que l’air restera respirable pour les athlètes et visiteurs peu habitués au smog local.
De leur côté, les compagnies aériennes ont du mal à remplir leurs avions. Les Américains mettent la pédale douce sur l’accélérateur de leur 4×4 et la consommation qui alimente l’activité industrielle ralentit également.
Certains pays émergents revoient leur politique fiscale des carburants. Et enfin, l’OPEP serait parvenue à augmenter légèrement sa production. Les marchés ont donc repris une dose de tranquillisants. Chute du pétrole entraîne reprise du dollar qui elle-même implique chute de l’or. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
La Fed laisse ses taux inchangés
Regonflée à bloc, la Banque centrale américaine a annoncé le 5 août ne pas bouger son taux directeur. Enfin, regonflée à bloc est une figure de style. Car dans la réalité, la Fed est prise entre le marteau et l’enclume.
Si elle augmente ses taux, elle aggrave la récession, le nombre de défaillance des emprunteurs à taux variable, ceux-là même qui sont victimes des crédits hypothécaires subprime. Elle les laisse donc intact tout en admettant que les risques d’inflation constituent « une préoccupation significative ».
En pratique ce rebond des marchés actions, du billet vert et cette accalmie des cours du pétrole semblent bien être un « chant du cygne », un calme avant la tempête, un peu d’opium avant les affres de l’agonie. Sans être rabat-joie, il convient de dresser avec réalisme un autre tableau.
L’inflation gronde, la masse monétaire gonfle
Plus de 50 pays affichent maintenant une inflation à deux chiffres, même chez nous à l’est de l’Europe (Russie 15%, Ukraine 29%). La décrue du pétrole devra être nettement supérieure et beaucoup plus durable pour enrayer la tendance. Les liquidités mondiales s’élèveraient désormais à 74,5 mille milliards de dollars : actions, obligations, dépôts en banque. Elles ne cessent d’augmenter, malgré la récession qui s’installe dans les pays riches.
Et d’où viennent donc les milliards injectés dans Fannie et Freddie si ce n’est d’un preste maniement de planche à billets ? Les déficits budgétaires de la plupart des pays européens sont désormais en dehors des critères de Maastricht. Encore un maniement de planche à billets.
Lors des chocs pétroliers des années 1970, les banques centrales ont été en retard pour enrayer l’inflation. C’est ce qui a poussé l’or à son paroxysme. Aujourd’hui, il en est de même : les banques centrales tardent à prendre les mesures susceptibles d’endiguer l’inflation.
Mais la situation est encore plus grave que celle de la fin des années 1970, pour deux raisons :
– le pétrole ne reviendra pas à ses cours antérieurs car la loi de l’offre et de la demande devient implacable : plus de demande en face de moins d’offre ;
– toute hausse de taux de la Banque centrale américaine ne peut que plonger le système financier dans le chaos.
Mais le pétrole n’ira pas beaucoup plus bas et ne retrouvera PAS son niveau de 2007 (60 $ le baril). L’or ne devrait pas non plus aller beaucoup plus bas et son potentiel de hausse reste à 2 000 $ (1 275 euros).
Renforcez-vous en or tant qu’il est encore temps. Le potentiel haussier à long terme de l’or reste intact. Les risques de ne pas en avoir sont largement supérieurs à ceux auxquels on s’expose en en possédant. Supposez un instant que les épargnants décident seulement de placer 2% de leurs avoirs en or. Un tout petit 2% des 74,5 mille milliards de dollars de masse monétaire mondiale. Cela conduirait à 1,5 mille milliards de dollars de demande d’or. Soit 1,6 milliard d’onces. En face, la production minière totale est inférieure à 80 millions d’onces.
Meilleures salutations,
Simone Wapler
Pour la Chronique Agora