Le Brexit va enfin être accompli, dès la fin janvier. Désastre ou aubaine ? Les avis sont partagés – mais un point en tout cas est clair… et il concerne la démocratie.
Lors de notre dernier point au sujet de l’Union européenne, nous avons commenté les élections parlementaires des 25 et 26 mai et le discours énoncé par Mario Draghi lors de son pot de départ du 12 septembre.
L’année 2019 s’est terminée en fanfare, avec au dernier trimestre le renouvellement de la Commission, la prise de fonctions de Christine Lagarde à la BCE, et surtout les élections législatives britanniques, qui ont enfin tranché la question du Brexit.
Brexit : quand un homme prouve que le sens de l’Histoire n’est pas déterminé
Ça y est, les électeurs britanniques ont tranché. Presque trois ans et demi après le référendum du 23 juin 2016, nous avons enfin une réponse claire : la Grande-Bretagne va quitter l’Union européenne – à la fin de cette semaine.
Contre toutes les attentes médiatiques, Boris Johnson – celui qui passait pour un bouffon aux yeux d’une grande partie des commentateurs et des élites politiques – a finalement triomphé aux élections générales anticipées du 12 décembre dernier.
10 décembre 2019 : « La campagne de Boris Johnson vient de rentrer dans le mur… et c’était intentionnel. La métaphore est-elle assez subtile pour vous ? »
[NDLR : « Gridlock » signifie « impasse », parlementaire, en l’occurrence.]
Comme l’a rapporté Le Figaro du 13 décembre dernier :
« Les conservateurs se sont dotés hier d’une écrasante majorité, sans précédent depuis l’ère Thatcher. Ils remportent une majorité absolue de 365 sièges sur les 650 de la chambre basse du Parlement, soit 48 sièges de plus, une victoire historique, à l’issue des législatives anticipées de jeudi. »
Equilibre des forces politiques à la Chambre des communes britannique de 1974 à 2019, soit 12 législatures
Source : Les Décodeurs du Monde via la House of Commons et la BBC
Stéphane Montabert rappelle dans quelles conditions le leader conservateur l’a emporté :
« Le plus grand mérite de Boris Johnson n’est pas d’avoir repris le rôle de Premier ministre mais d’avoir assaini la vie politique britannique. Il eut à affronter des factieux dans son propre parti, des élus qui firent défection en changeant d’étiquette. Il affronta la traîtrise de caciques qui communiquèrent ses plans aux médias et à ses adversaires politiques. Il affronta des juges partisans. Il affronta sa propre famille. Et il affronta les médias. »
En France, les progressistes ont beaucoup de mal à anticiper – et encore plus à accepter – les victoires des conservateurs
Le sens de l’Histoire n’est donc pas déterminé… et le clown Johnson a prouvé qu’il n’était pas si fou que ses adversaires et ses ennemis l’imaginaient.
Les médias, notamment français, ont mis du temps à se remettre de cette victoire spectaculaire.
Il semble cependant que, pour la première fois depuis le référendum sur le Brexit et l’élection de Donald Trump, on a commencé à se demander sur les plateaux télé, à la radio et dans les journaux, si l’on n’aurait pas une fâcheuse tendance à surestimer, sinon ce que l’on appelle de ses vœux, en tout cas sa propre perception de la réalité.
« Manifestement, les choses étaient un peu plus compliquées et les Britanniques, loin de regretter leur vote de 2016, reprochaient à leurs élites d’avoir tout fait pour entraver sa concrétisation », a fait remarquer Mathieu Bock-Côté dans Le Figaro du 13 décembre.
Certains universitaires médiatiques ont d’ailleurs du mal à s’en remettre, et tentent de se rassurer comme ils le peuvent…
Quitte à ne pas faire dans la nuance, plutôt que cette opposition « élites urbaines éclairées » vs. « débiles profonds périphériques », je vous propose l’analyse démographique et économique suivante :
Pour ceux qui ne saisiraient pas où je veux en venir, voici le sous-titre proposé par ZeClint :
« Lorsque vous n’avez pas d’argent, vous voulez partager l’argent des autres… Lorsque vous êtes plus âgé et que vous savez à quel point il est difficile de gagner votre vie, vous ne souhaitez plus partager votre argent durement gagné avec qui que ce soit. »
Eh oui, outre le fait que Jeremy Corbyn a été pénalisé par ses positions floues au sujet du Brexit, le raz-de-marée conservateur tient également au fait que les Britanniques n’avaient pas très envie que le 10 Downing Street soit occupé pendant cinq ans par un Premier ministre aux accents bolivariens.
En Grande-Bretagne, la démocratie fonctionne
Peu importe ce que l’on pense du Brexit, s’il ressort un constat indubitablement positif de ces élections, c’est bien que la Grande-Bretagne dispose de deux partis politiques qui s’opposent sur des sujets de fond.
Les citoyens britanniques ont accès à une alternative politique. Outre-Manche, la démocratie fonctionne, et l’on aimerait bien pouvoir en dire autant en France où les partis à prétention majoritaire ont des discours très similaires au sujet de l’Europe… et de tous les autres sujets capitaux.
Notez au passage que Jeremy Corbyn, dont le Labour a enregistré son score le plus faible depuis 1935, a annoncé dans la foulée des résultats qu’il allait démissionner de la tête du parti.
Pendant ce temps, Jean-Luc Mélenchon, qui lui aussi souhaite transformer son pays en un paradis socialiste, continuer d’échouer à chaque élection, ce qui ne l’empêche pas de reprendre systématiquement deux fois des moules.
Le Royaume-Uni rejoint donc la longue liste des Etats qui préfèrent se tenir éloignés de l’Union européenne, plutôt que d’être intégrés dans cette bureaucratie.
Edouard Husson n’est pas le seul à voir dans l’Union européenne une entité en déficit de démocratie. Voici en effet ce qu’écrivait Charles Gave le 16 décembre au sujet du Brexit :
« Il ne faut pas se tromper : il s’agit là d’une révolution. La souveraineté britannique avait été capturée par la classe des Oints du Seigneur Bruxellois, aidée par leurs copains à l’intérieur de la Chambre des Communes, au point que ces gens prétendaient que seul le Parlement était souverain. Cette question a été tranchée, le peuple est le SEUL souverain et elle l’a été par un vote, comme d’habitude en Grande-Bretagne. […]
BoJo va pouvoir marcher sur les traces de Disraeli, le premier à avoir parlé d’un conservatisme pour tout le monde. »
Que l’on apprécie Boris Johnson ou qu’on le déteste, il n’en reste pas moins qu’il va obliger les représentants de l’UE à se retrousser les manches pour les 12 mois qui viennent…