Trois éléments pourraient se combiner aux Etats-Unis pour provoquer une crise sans précédent sur les marchés… et c’est sans compter avec les menaces dans le reste du monde.
Aujourd’hui, observons de plus près la nouvelle tempête sans nom – et voyons les trois principaux éléments déclencheurs potentiels : la destitution, le chaos électoral et le Spygate.
Première tempête : la destitution
[…] Une procédure de destitution initiée par la Chambre des représentants à l’encontre d’un président n’est qu’une première étape pour lui faire quitter ses fonctions. La seconde étape est un procès devant le Sénat, exigeant une majorité des deux tiers (67 votes) pour que le président soit démis de ses fonctions. Deux présidents ont fait l’objet d’une procédure de destitution mais ni l’un ni l’autre n’a été démis de ses fonctions. Nixon a démissionné avant d’être destitué.
Si la Chambre destitue Trump, le résultat sera le même. Le Sénat est solidement contrôlé par les républicains (53 sur 100) et il n’existe aucune possibilité que 20 républicains fassent défection pour obtenir les 67 votes permettant que Trump soit démis de ses fonctions. Par conséquent, la procédure de destitution initiée par la Chambre des représentants ne serait « que pour la galerie ». Mais ce spectacle pourrait être très préjudiciable et créer une énorme incertitude sur les marchés. […]
Deuxième tempête : l’élection de 2020
Désormais, 24 candidats se sont déclarés dans le cadre de la primaire démocrate. Cela dépasse l’abondante liste de candidats républicains en lice lors de la course de 2016, et tout ce qu’ont pu connaître les démocrates auparavant. L’élection présidentielle de 2020 n’est pas une course hippique. Elle s’apparente plutôt au marathon de New York.
[…] La liste des démocrates ressemble à un peloton d’exécution circulaire constitué de candidats s’attaquant mutuellement pour prouver qu’ils peuvent battre Trump. Ironie du sort, leur tendance à pencher à gauche rend Trump plus séduisant aux yeux des électeurs centristes. Trump est en passe de se faire réélire en 2020. Mes modèles estiment que ses chances de victoire sont actuellement de 63%, et qu’elles augmenteront à mesure que le jour de l’élection arrivera.
Une récession serait le seul événement susceptible de faire « capoter » sa réélection. Or les probabilités qu’une récession survienne avant l’élection de 2020 sont inférieures à 40%, et elles vont se réduire au fil du temps.
Voici ce que déclare l’économiste Robert Barro, dans un article paru dans Project Syndicate le 29 avril 2019, à propos de l’impact de la baisse d’impôts de Trump :
« Lorsque nous avons calculé son impulsion globale sur la croissance à court terme du PIB, nous avons obtenu une estimation de 1,1% par an pour 2018-2019. En additionnant cela à une prévision de croissance de base de 2% (reflétant les opinions consensuelles contemporaines et l’histoire récente), nous avons estimé que l’effet incrémentiel produit par la loi fiscale 2017 signifiait une prévision de croissance du PIB réel de 3,1% par an pour 2018-2019.
Franchement, bien que le facteur chance compte énormément, en l’espèce, c’est la meilleure prévision de croissance que j’aie jamais réalisée. De plus, le pronostic de l’effet incrémentiel de la loi de 2017, que nous avons estimé début 2018, se démarque des pronostics de récession établis par de nombreux économistes. »
La persistance d’une croissance réelle ne serait-ce que de 2,5% (inférieure à ce que prévoit Barro) suffirait à assurer la réélection de Trump. Il va maintenir la pression sur la Fed pour qu’elle ne relève pas les taux d’intérêt et fera en sorte que la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine « atterrisse en douceur ».
Cela peut donner l’impression qu’il s’agit d’un scénario économique trop optimiste. Mais pour les démocrates, il n’est pas trop optimiste. Chaque bonne nouvelle économique fera monter d’un cran les règlements de compte politiques visant Trump. Une course prolongée lors des primaires démocrates provoquera un regain de mitraille au sein du peloton d’exécution circulaire, et peut-être une convention au cours de laquelle personne ne gagnera au premier tour.
Sur les marchés, cette combinaison néfaste de lutte interne entre candidats et de lutte partisane visant Trump serait une nouvelle source d’incertitude et de volatilité jusqu’au jour des élections de 2020 (le mardi 3 novembre), et bien au-delà.
Troisième tempête : le Spygate
Celle-ci est la tempête la plus dangereuse et imprévisible de toutes. Elle fait intervenir la responsabilité des individus impliqués dans la tentative de coup d’Etat visant le président Trump. Le rapport Mueller met fin à toute allégation de collusion, conspiration ou obstruction à la justice impliquant Trump et les Russes. Il n’y a tout simplement aucune preuve étayant les théories de collusion et de conspiration, et pas assez de preuves étayant la théorie de l’obstruction. […]
La véritable enquête démarre maintenant. Qui a autorisé une enquête du contre-espionnage sur la campagne de Trump, pour commencer ?
