La Fed ne peut plus que passer les taux de 2,5% à 0%. Pas certain que cela soit suffisant pour regonfler les bulles, comme le prouve l’expérience japonaise.
Deutsche Bank rapporte que 89% des placements sont dans le rouge dans le monde pour l’instant en 2018 – exprimés en dollars.
Est-ce une opportunité d’achat ?
C’est en tout cas ce que doit se dire le conseiller économique Larry Kudlow :
« L’économie est dans une forme incroyable. Nous connaissons un boom économique. Les gens pensaient que ce serait impossible. La réalité, c’est que nous faisons feu de tout bois. Les profits grimpent, la confiance augmente, les [emplois] cols bleus sont en hausse, les salaires sont en hausse »…
Mais les actions chutent. Dans le monde, quelque 5 000 milliards de dollars ont été supprimés de la valorisation boursière. Le S&P 500 est 10% inférieur environ à son sommet de septembre. Et les FAANG — les principales valeurs technologiques — ont perdu 25% ou à peu près.
Tout de même, il reste du chemin à parcourir.
L’indicateur favori de Warren Buffett mesure la relation entre la capitalisation boursière totale (toutes les actions additionnées) et le PIB. Elle est actuellement à des sommets record, à peu près à égalité avec le grand marché de bulle de 1999.
Les actions aujourd’hui sont équivalentes à 180% du PIB environ. Le Dow devrait chuter de 60% pour revenir à la normale.
Le Dow Jones bientôt à 10 000 ?
Il y a un autre moyen plus indirect d’envisager les choses : comparer la valeur nette du patrimoine des ménages américains (qui comprend l’immobilier, les obligations et les actions) avec la production nationale.
Dans la mesure où l’immobilier, les objets de collection, l’art, les obligations et à peu près tout le reste ont substantiellement grimpé, ce ratio est à un nouveau sommet record — à cinq fois le PIB.
Les actions (et autres actifs) devraient chuter de 30% environ pour retrouver la moyenne historique.
Un autre calcul encore examine le nombre d’heures qu’une personne moyenne devrait travailler pour acheter le S&P 500.
En 1980, par exemple, il ne fallait que 20 heures de travail pour acheter les 500 actions de l’indice.
Aujourd’hui, il faut 100 heures de plus — 120 au total, un nouveau record. La moyenne depuis les années 1960 est d’environ 50.
Cela implique un recul des cours de 60% environ. En d’autres termes… Dow 10 000, nous voilà !
Le retour du « put Greenspan »
Mais pas d’inquiétude. Les investisseurs pensent qu’ils sont le soutien de la Fed et de la Maison Blanche.
Vous vous souvenez du fameux « put Greenspan » ?
L’idée, développée après le krach de 1987, était que la Fed de Greenspan viendrait à l’aide des investisseurs boursiers et empêcherait toute perte permanente. Les prix pouvaient chuter de manière soudaine et sévère — la Fed ne tardait pas à venir à leur rescousse.
Fin des années 1980/début des années 1990, par exemple, la Fed a réduit le taux directeur de 700 points de base — 7% –, engendrant la bulle boursière de la fin des années 1990.
Ensuite, après l’inévitable effondrement des dot.com, Greenspan s’est précipité une fois encore.
Le taux directeur de la Fed fut réduit de 500 points de base, soit une augmentation sans précédent de la dose d’alcool versée dans le bol de punch. Cela fonctionna : la fête de l’argent facile ne tarda pas à reprendre de plus belle.
Le successeur de Greenspan, Ben Bernanke, utilisa à nouveau ce tour de magie après l’effondrement des actions en 2008-2009. Cette fois-là, il partit d’une position plus basse, avec seulement 500 points de base restant à réduire.
En panique, il les élimina jusqu’au dernier… atteignant le zéro. Il augmenta également la masse monétaire de la Fed — en inventant près de 4 000 milliards de dollars de nouvel argent pour acheter des obligations.
Une fois encore, le remède fonctionna — dans le sens où il regonfla la bulle.
Les investisseurs pensent donc probablement qu’un autre gros retournement sera suivi d’une autre grosse opération de sauvetage.
Ils ont peut-être également raison de penser qu’ils ont désormais le président des Etats-Unis d’Amérique de leur côté, en plus de la Fed.
Le président T. sait qu’il serait le principal perdant d’un marché baissier. Sa réputation de génie financier serait ruinée. Sa carrière politique (et notamment ses chances de réélection) serait finie. Sa fortune personnelle ne s’en sortirait pas très bien non plus.
Trump fera tout son possible pour que les prix continuent de grimper à Wall Street — y compris mettre la pression sur la Fed pour qu’elle baisse les taux… annoncer un accord commercial fantôme avec la Chine… accumuler de gigantesques déficits… réduire les impôts… ou simplement vanter les mérites de l’économie avec son mélange habituel de vraies rodomontades et de faux chiffres.
Mais cette fois-ci, il ne sera peut-être pas si facile de relancer la fête.
Retour en territoire négatif
Pour commencer, la Fed n’a que 225 points de base avec lesquels travailler. Elle peut les réduire ; ensuite, elle sera en territoire négatif.
Cependant, dans la mesure où l’inflation est à 2,5%… elle est déjà en territoire négatif, en termes réels.
Plonger encore plus profondément pourrait avoir des conséquences très étranges, voire fâcheuses. La Fed se méfiera… mais elle le fera quand même, comme nous le verrons.
Quant au président, il réagira lui aussi comme prévu. Il inventera son propre programme de relance — concentré sur des usines à gaz pour les infrastructures.
Mais lui aussi est en position de faiblesse. Les autorités fédérales enregistrent déjà un déficit de 1 200 milliards de dollars. A la pensée de déficits à 2 000 milliards de dollars, elles vont avoir des vapeurs.
Cela ne les arrêtera pas, bien entendu… mais les déficits supplémentaires feront grimper les prix à la consommation, et provoqueront sans doute une forme de stagflation dans l’économie.
La dette grimpera en flèche. La croissance s’affaissera.
[NDLR : Etes-vous prêt àl’inévitable crise qui s’ensuivra ? Voici les mesures à mettre en place aujourd’hui.]
Et qu’en est-il des actions ? Grimperont-elles aussi à mesure que Trump et Powell mettent leurs propres puts en place ?
Pas nécessairement. Les Japonais avaient plein de puts eux aussi, et ils les ont tous utilisés après l’éclatement de leur bulle en 1989. Pourtant, le Nikkei ne s’est jamais remis : il est toujours 30% plus bas — 30 ans après !