** Une récession et un marché baissier des prix des actifs sont inévitables pour l’économie américaine. De récentes données économiques ne laissent aucun doute sur le fait que les deux sont en route. Ce qui motive les rebonds des actions américaines n’est que le syndrome "les mauvaises nouvelles font les bonnes nouvelles", reflétant l’espoir que la faiblesse économique mettra fin aux hausses de taux de la Fed.
– Les salaires non-agricoles ont augmenté de près de 108 000 par mois au second trimestre, bien loin des 176 000 emplois créés au premier trimestre. C’était d’ailleurs le score le plus bas en près de trois ans. Parallèlement, l’économie américaine dans son ensemble ressent déjà les effets du ralentissement de l’immobilier. La construction résidentielle n’a apporté que 0,38% à la croissance réelle du PIB au cours des deux précédents trimestres (T4 2005-T1 2006). Ce chiffre est à comparer aux 1,18% du premier semestre 2005. Réfléchissez au fait que ce sont les dépenses de construction qui ont l’effet multiplicateur le plus élevé au sein de l’économie américaine, générant des emplois et des dépenses supplémentaires. Le commerce de détail et les constructions résidentielles représentent à eux deux 75% du PIB US.
– Ce qui a tiré l’économie américaine de sa récession de 2001 n’est pas un secret : la Fed de Greenspan a réussi à compenser l’impact "dépressif" du plongeon des actions et des investissements des entreprises sur l’économie en gonflant les prix des maisons — ce qui a nourri une fièvre d’emprunts et de dépenses de consommation sans précédent. Pour la première fois de l’histoire, une banque centrale a systématiquement orchestré une bulle du crédit et des actifs, dans le but explicite de précipiter la croissance économique.
– Une croissance économique "alimentée par les actifs", telle est désormais l’étiquette pour ce nouveau schéma de développement. Les politiques — et de nombreuses autres personnes — en sont apparemment venus à considérer cela somme une alternative valide à la croissance économique traditionnelle, nourrie par les revenus. Mais ce n’est pas le cas ; c’est simplement le chemin vers le prochain krach des actifs.
** Les apparences des dernières années sont trompeuses. Une croissance économique alimentée par les actifs représente une alternative dangereuse, comportant de graves défauts — et ce pour deux raisons : pour commencer, les cours des actifs ne peuvent grimper éternellement ; et deuxièmement, cela implique une croissance exorbitante de la dette et du crédit, générée par la hausse des prix des actifs et des attentes excessivement optimistes.
– La croissance nourrie par une bulle prend invariablement fin lorsque les prix des actifs cessent de grimper. Dans le cas des Etats-Unis à la fin des années 20, et dans celui du Japon à la fin des années 80, les prix des actifs se sont effondrés, causant de graves dégâts dans les bilans des banques, des entreprises et des ménages.
– Bien entendu, la fabuleuse "création de richesse" nourrie par les actifs stimule le désir de s’endetter toujours plus profondément. Aux Etats-Unis, depuis l’an 2000, les dettes des ménages ont grimpé en flèche, passant de 6 966,7 milliards à 11 840,1 milliards de dollars (1er trimestre 2006). Cela représente une augmentation de 4 873,4 milliards de dollars, ou 70%. Mais cette croissance record de la dette est considérée comme sans importance parce que la valeur nette des ménages — la valeur des actifs moins les dettes en cours — a grimpé dans le même temps, de 42 113,5 milliards à 55 830,3 milliards de dollars. En d’autres termes, les valeurs des actifs ont augmenté bien plus rapidement que les dettes.
– Est-ce un calcul raisonnable ? Nous avons une réponse catégorique : non. Peu de gens semblent réaliser que la vaste "richesse" immobilière américaine provient des valeurs imputées. En d’autres termes, le nombre relativement limité de maisons changeant de mains chaque année établit la valeur de toutes les autres maisons du pays. Aux Etats-Unis, seuls 5% environ des maisons existantes s’échangent chaque année. Les 95% restants se contentent de rester là, tandis que leur valeur théorique grimpe régulièrement. Les Américains appellent cela de la création de richesse. Moi pas. Cette richesse peut disparaître tout aussi facilement qu’elle est apparue. En fait, elle est déjà en train de s’évanouir.
– J’ai toujours rigoureusement contesté l’idée selon laquelle une hausse de la valeur estimée des maisons représente une création de richesse. Même les propriétaires de la maison ne gagnent en réalité pas grand’chose à cette hausse des prix. Tout le monde peut se sentir plus riche… mais personne ne l’est, tant en termes de confort immobilier que dans tous les autres domaines. Si quelqu’un voulait échanger sa résidence contre un endroit de même qualité, il devrait payer le même prix élevé que celui auquel il a vendu.
– En réalité, le propriétaire immobilier ne gagne qu’une chose : un nantissement plus élevé pour des emprunts plus élevés. L’utilisation imprudente des facilités d’emprunt — proportionnellement plus grandes — est la caractéristique centrale de toutes les économies de bulle. C’est ce qui s’est produit à la fin des années 20 aux Etats-Unis, et à la fin des années 80 au Japon… et c’est ce qui est en train de se produire aux Etats-Unis depuis quelques années.