▪ De nombreux lecteurs ont décelé dans ma Chronique de mercredi ce qui pourrait s’apparenter à des parcelles d’optimisme au sujet des actifs boursiers.
Je les assume !
Non pas que j’entrevois un avenir radieux pour l’Amérique ou la vieille Europe… ni une accélération de la croissance dans les émergents (leurs principaux clients, c’est nous). Mon optimisme ne porte que sur la possibilité de voir certains titres bénéficier prochainement d’une valorisation moins absurde qu’elle ne l’est aujourd’hui, même au lendemain d’un rebond de 3,5% des indices dans la Zone euro.
Après Bouygues et Valéo, d’autres vedettes du marché parisien pourraient faire l’objet de programmes de rachats d’actions, à des cours supérieurs de 30 à 50% par rapport à ceux qui se pratiquent actuellement.
N’oublions pas la possibilité que des groupes asiatiques — qui croulent sous les dollars en excédent — pourraient convertir cette manne en actifs boursiers offrant des rendements souvent supérieurs à 5% (et parfois le double) sans risquer de voir un ralentissement économique amputer les dividendes.
Personnellement, je suis incapable de prendre le risque de vendre à découvert une entreprise qui présente une décote de 25% par rapport à ses cash-flows ou dont la capitalisation s’avère inférieure à sa trésorerie.
C’est probablement ce qui représente la vraie « supériorité » des robots de trading algorithmique par rapport aux analystes financiers et aux gérants de la vieille école. Ils sont capables d’aller chercher des écarts à la baisse là où pas un opérateur sensé n’oserait se mettre vendeur (ou acheteur trois mois auparavant) !
Ils misent sur un phénomène d’auto-censure que s’imposent les acheteurs potentiels lorsqu’ils sont confrontés à des cours idiots. Le marché sait peut-être quelque chose que nous ignorons. Gardons-nous d’opérer à l’aveugle si les graphiques hurlent de rester à l’écart
Ceci illustre le fameux principe selon lequel « la queue finit par remuer le chien ».
Ce sont les cours qui induisent des interprétations confortant la tendance sous-jacente, dès lors que leur comportement déjoue la logique commune et contredit l’information disponible.
Dans ces périodes de perte de repères et de stress extrême que nous connaissons depuis six semaines, la plupart des opérateurs choisissent d’avoir tort avec tout le monde plutôt que raison tout seul. Or nous traversons une période de pessimisme contagieux et de surenchère dans le catastrophisme qui nous rappelle les heures les plus sombres de l’automne 2008.
▪ Parmi une foule d’arguments à l’emporte-pièce entendus ces dernières 48 heures, il y a le fameux « septembre est l’un des pires mois pour investir en Bourse », ou encore « les actions sont encore trop chères par rapport aux ratios observés lors des krachs de 2002 et 2008 ».
Mais avez-vous constaté le moindre krach à Wall Street cet été ?
Avez-vous entendu Angela Merkel affirmer que l’Allemagne ne versera pas le premier centime des sommes promises à la Grèce fin juillet ?
Nous savons tous que cela ne sauvera pas Athènes d’un défaut partiel sur sa dette.
Mais les places européennes doivent-elles perdre plus de 25% lorsqu’un pays qui représente 5% du PIB de la zone économique concernée représente une « ardoise » potentielle de 180 milliards d’euros ? Ce scénario tient compte d’une hypothèse avec une décote maximum de 50% sur l’ensemble des dettes en circulation, ce qui ne sera de toute façon pas le cas… Trouvez-vous logique que les marchés européens soient autant pénalisés alors que des pays comme l’Allemagne ont dégagé 155 milliards d’euros d’excédents commerciaux en 2010 — et de combien de milliards d’euros face à la Grèce ?
▪ Les Grecs ont triché sur l’état de leurs finances, ils trichent avec le fisc. Nul n’ignore que tout ou presque se règle en liquide sur l’ensemble du territoire hellénique et que les terminaux permettant les paiements électroniques sont quasiment absents dans les îles touristiques.
L’air salé de ces bouts de terre paradisiaques ne convient peut-être pas à ces fragiles instruments à clavier… A moins que l’établissement des communications téléphoniques avec les réseaux bancaires ne soient aléatoires lorsque l’on est si loin de tout… et surtout des fonctionnaires du ministère des Finances grec qui, c’est bien connu, n’ont pas le pied marin !
Existe-t-il un seul haut responsable à Bruxelles ou à Francfort qui ignore ce que le moins observateur (ou le plus naïf) des touristes ayant effectué un séjour en Grèce connaît par coeur (« with cash, numéro VAT, mit Geld, keine TVA ! ») [« Avec du liquide, pas de TVA ! », NDLR.].
Il ne reste plus aux Grecs qu’à admettre qu’un peu de rigueur germanique ne leur ferait pas de mal… mais je me suis laissé dire que les touristes allemands ne donnent guère le bon exemple, du Parthénon aux côtes du Péloponnèse, en passant par Khos ou Mykonos.
▪ Une des principales actualités du jour provenait hier d’Allemagne. Les investisseurs ont été rassurés d’apprendre le rejet par la cour de justice de Karlsruhe (l’équivalent de notre Conseil constitutionnel) d’une plainte contre le gouvernement d’Angela Merkel pour viol de l’interdiction de venir au secours d’un pays de la Zone euro en difficulté (en vertu de l’article 104 du Traité de Lisbonne qui devient, de facto, caduc).
Preuve que les marchés ne sont plus tout à fait sur la même longueur d’onde que l’ex-patron du MEDEF allemand — qui réclame l’éviction de la Grèce de la Zone euro — la Bourse de Francfort a bondi de 4%.
Le CAC 40 n’était pas en reste. L’indice parisien a terminé au plus haut du jour (+3,63% à 3 073 points) et refranchit le seuil des 3 055 points (support court terme pulvérisé lundi). La Bourse de Milan, potentiellement la plus exposée à un défaut de la Grèce, s’est envolée de 4,3%.
C’est peut-être un indice que le vent est en train de tourner, la spéculation ne trouvant pas non plus de motif d’alimenter la psychose de l’éclatement de la Zone euro avec le satisfécit accordé par le FMI à l’évolution des déficits budgétaires au Portugal et en Irlande.
▪ Wall Street n’avait pas perdu beaucoup de terrain depuis jeudi (moitié moins qu’en Europe, au pire de la séance de mardi). La place américaine donnait le sentiment mercredi soir que le reliquat de pertes pourrait être rapidement effacé. Le Dow Jones grimpait à mi-séance de 2%, le S&P de 2,4% et le Nasdaq de 2,5% à 2 535 points.
Et comme pour avertir les catastrophistes que leurs thèses devront s’appuyer sur de nouveaux éléments concrets, les valeurs refuge ont enregistré d’importants dégagements mercredi. En effet, les taux à 10 ans sont remontés à près de 2% aux Etats-Unis et à 1,920% en Allemagne tandis que l’or subit une rechute de 3% à 1 815 $.