▪ La faillite de Lehman a été un événement bien plus important que le 11 septembre. Elle a marqué la fin d’une expansion de crédit qui a duré 60 ans. Peut-être qu’elle a aussi marqué une sorte de virage pour l’empire américain également. Et le début de la fin du système monétaire mondial basé sur le dollar.
Mais l’occasion est passée jeudi sans qu’on en parle plus que ça.
Ce qu’il y a de plus remarquable au sujet de cette économie post-Lehman, c’est qu’elle est l’inverse de remarquable.
Que voulons-nous dire par là ?
Eh bien, nous avons appris la semaine dernière que les consommateurs américains ne dépensent pas… et que les prix n’augmentent pas. C’est exactement ce qu’on attend lors d’une Grande Correction.
Et voici qu’arrive le Wall Street Journal avec un nouveau titre banal :
« Les revenus de la famille américaine moyenne — qui ont longtemps fait l’envie d’une bonne partie de la planète — ont chuté pour la troisième année consécutive et sont désormais à peu près à leur niveau de 1996 lorsqu’on tient compte de l’inflation ».
« […] La part d’Américains vivant dans la pauvreté a grimpé à 15,1% de la population, et 22% des enfants vivent maintenant sous le seuil de pauvreté — c’est le plus grand pourcentage depuis 1993 ».
L’article fournit d’autres faits et chiffres. Il n’avait pas besoin de se donner cette peine. Nous savons ce qui se passe. L’économie se contracte. A mesure qu’elle se contracte, elle pèse sur les emplois, les revenus, les dépenses et les prix.
▪ Nous avons vu une note dans la presse, la semaine dernière. Elle nous annonce que le salaire du péché est en train de tomber. Le syndicat représentant les serveurs dans les casinos d’Atlantic City déclare que la base horaire a chuté, passant de 8,74 $ à 4,50 $. Et les pourboires déclinent. Les études menées auprès de prostituées montrent que leurs revenus sont un peu mous aussi.
La pression financière pèse sur les gens… et ils ont du mal à respirer. On trouve désormais 46,2 millions de personnes sous le seuil de pauvreté aux Etats-Unis, selon le Los Angeles Times. C’est le chiffre le plus élevé de ces 50 dernières années.
Rien d’extraordinaire là non plus. C’est aussi la plus grande correction depuis un demi-siècle. Inutile d’aller bien loin pour en trouver d’autres preuves.
C’est pour cette raison que le rendement du bon du Trésor US a chuté à son plus bas niveau depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
C’est pour cette raison que la moitié des Américains cherchant un emploi sont en recherche depuis plus de six mois.
Et c’est pour cette raison qu’un récent sondage montre que 72% des Américains pensent que le pays est en route pour l’enfer.
A présent, enfin, quasiment tout le monde se rend compte que nous ne sommes pas dans une situation de récession-reprise. Il se passe autre chose. Le Financial Times appelle ça une Grande Récession. Richard Koo appelle ça une « Récession de bilan financier ». Et David Rosenberg déclare qu’il faut appeler un chat un chat — c’est une « dépression moderne ».
Nous nous en tiendrons à notre étiquette de Grande Correction. Parce que selon nous, il se passe ici plus de choses que ce que recouvre le terme « dépression ».
Jusqu’à présent, quasiment tout ce qui s’est passé correspond à peu près à ce à quoi on pouvait s’attendre — les conséquences prévisibles et ordinaires d’une contraction. Rien de remarquable à ça.
Mais que voyons-nous là ? Les actions US grimpent. Les investisseurs boursiers ne semblent pas avoir compris le message : cette économie est dans une contraction. Ils valorisent toujours les actions comme s’ils pensaient que les entreprises sous-jacentes vont se développer. Mais les entreprises n’accumulent pas les ventes ou les profits durant une contraction.
Au moins les investisseurs aurifères semblent-ils avoir une meilleure idée de ce qui se passe. Ils ont vendu le métal jaune, dont le prix baisse.
Le marché obligataire aussi a les pieds sur terre. Le rendement du bon du Trésor US à 10 ans n’est que de 2,08%. C’est un niveau cohérent avec un ralentissement à la japonaise.
Rien de surprenant, donc.