▪ La Suisse a lâché l’euro. La Banque nationale suisse a brutalement renoncé à enchaîner le sort de son franc à celui de l’euro au mépris des marchés. Résultat : une réévaluation de 20% en un jour. Pour l’Allemagne, ce qui se déroule en Suisse est une expérience in vitro de ce qui pourrait lui arriver. Car avec six élections à venir en Europe, le sort de la monnaie unique devient de plus incertain ; le retour au deutschemark se solderait probablement par une réévaluation du même ordre.
L’euro n’est plus soutenu par la BNS et il l’est de moins en moins par les peuples d’Europe.
D’un côté, les partis extrémistes des pays à monnaie traditionnellement faible, dont la France. Pour eux, l’euro fait souffrir les populations, l’austérité — qui consiste à distribuer ce qu’on a et non pas de l’argent emprunté — doit être rejetée.
Il est bon de se souvenir qu’à l’avènement du nouveau franc en 1958, un franc suisse valait un franc français. Le nouveau franc consacrait une dévaluation d’environ 99% puisque 1 NF valait 100 F. Au 1er janvier 2002, le franc s’efface face à l’euro et quitte le franc suisse à la parité de 4,37. La dérive du faible franc français se poursuivait donc.
Toutefois, une monnaie forte est à long terme loin d’être le désastre épouvantable décrit par les keynésiens et les monétaristes. Vous pouvez le constater très simplement en comparant l’évolution du PIB par habitant.
Source TradingEconomics.
Dans les deux cas, il s’agit d’une comparaison dite en parité pouvoir d’achat.
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Les pays riches ont une monnaie forte tandis que les pays à monnaie faible bradent la valeur ajoutée de ce qu’ils produisent |
Les dépenses (PIB) par habitant ont évolué tout aussi favorablement en France qu’en Suisse mais ce graphique ne nous dit pas tout. La France a acheté son niveau de vie à crédit, pas la Suisse. L’endettement de la France atteint 92,2% de son PIB alors qu’il n’est que de 35,4% pour la Suisse. La balance commerciale de la France est dans le rouge alors que celle de la Suisse est dans le vert. D’une façon générale, les pays riches ont une monnaie forte tandis que les pays à monnaie faible bradent la valeur ajoutée de ce qu’ils produisent.
Les partis frondeurs des pays à tradition de monnaie forte ne supportent plus cet acharnement des Etats qui persistent à financer leur redistribution par le déficit, la dette et la dévaluation. Ils n’entendent pas solder leurs produits à forte valeur ajoutée, le travail de leur population. Les motifs et les objectifs des partis anti-euro que compte l’Europe sont, comme vous le voyez, antagonistes.
L’Allemagne et les pays qui respectent la règle d’or budgétaire savent très bien que leur monnaie serait réévaluée comme celle de la Suisse si l’euro se disloquait. Tentés de faire comme la Suisse, ils vont prendre la mesure des retombées de cette réévaluation dont la brutalité n’est due qu’à la durée de la répression qui l’a précédée.
▪ Des divergences qui pourraient mener à l’éclatement
Sur le site financier du Blog à Lupus, figurait un sondage intéressant dont voici les résultats recueillis le 16 janvier. La question était : "et vous quel type d’Europe souhaitez-vous ?"
Soyons clair : le Blog à Lupus n’est pas le genre de site fréquenté par les sans-dents et les vaincus de la mondialisation tentés par des votes extrémistes. Ce sondage montre que des investisseurs spéculent désormais sur la fin de l’euro et même la souhaitent.
Il va y avoir six élections en Europe en 2015 — dont celle de la Grèce. L’Allemagne sait que la Grèce ne remboursera pas le principal de sa dette et serait prête à négocier cette troisième faillite mais elle ne supporte pas le retour au déficit prôné par Syriza, déficit financé par les contribuables allemands.
Le 19 janvier, des rumeurs relayées par le Financial Times propagent l’idée que chaque banque centrale de la Zone euro puisse racheter la dette de son propre pays. En clair des euros seraient imprimés pour verser les allocations et transferts sociaux des pays déficitaires.
M. le Marché aurait la parfaite traçabilité de qui et pour combien et saurait que c’est "sans garantie de l’Allemagne". Les taux d’emprunt recommenceraient à diverger et ce serait le retour à la case 2012. Le 21 janvier, veille de l’annonce de Mario Draghi, selon une fuite en provenance de la Banque centrale européenne, relayée par The Wall Street Journal, le QE à l’européenne s’élèverait à 50 milliards d’euros de rachat par mois durant au moins un an.
La survie de l’euro en 2015 semble donc délicate tant les aspirations sont divergentes |
La survie de l’euro en 2015 semble donc délicate tant les aspirations sont divergentes. L’économie du crédit vivrait-elle ses dernières heures ? La Suisse le pense probablement. L’Allemagne semble le penser aussi et rapatrie son or ; en 2014, 35 tonnes ont été relocalisées en provenance de Paris, 85 tonnes en provenance de New York. Les Pays-Bas ont rapatrié leur or en 2014. 2015 sera-t-elle l’année du big reset monétaire dont parlait Christine Lagarde à Davos en janvier de l’année dernière ?
Une chose est certaine, ce big reset sera violent. On peut imaginer toutes les fantaisies monétaires, dans l’économie réelle, on en revient toujours à échanger quelque chose contre autre chose de plus tangible qu’une promesse de payer peut-être. Dans ces conditions et avec des taux d’intérêt négatif sur les "promesses de payer peut-être" que représentent des obligations souveraines, il n’est pas surprenant que l’or monte.
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1 commentaire
Quelle belle analyse, merci beaucoup ! C’est intéressant de faire un parallèle avec la Suisse. Je ne pense pas que l’euro soit pour le moment véritablement sous évalué, alors que le CHF est quand même très fort. Et ce n’est pas parce qu’il y a le mot « fort » que cela est positif pour le pays. Les entreprises suisses qui sont à majorité exportatrices (avec des coûts de main d’oeuvre en CHF) comme l’horlogerie, la banque ou encore la pharmacie sont vraiment pénalisées par le CHF. Je suis bien curieux de voir vers où l’on converge. Et le vote grec de ce week-end nous apportera encore bien des réponses…