Est-ce que la surveillance de la campagne de Trump par les renseignements américains (CIA, NSA et FBI) a débuté avant que les mandats de perquisition n’aient été obtenus ? Sur quelle base ? Cette surveillance était-elle légale ou illégale ? Ce ne sont que quelques questions parmi tant d’autres qui feront l’objet d’une enquête, et auxquelles il faudra répondre au cours des prochains mois. […]
Un regain de chaos…
Comment ces trois tempêtes – la destitution, les élections de 2020 et le Spygate – convergent-elles pour créer une tempête du siècle ?
D’ici le mois de novembre 2019, la procédure de destitution devrait être bien engagée, sous forme d’auditions ciblées se déroulant à la Chambre des représentants. Les débats démocrates autour de la présidentielle de 2020 (démarrant en juin 2019) vont être très vifs. Les contre-attaques de Trump visant le FBI et la CIA pourraient atteindre des sommets, en fonction des révélations et inculpations effectives.
La procédure de destitution et la vengeance de Trump représentent un contexte diamétralement opposé à la situation de 2016. Les démocrates vont continuer à affirmer que Trump « n’est pas apte aux fonctions de président ».
Trump va continuer à se plaindre que le gouvernement Obama et le Deep State ont conspiré pour le déstabiliser et remettre en question sa légitimité. Les candidats de 2020 devront prendre position (même s’ils préfèreraient débattre de questions politiques).
Il n’y aura aucune échappatoire. L’amertume, les rancœurs et les fuites seront incontrôlables.
L’une de ces tempêtes pourrait créer suffisamment d’incertitudes pour que les investisseurs vendent leurs actions, lèvent des liquidités et bottent en touche. Une conjonction des trois les pousserait à prendre leurs jambes à leur cou. Voilà notre mise en garde, pour les investisseurs.
Sans compter ces autres éléments…
Dans un contexte de tempête du siècle, les investisseurs doivent prendre en compte ces autres facteurs de déclenchement :
- Les Etats-Unis se rapprochent d’une date spécifique dite « X-Date ». Il s’agit de la date à laquelle le Trésor va arriver à court d’argent pour payer les factures, notamment les intérêts sur les bons du Trésor américains. En ce moment, ce jour devrait arriver mi-juillet, mais personne n’en est vraiment sûr. Le plafond de la dette a été atteint il y a plusieurs mois, mais le Trésor s’est appuyé sur ce que l’on qualifie de « mesures extraordinaires » pour payer les factures (comme quand on cherche de la menue monnaie enfouie dans les coussins du canapé pour régler le pourboire du livreur de pizza qui frappe à la porte). Le Trésor sera donc bientôt fauché.
- Trump veut toujours financer le mur à la frontière mexicaine, et les démocrates refusent toujours de lui accorder ce financement. Cette lutte n’est pas révolue mais seulement suspendue, pour l’instant.
- Les Etats-Unis pourraient s’exposer à un nouveau shutdown le 30 septembre prochain (fin de l’exercice budgétaire américain). Le seul remède, ce sont les appropriation bills [NDLR : lois affectant des fonds à des services publics spécifiques] ou une résolution de continuité (mais on peut en douter, sans financement du mur). Attendez-vous à un nouveau shutdown.
Imaginez que le gouvernement soit en situation de shutdown alors que le Trésor est fauché. Ce serait également une véritable triple tempête du siècle, en soi.
Bien entendu, ces trois événements sont tous liés. Cette X-Date et la fin de l’exercice budgétaire offrent tous deux un levier à Trump en vue d’obtenir de l’argent pour financer le mur. Mais cette politique de la corde raide présente un risque de défaut ou de shutdown.
De plus, nous nous exposons à toute une série de catalyseurs de crise internationale :
- Guerre commerciale Etats-Unis/Chine ;
- remplacement de l’ALENA par l’ACEUM ;
- tarifs douaniers sur les voitures européennes ;
- confrontations avec la Chine à propos de Taïwan et/ou de la mer de Chine méridionale ;
- sanctions russes ;
- sanctions iraniennes ;
- Israël, le Hamas et Gaza ;
- crises de la dette en Turquie, Argentine, Chine ;
- récession en Europe.
Tout cela est bien réel. Et tout arrive ou va bientôt arriver. En attendant, la complaisance, le mode risk-on et une faible volatilité règnent.
Comme dit la chanson : « Don’t worry, be happy » (ne vous inquiétez pas, soyez heureux)…