** Eh bien ! Que s’est-il passé, cette semaine ?
* Le Dow a grimpé. L’or, pendant ce temps, s’est pris une raclée. Le pétrole est resté ferme, tandis que le dollar a grimpé par rapport à l’euro.
* Les marchés asiatiques ont eux aussi repris du poil de la bête. La crise bancaire est terminée, titre Bloomberg. Les mauvaises nouvelles sont déjà prises en compte dans les cours. Si l’on en croit l’article, le départ de Marcel Ospel, directeur d’UBS, a marqué le plancher absolu du déclin du secteur financier. A partir de maintenant, on ne fera que grimper.
* Que doit-on comprendre de tout cela ?
* Prenons un peu de recul.
* Le danger, bien entendu, c’est que les marchés signalent que nous nous trompons entièrement. Les actions sont saines… pas l’or. Voilà ce que les dernières nouvelles nous disent peut-être. Si c’est le cas, nous allons clore notre Transaction de la Décennie dès maintenant, nous enterrer dans un monastère quelque part, et repenser toute notre weltanschauung. Dans la pénombre et l’air raréfié, sans alcool à portée de main, peut-être pourrons-nous voir les choses plus clairement. Nous en viendrons à réaliser, finalement, que la monnaie papier est une bonne chose ; qu’Alan Greenspan et Ben Bernanke ne sont pas seulement des génies, mais aussi des saints ; que l’industrie financière travaille jour et nuit pour le bonheur de l’humanité ; et que le temps est venu de se débarrasser de l’or et d’acheter des actions.
* Peut-être.
* Pour commencer, nous devons reconnaître que quelle que soit la tendance de long terme, elle ne s’annoncera pas tel un nouvel ambassadeur à la cour du roi. Non, au lieu de ça, elle se faufilera comme un voleur dans la nuit. Nous ne réaliserons même pas qu’elle était là avant de nous réveiller le lendemain matin sans notre argenterie.
** En regardant autour de nous, nous voyons des choses étranges et étonnantes. Sur la couverture du journal The Independent de mardi, par exemple, on trouve la photo d’une longue file de gens faisant la queue pour recevoir des bons alimentaires à New York.
* "La Grande dépression", titre le journal. "Les bons alimentaires sont le symbole de la pauvreté, aux Etats-Unis. A l’époque du credit crunch, un nombre record d’Américains — 28 millions — en dépendent désormais pour survivre — le signe certain que le pays le plus riche du monde est confronté à une crise économique".
* A nouveau, nous voyons la triste évolution des Etats-Unis d’Amérique depuis la fin des années 60. A l’époque, moins de cinq millions de personnes recevaient des bons alimentaires. A présent, ils sont près de six fois autant à en vivre… après ce qui était censé être le plus gros boom de l’histoire. Bien entendu, cher lecteur, nous savons que ce boom était bidon. Il a rendu les Indiens et les Chinois bien plus riches. Mais les Américains — et une bonne partie des Occidentaux — sont restés en arrière. Ils ont pu dépenser leur richesse, non pas l’augmenter. Et à présent, près de 26 ans après le début du boom, les Américains s’aperçoivent qu’ils doivent plus d’argent à plus de gens que jamais. Pire encore… alors que les salaires ont grimpé en flèche chez leurs principaux adversaires — la Russie et la Chine –, dans les 50 états, un citoyen lambda gagne aujourd’hui à peu près la même chose, en termes réels, que durant l’administration Carter.
* Et à présent, pour aggraver encore les choses, il est confronté à un ralentissement économique.
* Les comparaisons avec les années 30 se multiplient. La dernière fois qu’on a vu une chute nationale du secteur de l’immobilier, on était dans les années 30. Jamais depuis les années 30 on n’avait vécu une telle crise du secteur financier. Et la dernière fois qu’on a vu de telles pressions pour une réforme de Wall Street, on était — vous l’aurez deviné — dans les années 30.
* Et pourtant, malgré tous les effets de manche sur la "dépression" — où est-elle ? Nulle part. A ce jour, la dépression semble aussi bidon que le boom qui l’a précédée.
* Durant la vraie Grande dépression des années 30, des milliers des banques américaines ont fait faillite. Combien ont mis la clé sous la porte récemment ? Un travailleur sur quatre (des hommes, en général) était au chômage durant la Dépression. Aujourd’hui, le taux de chômage est de un sur vingt. Durant la Grande dépression, la croissance est devenue négative. En termes nominaux, le PIB américain a été divisé de moitié ou presque durant les années 30. Mais pour autant que nous en sachions, le PIB US est toujours dans le vert en ce moment. Le FMI, qui a toujours un peu de retard, affirme que les Etats-Unis enregistreront une croissance de 0,5% en 2008.
* Et qu’en est-il des marchés boursiers ? Le Dow a atteint son sommet le 3 septembre 1929, à 381 points… s’est effondré… puis a rebondi… avant de chuter à nouveau. Lorsque tout fut terminé, le Dow était passé à 41. A ce jour, cette année, le Dow a baissé de 7%. Les actions US s’échangent encore pour 18 fois les bénéfices — à comparer à 8 à peine au plus bas dans les années 30.
* Question évidente : où est la dépression ?
* Réponse évidente : il n’y en a pas… du moins pour l’instant.
* Question évidente suivante : dans ce cas, qu’est-ce qui cause tant de problèmes ?