** Durant le krach de 1929, Winston Churchill, qui se trouvait à New York à l’époque, déclarait :
* "Un gentleman s’est jeté du haut du 15ème étage, et a été réduit en miettes".
* Le week-end dernier, un banquier londonien, "hanté par la gestion des répercussions du credit crunch", selon le Daily Mail, a été la première victime connue de la crise du crédit. Il "est décédé [en se jetant sous] un train express circulant à 160 km/h à la gare de Taplow", annonçait le journal.
* Churchill savait manier le verbe :
* "Les Etats-Unis font invariablement le bon choix, après avoir épuisé toutes les alternatives", avait-il dit.
* Les marchés semblaient penser que Churchill avait raison, ces derniers jours. Le Congrès US va se retrouver à court de temps… et d’alternatives. Les investisseurs se sont dit que des mesures ne manqueraient pas d’être prises.
* La ligne officielle, c’est que le monde a besoin d’un renflouage. Tout le monde le dit. A présent, le Sénat US, dans sa sagesse magistrale, a juré de remettre l’ouvrage sur le métier jusqu’à ce qu’il trouve une solution.
* Churchill n’était pas un grand stratège militaire, mais lorsque les choses ont tourné au vinaigre, il avait les mots dont la Grande-Bretagne avait besoin. Durant les grandes heures du Royaume-Uni, Winston Churchill a mené le pays. C’est du moins la ligne officielle…
** A présent, les choses tournent au vinaigre sur les marchés financiers de la planète. Et la ligne officielle, c’est que le Congrès US a fait une grosse erreur…
* "[Le Congrès] n’a pas pris les choses en main et les marchés ont chuté", titrait un éditorial de l’International Herald Tribune de mardi.
* Nous avons cherché un article de notre éditorialiste préféré, Thomas L. Friedman. Au milieu de tous ces discours apocalyptiques, nous pensions que l’avis de Friedman nous dériderait un peu. A la place, nous avons trouvé David Brooks. Comme Friedman, Brooks est une mouche du coche. Et comme Friedman, il ne s’intéresse que très peu à la véritable manière de fonctionner de l’homo sapiens economensis. Tous deux ont toujours un plan bidon pour résoudre les problèmes de la planète — oubliant le fait que lesdites difficultés sont généralement causées par le précédent plan bidon.
* Naturellement, Brooks est en faveur d’un renflouement. Comme on pouvait s’y attendre, il cite Franklin Roosevelt comme modèle. "Il avait compris que son rôle principal était de restaurer la confiance", écrit-il. Il n’est probablement pas conscient du fait que c’est un excès de confiance qui a mis les Etats-Unis dans le pétrin où ils se trouvent. Et il ne lui est probablement jamais venu à l’esprit que les programmes de Roosevelt destinés à "restaurer la confiance" étaient d’une telle sottise qu’ils ont en fait retardé la reprise. Ce qui a remis l’économie américaine sur les rails de la croissance, à l’époque, était le plus grand programme de travaux publics de tous les temps — la Seconde guerre mondiale.
* Brooks appelle les membres du Congrès qui ont voté contre le plan de sauvetage "des nihilistes". Mais qu’ont-ils tous, ces néo-conservateurs ? Selon Friedman, ceux qui trouvent à redire à l’utilisation imprudente de puissance militaire US au Moyen-Orient sont des "nihilistes". Qu’y a-t-il de nihiliste dans ces deux prises de positions ? Nous n’en avons pas la moindre idée. Nous supposons qu’ils veulent dire "stupides". Mais ne peuvent-ils pas trouver d’autres adjectifs péjoratifs ? Que pensent-ils de "cornichon"… ou "benêt"… ou "niquedouille" ? Ces gens ont besoin d’une dose de magie "churchillienne" !
* Brooks n’a pas la moindre idée du fonctionnement du système financier mondial, ou de la manière dont il devrait être géré. Ce qu’il aime, c’est ce qu’aiment toutes les canailles politiques — l’autorité.
* "… à présent, nous avons une crise d’autorité politique en plus d’une crise d’autorité financière"…
* Nous comprenons les mots. Nous comprenons la pratique. Ce qui nous échappe, c’est la théorie.
* Les autorités politiques donnent des ordres aux autres. Que font les autorités financières ? L’économie n’est-elle pas une chose différente… n’est-elle pas basée sur la persuasion plutôt que sur la force… sur les marchés plutôt que sur la politique ? Si nous pensons qu’une pomme de terre vaut 50 centimes, et qu’un fermier accepte de nous la vendre 50 centimes — pourquoi une autorité financière quelconque viendrait-elle nous dire que le prix est d’un euro ? Le monde a déjà fait l’expérience d’un tel système. Les soviétiques ont essayé l’autorité financière durant 70 ans — regardez où ça les a menés.
* Au moins Brooks est-il au courant du danger.
* "Ce dont nous avons besoin, dans la situation actuelle, c’est d’autorité. Non pas de réglementations gouvernementales très lourdes, mais de la main puissante et stable d’institutions publiques qui peuvent nous protéger des influences corruptrices de devises instables, puis empêcher les contagions destructrices lorsque le crédit disparaît".
* Ainsi, Brooks aligne les mots. Les uns après les autres… sans que cela ne nous mène nulle part. A nouveau, nous aimerions en savoir plus sur la théorie. Que fait cette main puissante ? A quoi ressemble-t-elle ? Et en quoi les pognes d’un représentant élu sont-elles moins sensibles à des influences corruptrices que les pattes tremblantes d’un homme dont l’argent personnel est en jeu ? Où la devise est-elle plus instable que dans les caisses publiques ?
* Mais il est inutile de se battre. La bataille contre un renflouement est une cause perdue.