Est-il possible de tirer profit de ce marché des cartes à collectionner, qui va de records en records ?
L’engouement pour les cartes sportives est récent. Certes, les vignettes Panini existent depuis 1961 et leur succès ne s’est jamais démenti. À l’occasion du dernier Mondial au Qatar, il se serait vendu 150 millions de vignettes dans les 500 000 points de vente de la planète (120 pays). « Un business mondial à 15 milliards de dollars par an », titrait Le Parisien en septembre dernier.
Mais ce sont bien évidemment les cartes et les albums anciens qui peuvent faire dépenser des sommes déraisonnables aux yeux du commun des mortels. Par exemple, la version italienne de l’album de la Coupe du monde 1970 à Mexico, complet et en parfait état, a été vendu 3 000 € sur Catawiki en 2016. Un album de la même Coupe du monde, en version internationale cette fois, a été vendu 12 000 € l’année suivante. Il est vrai qu’il était dédicacé par Pelé, vainqueur de la compétition cette année-là avec l’équipe du Brésil.
On est loin cependant des montants faramineux atteints par des cartes de basketball aux États-Unis. En février 2021, une carte dédicacée par Michael Jordan a été adjugée 1,44 million de dollars aux enchères. Quelques mois plus tard, en avril, une carte de LeBron James est partie à 5,2 millions de dollars. Puis, en juillet de la même année, c’est une carte à l’effigie de Stephen Curry qui a été acquise contre 5,9 millions de dollars. Qui dit mieux ?
Honus Wagner, considéré comme le meilleur joueur de baseball de tous les temps, dit mieux. Une carte le représentant, distribuée entre 1909 et 1911 dans des paquets de cigarettes, a été vendu 7,25 millions de dollars l’été dernier, battant le record établi en 2021 à 6,6 millions de dollars. Mais Wagner a été dépassé par Mickey Mantle, autre célèbre joueur de baseball. Une carte le représentant, datant de 1952, a été adjugée 12,6 millions de dollars en août 2022. Le vendeur l’avait achetée 50 000 dollars en 1991 ! C’est ce qui s’appelle avoir eu du flair.
Sociétés d’investissement, sportifs stars et NFT
Un tel marché attire inévitablement des investisseurs professionnels. Ainsi, la carte de Stephen Curry à 5,9 millions de dollars a-t-elle achetée par Alt, un fonds spécialisé dans les actifs non traditionnels.
On peut également citer Collectable, spécialisée dans la propriété fractionnée, qui propose d’acquérir une partie de la propriété d’objets dont la valeur peut monter ou baisser comme une action boursière. PWCC, de son côté, se présente comme le leader mondial dans les ventes aux enchères des cartes à collectionner et des objets connexes. La société propose aussi un coffre-fort permettant de sécuriser les biens acquis, ainsi que des prêts et avances de fonds.
En début d’année 2023, Disney a annoncé se lancer sur le marché des cartes à collectionner avec l’aide de Ravensburger. Disney Lorcana : Premier Chapitre sortira le 18 août 2023, puis d’autres cartes seront mises en vente en décembre, et en mars, juin et septembre 2024. Pour l’instant, on n’en sait pas davantage sur ce que sera le jeu, mais les visuels de certaines cartes ont été rendus publics. Nul doute que les collectionneurs vont se précipiter sur les premiers paquets.
Avec la blockchain, l’univers des cartes à collectionner pourrait prendre un nouvel essor. Grâce aux NFT (non fungible tokens ou « jetons non fongibles » en français), qui équivalent à des certificats de propriété numériques, les cartes peuvent être authentifiées comme unique. Par exemple, Dibbs, qui a fait le buzz en levant près de 16 millions de dollars avec les superstars du basket américain Chris Paul et Kevin Love à son tour de table, permet de vendre et d’acheter des morceaux de cartes grâce aux NFT.
