▪ Lorsque vous lirez cette Chronique, les jeux seront faits ! Nous n’allons pas vous faire languir trop longtemps, l’explication de cette introduction vous est d’ailleurs déjà connue. Notre tâche se borne en fait à rafraîchir le lien.
Au moment où nous écrivions ces lignes, le suspense demeurait entier… mais pas pour tout le monde apparemment !
Rappelez-vous que Wall Street affichait plus de 1% de hausse à la mi-séance ; le S&P grimpait de 1,05% et le Nasdaq de 1,25%. Personne en Europe — même pas à Londres — n’avait vu venir un rebond d’une telle ampleur.
Les indices américains étaient plus que partagés en pré-ouverture. Le Dow Jones s’effritait de 0,25% et les technologiques s’apprêtaient à tenter un rebond symbolique de 0,15%. Comment ces mêmes indices parviendront-ils à s’envoler de 1% peu après l’ouverture de Wall Street ? Voilà un mystère que nous étions bien déterminé à élucider car l’actualité du jour aux Etats-Unis n’expliquait en rien un tel revirement haussier.
Les opérateurs ne pouvaient invoquer de bons trimestriels : les résultats de Citigroup (la seule publication du jour connue des opérateurs américains) ont été simplement conformes aux prévisions. Aucune statistique officielle ou officieuse n’est venue apporter un éclairage nouveau — et positif — sur la conjoncture.
Les commentateurs n’ont pas tardé à parler des liquidités inemployées qui refont surface dès que les cours baissent. Ils ont ensuite avancé la possibilité d’un phénomène de rotation sectorielle au profit des valeurs pharmaceutiques (plutôt défensives).
Sur ce second point, ils n’avaient pas tort… mais cela restait « un peu court ». En l’absence de communiqué d’un laboratoire ou d’un géant des biotechnologies, il fallait creuser un peu cette thématique et jeter un coup d’oeil du côté des chaînes généralistes.
▪ La grande affaire du jour, c’était l’élection sénatoriale du Massachusetts : un scrutin décisif dans la mesure où la perte d’un siège démocrate dans cet Etat pouvait priver le président Barack Obama d’une majorité qualifiée au Sénat.
Sans cette courte majorité dont disposaient encore les démocrates mardi matin, c’est toute la réforme du système de couverture médicale qui pouvait être remise en cause — pour le plus grand bonheur de l’opposition conservatrice et apparemment pour l’industrie de la santé.
Les derniers sondages qui circulaient à Wall Street en début de journée indiquaient que le candidat républicain Scott Brown avait de bonnes chances de l’emporter, à la faveur d’un vote sanction contre l’incapacité de la Maison Blanche à redresser la situation économique.
Le suffrage des investisseurs (généralement bien informés) était facile à lire dans le top 10 des plus fortes hausses boursières du jour. L’assureur Aetna s’envolait de 5% et Citna de 3%. Les plus grands noms de la pharmacie, Merck, Pfizer ou encore Johnson & Johnson, s’adjugeaient très rapidement plus de 2% en moyenne.
Ces trois poids lourds n’ont pas tardé à propulser le Dow Jones jusque vers 10 700 points (puis au-delà). Le seul repli significatif de l’indice phare (-2%) concernait Kraft Foods ; la société vient d’obtenir l’approbation de Cadbury suite à sa dernière offre plus généreuse en cash.
▪ Les places européennes n’ont pas cherché à analyser le pourquoi de l’aubaine haussière qui se dessinait à Wall Street. Elles ont inversé la vapeur, épousant fidèlement l’évolution des indices américains. Le CAC 40 clôturait complètement aux antipodes de la matinée avec un gain de 0,8% à 4 010 points, après avoir testé les 3 935 points (niveau de clôture du 31 décembre 2009).
Le même vent d’euphorie soufflait sur Francfort (+0,98%), et Madrid (+1,25%). L’Eurostoxx 50 et l’Eurotop 100 affichaient +0,9%… Un score parfaitement symétrique à celui affiché après la publication de l’indice ZEW du sentiment économique en Allemagne.
Le baromètre mensuel a chuté pour le quatrième mois consécutif. Il a perdu 3,2 points en janvier, pour s’établir à 47,2 contre 50,4 points en décembre et 51,1 points au mois de novembre.
Ceci conforte l’hypothèse d’une reprise lente (voire d’un risque de rechute) de la première économie de la Zone euro. La monnaie unique n’a pas tardé à revenir tester dans la foulée ses planchers de la fin décembre, vers 1,425 $. Les cambistes ont en effet sans peine pu déduire que Jean-Claude Trichet n’est pas près de modifier (fin 2010 au minimum) une politique monétaire qu’il juge « appropriée ».
▪ La Fed ne va pas manquer de continuer à nous tenir le même langage… Sauf que la dette américaine continue de se creuser tandis que les étrangers continuent de s’en détourner.
Les médias tentent de nous faire croire que non, en insistant sur le succès des dernières émissions du Trésor US. Mais il ne s’agit que d’un tour de passe-passe assez basique qui consiste à faire « porter le papier » par quelques grosses institutions (dont quelques-unes sont effectivement étrangères). Ensuite, la Fed en rachète discrètement la moitié ou les deux tiers quand le marché se préoccupe de la dernière OPA ou des derniers chiffres de l’emploi. Cela s’appelle « monétiser la dette » : c’est de l’impression de billets verts vaguement indirecte… mais cela s’apparente bel et bien au recours à la planche à billets.
Et c’est peut-être là que le bât blesse. La Fed ne peut indéfiniment gonfler son bilan ; il va bien falloir qu’elle place son stock de T-Bonds auprès de vrais investisseurs finaux… et ils se font de plus en plus rares.
Mais rassurez-vous, ils ne seront pas difficile à trouver ni à convaincre. Les fonds de retraite vont être incités à s’intéresser à des placements généreusement notés AAA par les agences de notation. Les gérants vont renâcler mais le gouvernement américain n’aura aucune peine à leur tordre le bras tout en leur offrant l’alibi de rendements un peu plus élevés.
Le problème, c’est que l’épargne actuellement collectée par ce biais sert aujourd’hui à soutenir Wall Street. Comme la masse récoltée n’augmente pas du fait du taux de chômage et de la baisse des revenus, les fonds de retraite vont devoir faire de la place… et ils le feront d’autant plus volontiers que les plus-values latentes sont énormes.
La suite des événements, vous l’imaginez sans peine — ce n’est plus qu’une question de jours, tout au plus de quelques semaines (si toutefois les trimestriels publiés d’ici fin janvier ne déçoivent pas).