Mais c’est surtout dans le monde virtuel que les NFT apparaissent. Un des acteurs majeurs en ce domaine est la licorne française Sorare qui s’est distinguée avec une levée de fonds de 580 millions d’euros en 2021, battant alors le record français. A ce moment-là, sa valorisation était de plus de 4 milliards d’euros. A son tour de table, on trouve des sportifs comme André Schürrle, Gerard Piqué, Antoine Griezmann et Kylian Mbappé, des investisseurs comme Xavier Niel ou Alexis Ohanian (Reddit), et des sociétés comme Partech, E.ventures, etc.
Sorare, qui annonce avoir deux millions d’utilisateurs dans le monde, vend des cartes digitales (authentifiées par NFT) de joueurs de football, de baseball ou de basket permettant de participer à des compétitions en ligne. La valeur des cartes évolue en fonction de leur rareté, et de la cote du joueur dans la vraie vie. En 2021, une carte de Cristiano Ronaldo a été revendue en près de 150 ethers (la cryptomonnaie utilisée pour effectuer des échanges sur la plateforme), soit près de 340 000 euros au moment de la vente. En mai de l’année dernière, la carte unique de Mbappé a été acquise pour 416 000 euros. En février, c’est une carte du basketteur gréco-nigérian Giánnis Antetokoúnmpo qui a été vendue pour 187 000 dollars. Pour l’instant, ces cartes virtuelles n’atteignent pas les records des cartes physiques, mais les sommes sont déjà loin d’être négligeables.
Un marché d’initiés à aborder avec précaution
Est-il possible de tirer profit de ce marché des cartes à collectionner ? Peut-être trouverez-vous au fond d’un tiroir un set de cartes Pokémon qui vous rapportera une fortune. Sachez cependant qu’il existe plus de 30 milliards de cartes Pokémon dans le monde ! Tomber sur une qui vaille plusieurs centaines de milliers d’euros n’est pas le probable. Si l’une d’elle vous rapporte quelques dizaines ou centaines d’euros, estimez-vous heureux.
Vous l’aurez compris, ce marché est réservé aux initiés. Se lancer dans la spéculation sur les cartes à collectionner sans rien comprendre aux jeux auxquels elles se rattachent, c’est assurément courir à sa perte. Autant jouer au Loto ! Une connaissance du marché, voire une expertise, est nécessaire si l’on souhaite ne pas perdre trop de plumes. Il est ainsi indispensable de fréquenter les sites et les forums spécialisés, s’abonner à des revues, participer aux rencontres, échanger avec d’autres passionnés, etc.
Car, nous l’avons dit, il existe en matière de cartes à collectionner, comme en toutes choses, des escrocs qui ne cherchent qu’à vous duper. Ainsi, au milieu des vraies 30 milliards de cartes Pokémon, il existe des contrefaçons qui ne valent pas un kopeck. Les faussaires opèrent aussi en ligne, et il n’est pas exclu de trouver des fausses cartes sur eBay ou leboncoin. C’est pourquoi il existe des sociétés qui authentifient et notent les cartes, à l’instar PSA ou de PCA. A cet égard, les NFT pourraient offrir des garanties supplémentaires.
Investir grâce à des intermédiaires comme Collectable ou Dibbs, permet de réduire les risques, puisque les produits sont normalement authentifiés et de qualité, et que vous pouvez engager une petite somme.
Enfin, il est possible d’acheter des actions quand les sociétés sont cotées en Bourse. Elles sont peu nombreuses – Hasbro, Disney… – mais elles vont peut-être se multiplier dans les années à venir. Ainsi la Bourse sera-t-elle être le prochain moyen pour Sorare de lever des fonds ?
Quoi qu’il en soit, les cartes à collectionner ne peuvent être qu’un placement plaisir de diversification dans lequel il convient d’investir ce que l’on est prêt à perdre. Aujourd’hui, l’inflation semble pousser les Français à choisir des placements rémunérateurs et risqués. Ce n’est pas forcément une mauvaise idée, à condition, comme toujours, de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.